Défendre Gbagbo et le peuple ivoirien
Dans une interview qu’il nous a accordée récemment, l’ex-ambassadeur de Côte d’Ivoire en France, le professeur d’Université, Koudou Kessié, a livré sa position contre la participation du Fpi aux élections en 2015. Pour lui, ce serait notamment légitimer le régime Ouattara. Partisan de la position contraire à celle défendue par Koudou Kessié, Okou Zago Paul, ingénieur en chef du génie rural, par ailleurs, secrétaire national du Fpi chargé des programmes de reconstruction et du développement, expose dans le texte ci-dessous ses arguments en faveur de la participation du Fpi aux élections à venir. Le débat est ouvert.
Depuis plusieurs mois, le Fpi est secoué par une crise de confiance entre les responsables, et cette crise pourrait s’exacerber, si l’on n’y prend garde, lors du prochain congrès. En apparence elle semble être réglée, mais force est de reconnaitre que les positions n’ont pas évolué dans le sens du rapprochement, et le parti commence à devenir autre chose que le parti de la vérité, des débats démocratiques séreux qu’il était. Dans cette bataille deux positions s’affrontent :
a- entrer dans le processus politique pour mieux appréhender les nouveaux défis auxquels le parti est confronté.
B- Dire Non à tout tant que toutes les revendications exprimées par le parti, y compris la libération du Président Laurent Gbagbo, ne sont pas satisfaites. Pour les tenants de cette thèse, le slogan est : «Gbagbo ou rien ». Et ils ont fait largement écho de leur position en investissant même les bases du parti pour rallier la majorité des militants à leur thèse. Je pense que le temps est venu pour ceux qui soutiennent la thèse d’entrer dans le processus politique, dont je fais partie, de promouvoir, sans le moindre complexe, cette thèse. C’est dans cette optique que j’ai décidé de m’exprimer à travers cette contribution.
Pour les tenants de la thèse du « non à tout », les mots d’ordre de boycott des élections législatives de 2011, municipales et régionales de2012 et du RGPH de 2014lancés par le parti ont été telle ment bien suivis qu’il ne faut pas changer de stratégie. Il faut continuer à dire « non à tout » tant que toutes les revendications ne sont pas satisfaites. Ils estiment même que cette stratégie du « non à tout » a désarçonné les ennemis de la Côte d’Ivoire qui soutiennent le pouvoir actuel. Et comme ces soutiens d’Alassane Dramane Ouattara sont désarçonnés, ils ont entrepris de corrompre l’opposition significative pour l’amener dans leur jeu en allant aux élections afin de légitimer, par la fraude dont il ferait usage, le pouvoir d’Alassane Dramane Ouattara qu’ils ont placé par la force des armes à la tête de la Côte d’Ivoire. Ainsi tous les actes posés et les accords signés par ce dernier et qui ne sauraient engager la Côte d’Ivoire dans l’état actuel des choses, du fait de l’illégitimité de son pouvoir, deviendraient du coup légitimes, selon eux. Ils diffusent, à souhait, partout que ceux qui ne pensent pas comme eux sont des vendus, des traitres qui veulent tourner la page du Président Gbagbo… ceux qui souhaitent que le parti entre dans le processus politique sont-ils vraiment des traitres ? Non ! Ils ne sont pas des traites. Ce sont plutôt des gens qui ont dominé leurs émotions et ressentiments. Ont-ils des arguments à faire valoir pour soutenir leur position? Oui, ils ont des arguments et ils en ont de très solides. Je voudrais ici présenter quelques-uns et souhaiter que ceux qui, comme moi, partagent cette vision avec le Président du parti, Pascal Affi N’Guessan, s’expriment, sans complexe et sans passion non plus, pour permettre aux militants, à la base, d’apprécier de par eux-mêmes laquelle des deux thèses peut conduire le parti à des lendemains meilleurs. Mais entre nous, a-t-on vraiment besoin d’être corrompu pour comprendre qu’un parti politique sérieux a pour principe d’aller aux élections ? Est-il possible de donner un jour la preuve de ce que ceux qui tiennent la thèse d’entrer dans le processus politique sont corrompus ? Concernant les élections, l’on peut discuter des conditions dans lesquelles elles vont se dérouler et ces conditions, si elles ne sont pas satisfaisantes, peuvent contraindre un parti politique à refuser d’aller aux élections. Mais il est inconcevable de discuter, à priori, du principe d’aller aux élections. C’est vrai qu’il suffit de dire que discuter avec Alassane Dramane Ouattara, se rapprocher des chancelleries est une trahison à l’encontre du Président Gbagbo pour que le « non à tout »gagne du terrain auprès des militants. Certes, la désinformation, l’intoxication, parfois la calomnie peuvent gagner du terrain mais il suffit d’avoir l’occasion de les confronter à la réalité des faits et tout l’édifice s’écroule à l’instant.
