Du 29 au 30 novembre 2014 se déroulera à Dakar, l’infâme sommet de la Francophonie. Organisé par l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif), l’ancienne Agence de coopération culturelle et technique (Acct), on voudrait nous faire croire que son projet est purement linguistique et culturel, or il n’en est rien ! L’Oif n’est qu’une administration de plus, instituée par la Francafrique afin de soutenir les leaders politiques qui ont choisi l’Élysée/Matignon contre leur peuple. Il ne faut pas confondre le français et la Francophonie !
Le français est une langue, et comme toutes langues il fait partie du patrimoine universel. Il appartient à ceux qui l’apprennent, le comprennent ; il exprime les idées de ceux qui le parlent ! C’est en français que Sékou Touré dit à de Gaule dans son discours de Septembre 1958 : « Nous sommes Africains et nos territoires ne sauraient être une partie de la France ».
La Francophonie, c’est le colonialisme!
Il existe déjà un programme de Francophonie militaire encadré par le ministère français des Affaires étrangères, qui s’étend sur 75 pays et qui consiste à l’envoi de « professeurs » de français (avec ou sans treillis) à l’intérieur des casernes militaires des pays du tiers monde pour y enseigner le français et surtout établir des liens précieux entre les États-majors !
Il n’appartient pas aux administrations françaises (la gauche étant pire que la droite) de nous rassembler autour d’un concept aussi nébuleux que la francophonie à des fins soi-disant humanistes. Mais enfin pour qui se prennent-elles ?
C’est elles qui balkanisent, effectuent en Afrique des ajustements structurels par l’assassinat politique et le coup d’État militaire, commanditent les génocides, divisent pour mieux régner en contrôlant nos banques centrales, notre monnaie et en supervisant les organes de presse chargés de nous désinformer. Elles ont dissout les anciennes fédérations d’Aof et d’Aef, créé des micros États, soutenu les dictatures qui leur étaient favorables, fait de l’Afrique francophone une chasse gardée exclusivement réservée à leurs grandes entreprises. Elles nous ont réduit, avec la complicité de notre « élite politique », à l’état de mendicité absolue et à l’heure où elles sont engagées dans la construction de l’Europe, elles voudraient que nous nous contentions d’être des francophones !
Et comme dans toute entreprise coloniale dont le but ultime est toujours d’asservir pour mieux s’implanter, d’abrutir pour mieux exploiter, elles ont besoin de complices, de collaborateurs, d’Africains qui jouent le jeu en se cantonnant au rôle qu’on leur assigne et en respectant la bienséance édictée par leurs maitres, pour mieux recevoir les Prix qu’on leur paye.
Tout dans cette Francophonie relève de la mise en scène et du faux-semblant, et le relativisme moral, comme toujours, y côtoie l’imbécilité. C’est une pensée qui renvoie à l’essentialisme colonial, selon laquelle il existerait une essence nègre qui fait de l’Africain un Homme identique sous tous les cieux et à travers les âges.
On nous dit que le thème de ce XVème sommet sera centré autour des “Femmes et des Jeunes en Francophonie”, car selon les organisateurs, les Punus et les Fangs du Gabon, les Bassas, les Doualas, les Bamilékés et les Bamouns du Cameroun ; les Konos, les Soussou et les Peuls de la Guinée, les Sérères, les Diolas et les Wolofs du Sénégal comme la Tunisienne ou les Baoulés de Côte d’Ivoire,… qu’ils soient animistes, chrétiens ou musulmans, quelle que soit leur appartenance sociale, dans des pays où l’ampleur de l’illettrisme est symptomatique d’une déliquescence générale, ils ont pour dénominateur commun le français.
Et ce n’est pas du français de Danton et de Saint-Just qu’il s’agit, mais bien celui de Foccart, de Messmer, de Bouygues, de Bolloré, de Bob Denard, c’est-à-dire celui du chasseur d’homme avec son filet, sa muselière, ses tirailleurs et son chien !
