Ziéga Onekpo Fulbert (mari coutumier de la mère de Gbagbo) parle…
Des révélations sur Zèpè Koudou Paul, père de Gbagbo
Dans la coutume bété, lorsque l’époux décède, l’épouse se met sous la protection et la responsabilité d’un membre de la famille du défunt, si elle le consent. Elle devient automatiquement l’épouse de ce dernier, selon les us. C’est ainsi que Gado Marguérite, après les décès de Seri Robert puis Zahui Robert, à qui elle a été mariée, était sous la responsabilité de Ziéga Onékpo Fulbert, l’un des frères des défunts, qui était en fait devenu son époux conformément à la tradition. Et pour respecter cette tradition, Ziéga Onékpo demande à enterrer ”sa femme” à Gnaliépa, où elle a régulièrement résidé depuis plusieurs décennies, et non ailleurs. Dans cette interview qu’il nous a accordée à Gnaliépa, il en donne les raisons.
Comment avez-vous vécu votre vie de couple avec maman Gbagbo, après le décès de votre frère à qui elle était mariée ?
Nous nous entendions très bien. On se fréquentait régulièrement. Elle me donnait des conseils, je faisais de même lorsqu’elle en avait besoin. C’était une femme très gentille et d’une générosité exceptionnelle. Elle accueillait tout le monde chez elle, avant même que son fils ne soit président de la République. Le village est unanime sur ce que je dis. C’était une veuve, en même temps qu’elle me prenait comme son enfant, selon la coutume elle me considérait comme son mari. Nous étions des complices. Je suis très affecté par le décès de mon épouse, Gado Marguerite. Elle représentait pour moi une mère et une épouse. Après le décès de Seri Robert qui fut son premier mari, c’est mon frère qui l’a épousée, il se nomme Zahui Robert. Aujourd’hui, c’est moi qui suis son époux comme le commande notre tradition. Au moment où sa mère venait se marier à Gnaliépa, Gbagbo avait 10 ans. Il était avec sa sœur cadette Koudou Jeannette.
Savez-vous dans quelles conditions votre épouse est décédée ?
Je suis sous le choc. En même temps qu’on apprend qu’elle est rentrée au pays, quelques jours après, on nous apprend son décès. Tout s’est tellement vite passé que je n’ai rien compris. On entend beaucoup de choses. Mais, dans notre coutume, quand ta femme décède, c’est toi le mari qui reçoit sa dépouille pour l’enterrer.
Vous voulez donc dire que jusque-là, vous n’avez été informé de rien jusqu’à ce que son corps soit déposé à Ivosep Gagnoa ?
On devait demander ma permission comme l’exige notre coutume. C’est ma femme, elle était sous ma responsabilité. Quand il y a eu la crise, elle est allée par la volonté de ses enfants, avec Koudou Jeannette au Ghana, mais maintenant que la stabilité est revenue, on devait la faire revenir au village, chez elle. Lorsqu’elle était en exil, j’avais de ses nouvelles par le biais de son porte-parole, Zahui Ziéga.
Les obsèques de votre épouse ont été confiées à Aboudrahamane Sangaré, l’ami intime et politique de votre ”fils” Laurent Gbagbo, et il se pourrait que la défunte soit enterrée à Mama. Quel est votre avis sur ce fait ?
L’enterrement ne se fera jamais à Mama ni ailleurs, parce que la femme avec qui j’ai vécu pendant plusieurs années ne peut être enterrée ailleurs. C’est impossible. Gbagbo peut décider de Mama, mais avec mon accord. Il le sait. On raconte beaucoup de choses, mais mon fils est en prison, à qui vais-je demander?
N’avez-vous rien à dire au ministre Aboudrahamane Sangaré, qui ne sait peut être rien de tout ce que vous dites ?
Je lui dis que je ne suis pas d’accord avec le cheminement qui est actuellement en cours pour l’organisation des obsèques de Gado Marguerite. Il est intellectuel, donc il doit savoir qu’un être humain à une famille. Qu’il se renseigne avant de faire des choses. Je lui apprends que pour ces obsèques dont il est l’organisateur, mon avis compte absolument. Je le répète, le corps de Gado ne reposera jamais à Mama ni à Blouzon. Du vivant de Koudou Paul, lorsque la famille mariait la mère de Gbagbo, il est venu me voir ici, il a dit: ”Sery Robert, tu as marié ma femme. Je suis d’accord, mais le problème de notre séparation provient de ma famille. Je suis venu te confier mes enfants. S’ils réussissent, tant mieux pour toi. S’il y a un malheur, tant pis pour nous tous”. Il n’a jamais eu des propos déplacés à l’endroit de mon frère. Que Aboudrahamane prenne son courage pour amener les populations de Blouzon à venir se joindre à nous pour les funérailles de Gado Marguerite, parce qu’elles savent que le bras de fer est vain. On ne peut pas envoyer le corps de quelqu’un qui a fait des dizaines d’années à Gnaliépa, ailleurs. Je ne peux pas demander pardon pour qu’on enterre ma femme chez moi. C’est impossible.
Puisque c’est à vous, la famille de l’époux, que revient le droit d’organiser les obsèques de la défunte, quelles sont les dispositions qui ont été prises et quel est le programme que vous avez aménagé ?
De notre côté, on s’active, nous multiplions les réunions de familles. Nous allons enterrer notre femme chez nous ici à Gnaliépa, donc nous préparons les choses. Au moment opportun, nous allons communiquer le programme des funérailles. Nos regards sont tournés vers les enfants, parce que c’est ensemble qu’on doit établir le programme. Le président Gbagbo ne peut jamais dire d’enterrer sa mère ailleurs qu’à Gnaliépa. C’est moi seul qui peux décider de la date, personne d’autre.
Peut-on savoir le niveau de vos rapports avec Laurent Gbagbo, depuis son enfance jusqu’à ce qu’il soit chef de l’Etat?
(Avec le sourire) Gbagbo, c’est mon fils et en même temps mon ami. Bien que je sois plus âgé que lui, on a fait la jeunesse ensemble. Quand il revenait de l’école pour les vacances ici au village, il avait son équipe, nous aussi avions la nôtre. Mon équipe s’appelait Brésil et la sienne, Los Badéros.
Aujourd’hui, votre ” fils ” est détenu à la Cpi, à la suite de la crise postélectorale de 2010, qu’est-ce que cela vous fait de le voir loin de vous ?
Gbagbo ne mérite pas cela. Je n’ai jamais pensé qu’un jour, ses adversaires politiques seraient si ingrats à son endroit. Beaucoup était en exil, à qui il a permis le retour au pays. On voyait certains d’entre eux ici pendant qu’il était dans l’opposition, jusqu’à ce qu’il parvienne au pouvoir. Gbagbo n’est pas méchant. Il n’est pas non plus rancunier.
Entretien réalisé à Gnaliépa par Venance KOKORA
Source : L’inter N°4914 du Vendredi 24 Octobre 2014