Les tenants de la thèse du« non à tout » pensent qu’Alassane va user de fraude pour se déclarer vainqueur, et il ne faut donc pas aller aux élections contre lui parce que la présence de l’opposition significative à ces élections légitimerait son pouvoir. Alors question : les camarades sauraient-ils oublié le passé récent du Fpi ? Si tel est le cas, il convient de le leur rappeler. En effet, feu, le général Guei robert était arrivé au pouvoir par la force des armes et le Fpi est allé aux élections contre lui, bien que le parti fût convaincu de ce que le Général userait de tous les moyens pour se déclarer vainqueur. Et ça n’a pas raté. Le général s’est déclaré vainqueur, au premier tour, contre toute attente. Mais face à cette forfaiture, le candidat Laurent GBAGBO a appelé le peuple à faire barrage à l’imposture du général, et la suite on la connait. Alors pourquoi le Fpi serait-il devenu subitement fébrile au point de craindre aujourd’hui d’affronter un autre candidat installé par la force des armes et qui se préparerait à frauder ?
A notre avis, le parti et ses alliés doivent, à partir de maintenant, se battre pour que les élections se déroulent dans un environnement suffisamment assaini. La bataille pour l’assainissement de l’environnement électoral est une bataille dans laquelle la victoire est à notre portée. Il suffit donc de dominer ses émotions, ses rancœurs et ses ressentiments et prendre de la hauteur pour engager, unis, cette bataille. Autrement dit, si l’on s’en tient au raisonnement qui consiste à dire qu’il ne faut pas aller aux élections contre quelqu’un qui est installé par les armes, le Fpi aurait dû s’abstenir d’affronter le général Guei. C’est vrai que le contexte n’est plus le même, mais ceux qui souhaitent que le parti entre dans le processus politique, pensent que si le parti est uni et que les militants prennent de la hauteur par rapport à ce qu’ils ont vécu, se préparent et engagent la bataille démocratique, la bastille est prenable.
Les tenants de la thèse du « non à tout » vont plus loin en affirmant que tous les actes posés et les accords signés par le pouvoir Ouattara ne sauraient engager la Côte d’Ivoire. et ayant pris conscience de cela, les «soutiens » d’Alassane Dramane Ouattara voudraient que l’opposition significative aille aux élections pour qu’ils utilisent la fraude pour faire gagner leur poulain, et ainsi légitimer, de facto, les actes posés et les accords signés par ce poulain. Quel objectif vise-t-on en affirmant de telles choses ? De quels moyens les tenants de tels propos useraient-ils pour que les actes posés et les accords signés par le pouvoir Ouattara n’engagent pas la Côte d’Ivoire ? Comment s’y prendraient-ils pour dire aux institutions de financement comme la banque mondiale, le FMI, la Bad… que la Côte d’Ivoire refuse de rembourser les prêts contractés auprès d’eux par le pouvoir Ouattara? Et si même des moyens juridiques existaient, si le Fpi ne va aux élections comment viendrait-il au pouvoir pour user de ces moyens juridiques, à l’effet d’annuler les actes posés et les accords signés par le pouvoir Ouattara, dans la mesure où la ligne du parti est la transition pacifique à la démocratie ? Il faut donc aller aux élections. Et pour y aller, il faut entrer dans le processus politique. Aucune autre alternative n’existe pour le Fpi.
Quant à la légitimité ou non d’Alassane Dramane Ouattara, il est bon de rappeler qu’avant la sortie de prison du camarade Affi N’Guessan, Président du Fpi, la direction intérimaire avait déjà rencontré Alassane Ouattara et ses collaborateurs et leur avait adressé un mémorandum contenant toutes les revendications du parti. Pourquoi est-ce à Ouattara qu’elle s’était adressée ? A quel titre la direction intérimaire du Fpi avait-t-elle cherché à le rencontrer et à lui remettre un mémorandum ? Plusieurs militants du parti, bien que partisans du « non à tout », ont accepté leur réintégration dans l’administration sur la base des documents signés par Alassane Dramane Ouattara. Pourquoi n’ont-ils pas refusé parce que ce sont des actes posés par Ouattara, donc illégitimes? D’autres parmi eux touchent des rentes sur la base des documents signés par le même Alassane Dramane Ouattara. Pourquoi acceptent-ils de jouir des actes illégitimes ? Pour nous, le problème Ouattara ne se pose pas en termes de légitimité ou pas. Les tenants de la thèse d’entrer dans le processus politique, que nous sommes, considérons tout simplement que le pouvoir actuel est une réalité que nous ne pouvons pas ignorer. En d’autres termes, nous n’avons pas le choix et nous devons donc faire avec.