Mais si la pensée nous semble incohérente, la démarche est insidieuse. C’est l’Oif, flanquée de son secrétaire général, qui n’est autre qu’un ancien président de la République du Sénégal, qui reconnaissait la réélection du dictateur Paul Biya au Cameroun en octobre 2011, c’est elle qui valide les dictatures héréditaires du Gabon des Bongo, du Togo des Eyadema. Elle tient ses conférences à Brazzaville chez Sassou-Nguesso ou à Ouagadougou, chez l’assassin de Sankara. C’est vous dire l’intérêt qu’elle porte à la « démocratie ».
Elle est responsable de la « prévention des conflits ». C’est-à-dire que de projet linguistique et culturel, elle devient une organisation politique. Elle est désormais, selon la déclaration de Saint-Boniface, adoptée par l’Oif en mai 2006, chargée par la France de « … jouer pleinement son rôle spécifique dans l’observation, l’alerte précoce, la diplomatie préventive, la gestion des crises, l’accompagnement des transitions et la consolidation de la paix, et ce dans le cadre d’une coopération systématique et rationalisée avec les Organisations internationales et régionales. »
Comme le disait si bien le roi Christophe dans la Tragédie d’Aimé Césaire : « Le crime de nos persécuteurs nous cerne les talons et mon peuple danse » !
Arrêtez de danser et de rire du mal que l’on vous fait. Réveillez-vous au grand jour de cette terre qui est vôtre! Que les larbins de l’Élysée s’inclinent et que les peuples se relèvent, car nous ne sommes pas les Nègres de la France des lobbies et de la haute finance. Il faut oser organiser un sommet de la Francophonie dans des pays minés par une pauvreté endémique, par la famine, l’enrichissement illicite, l’absence d’infrastructures hospitalières où la démocratie est une farce et les jeunes sont sans avenir.
La Francophonie gangrène tous les aspects de la vie sociale. Elle corrompt les générations futures en instituant les Conseils nationaux de jeunesse comme seul interlocuteur de la jeunesse et à travers le financement des organisations et des associations dites de la société civile. L’idée sous-jacente est que chaque contestataire supposé ou réel soit pourvu d’un poste, d’un titre, d’une bourse, d’un visa qui lui fasse passer l’envie de protester, et qu’il se résigne à sacrifier le destin de son peuple en échange de la pitance qu’on lui offre.
Nous venons de vous exposer la supercherie francophone en Français. Nous avons tenu à dissocier la langue et la culture française de la francophonie qui n’est qu’un prolongement de la stratégie coloniale destinée à l’exploitation de nos matières premières, l’occupation militaire de nos territoires, la formation d’une élite politique aux ordres de l’Elysée et l’abrutissement de nos peuples. Ce combat ne s’exprimera ni en sérère ni en bamoum, ni en bété ni en lingala, mais en français car c’est une langue que nous pouvons tous comprendre, y compris nos amis du peuple de France dont nous avons besoin du soutien, car nous voulons toucher toutes les personnes solidaires de notre cause !
Il est regrettable de voir qu’un des réflexes les plus répandus est d’associer le français à la Francophonie et d’opposer à la langue française nos langues nationales ! Nous pouvons tout en conservant le français comme une langue vernaculaire, commerciale et politique, développer l’enseignement des langues nationales.
C’est pour l’ensemble des raisons évoquées que nous avons organisé un contre-sommet auquel nous convions les peuples d’Afrique et de France pour une action concertée afin d’exposer les mensonges que répandent les courtiers de l’impérialisme. Notre démarche devra inspirer d’autres mouvements en Afrique subsaharienne et en France métropolitaine car seule l’unité dans le discours et l’action peuvent nous garantir la souveraineté réelle sans laquelle aucun projet de développement ne saurait aboutir à une amélioration de nos conditions d’existence.
Source: Pambazuka