C’est vrai qu’aucun militant du Fpi n’approuve la façon dont Alassane Dramane Ouattara a été placé à la tête de la Côte d’Ivoire, mais il est là et il est une réalité que nous ne pouvons ni ne devons ignorer. Sa présence à la tête de l’Etat de Côte d’Ivoire n’a pas eu besoin de notre vouloir. Alors, il nous faut prendre de la hauteur pour mieux apprécier cette autre réalité que constitue ce pouvoir. Les gens qui, comme le camarade Pascal Affi N’Guessan, veulent que le Fpi entre dans le processus politique ont dominé leurs émotions, leurs ressentiments vis-à-vis du pouvoir actuel, parce que les actes posés sous l’effet des émotions n’ont jamais rien donné de bon ; si ce n’est l’autosatisfaction d’avoir été un intrépide. Dominer ses émotions et ses ressentiments ne signifie en rien oublier ou pardonner, mais il faut faire avec la situation qui se présente parce qu’on n’a pas le choix. Cette disposition d’esprit permet d’être en possession de toute sa lucidité pour mieux faire face aux défis. Nous estimons donc que le parti doit se donner les moyens politiques et démocratiques pour montrer à la face du monde que le parti du Président Gbagbo est actuellement la plus grande formation politique du pays, et que l’humiliation que l’on fait subir au Président Gbagbo est inacceptable. Cela dit, pour nous, il y a deux entités que le parti devrait défendre : le Président Laurent Gbagbo et le peuple de Côte d’Ivoire. En effet, en décembre 2011, aux législatives, le Fpi a demandé le soutien du peuple de Côte d’Ivoire pour monter que le pouvoir Ouattara est minoritaire contrairement aux clichés répandus à travers le monde entier. Et le peuple a répondu présent pour faire du mot d’ordre de boycott, un véritable succès. Lors des municipales, des régionales en 2012, même demande et même réponse de la part du peuple. Enfin en 2014, avec le RGPH, le peuple n’a pas failli et a suivi le mot d’ordre de boycott lancé par le parti. Dès lors, le Fpi a un devoir de reconnaissance envers le peuple de Côte d’Ivoire et la défense de ce peuple face à un pouvoir liberticide devient donc un impératif pour le parti. Et en refusant d’aller aux élections, quel moyen les tenants de la thèse du « non à tout » proposent-ils pour la défense, la libération et la restauration de la dignité de ce peuple qui a mis tout son espoir dans le parti ? Avec le slogan « Gbagbo ou rien » quel moyen proposent-ils ? Et que signifie le mot « rien» dans leur slogan? Le «rien » signifierait-il que la vie des autres prisonniers politiques et des ivoiriens, en général, n’aurait aucune importance aux yeux de ces camarades ? Pour les tenants de la thèse « entrer dans le processus politique», c’est Gbagbo et le peuple ivoirien. Gbagbo et le peuple sont deux éléments d’un même corps. Quand l’un souffre, l’autre se sent forcément mal. Pour nous, les choses sont donc très claires. Deux objectifs majeurs s’imposent au parti : la libération du Président Laurent Gbagbo qui vient entête de nos priorités, et la restauration de la dignité du peuple de Côte d’Ivoire par la voie démocratique. Le Fpi n’a pas le droit de se dérober face à la souffrance terrible actuelle du peuple de Côte d’Ivoire, même si pour chaque militant du parti, la lutte pour la libération du Président Laurent Gbagbo est de loin notre première priorité.
S’enfermer donc dans des diatribes émotionnelles contre la France, pour des responsables politiques, est une faute stratégique qui ne servirait absolument aucune cause. Ni celle du peuple ivoirien encore moins celle du Président Laurent Gbagbo. La question fondamentale, concernant les relations de notre pays avec la France, est comment fait-on pour se libérer de la tutelle de la France ou du moins atténuer son impact sur notre pays ? Dans l’état actuel des choses, la réponse est « tout sauf les diatribes contre la France ». Une seule hirondelle ne faisant pas le printemps, le seul Fpi, parti souverainiste au pouvoir en Côte d’Ivoire avec son leader Laurent Gbagbo n’a pas réussi à faire le printemps de la souveraineté des pays de la zone francophone. Bien au contraire, nous avons été noyés dans un océan de régimes à la solde de la France, et notre leader Laurent Gbagbo a été combattu et livré aux occidentaux comme tous les résistants d’Afrique par ses pairs de la sous-région (CEDEAO et UEMOA). Tenant compte de cette autre réalité, nous estimons que la lutte pour la souveraineté de la Côte d’Ivoire nécessite une coalition des forces souverainistes qui transcende les limites du pays. Il nous faut donc prendre de la hauteur et aborder la question de nos relations avec la France avec beaucoup d’intelligence et de lucidité. Les émotions et les ressentiments n’ont pas leur place dans une telle bataille. Voilà la position que nous soutenons avec le Président du parti.
Concernant la lutte pour la libération du Président Gbagbo, ceux qui soutiennent la thèse d’entrer dans le processus politique considèrent que les ennemis qui combattent et maintiennent en détention le Président Gbagbo constituent un groupe à trois composantes : le politique, le procureur de la CPI et les juges de cette institution. A ces trois composantes, il faut ajouter une quatrième : la presse internationale. Toutes ces composantes ont un même objectif : maintenir le Président Gbagbo en détention aussi longtemps que possible, bien qu’il n’existe pas de preuves contre lui à cet effet. Elles travaillent ensemble, certaines sont apparentes d’autres non. Ici, la composante politique est divisée en deux sous-composantes : le politique national chargé d’appuyer le procureur dans la construction de preuves, même si celles-ci sont fausses, et le politique international chargé de veiller à ce que les juges statuent en leur faveur. Et la presse internationale est, elle, chargée de continuer de diffuser des clichés négatifs sur le Président Laurent Gbagbo. Voilà comment nous identifions les ennemis du Président Laurent Gbagbo et leurs méthodes. Dès cet instant, nous considérons qu’une bonne partie du chemin vers la victoire est faite avec l’identification des ennemis de notre leader et leurs méthodes. Notre stratégie doit être construite en fonction de ces données capitales. Mais que se passe-t-il du côté de ceux qui défendent le Président Gbagbo ? Quelles sont les composantes du groupe ? Il y a l’avocat principal et ses collaborateurs, et le peuple qui pleure et gémit à travers les manifestations en Europe. C’est tout, et pourtant le potentiel politique ne manque pas. L’avocat et son équipe ont, à eux tout seuls, réussi à créer une fissure dans la composante juges de la CPI, même si de nouveaux juges ont été nommés pour le procès, n’empêche que le doute existe désormais de façon officielle sur la culpabilité du Président Laurent Gbagbo. Ensuite, au fur et à mesure que le temps passe et que les gens découvrent la vérité sur l’affaire Gbagbo, certains ennemis d’hier se démarquent du discours initial contre le Président Gbagbo. La presse internationale, bien que partisane encore, essaie maintenant d’équilibrer quelque fois l’information. L’édifice constitué des composantes anti-Gbagbo n’est plus aussi solide qu’il croyait l’être au départ. Et nous croyons qu’il peut davantage être ébranlé. Pour nous, c’est une conviction. Mais que faire pour qu’il en soit ainsi ? Voilà la question essentielle. Est-ce des diatribes qu’il faut lancer contre la France ? Est-ce dire « non à tout » qui constitue la réponse appropriée ? Nous qui soutenons la thèse d’entrer dans le processus politique, nous estimons qu’il faut procéder autrement que d’afficher une attitude de défiance à l’égard de tout le monde. Il faut, en premier lieu, capitaliser tout le potentiel politique qui existe au niveau national. Ensuite, le politique ainsi capitalisé recherchera des points de contact à l’extérieur pour construire un politique au niveau international. Pour nous, croire que la communauté internationale est contre le Président Gbagbo et le Fpi de façon absolue et éternelle est une faute stratégique sur le plan politique. Croire également que nous ne sommes pas capables de retourner la communauté internationale en notre faveur, sans nous renier, est une insulte à nos intelligences. Le politique au niveau international est un groupe de pression constitué d’hommes et de femmes influents dans la société des hommes qu’il faut mettre en place. D’où la nécessité d’une offensive diplomatique qui n’est pas synonyme de trahison du Président Gbagbo. Loin s’en faut ! Si le politique (national et international) ainsi construit s’accorde avec les avocats du Président Gbagbo et regarde dans la même direction qu’eux, nous croyons que le groupe qui attaque le Président Gbagbo peut davantage être fissuré et nous pouvons obtenir gain de cause. Personne ne trahit donc le Président Gbagbo. D’ailleurs quand le camarade Miaka Oureto, alors président par intérim du Fpi, donc un politique, est allé à La Haye, rendre visite au Président Laurent Gbagbo, qu’est-ce que le Président Laurent Gbagbo lui a recommandé de faire pour sa défense ? Le camarade Miaka a dit publiquement que le Président Laurent Gbagbo lui a recommandé de voir Me Emmanuel Altit, son avocat principal. Il n’a pas dit de voir son porte-parole, le camarade Koné Katinan. Pour nous qui soutenons la thèse d’entrer dans le processus politique, cette directive du Président Gbagbo au camarade Miaka Oureto signifie tout simplement que le politique qui soutient le Président Gbagbo et son conseil doivent travailler ensemble. Il ne peut ni ne doit en être autrement si nous nous battons pour le Président Gbagbo. Et cela nous impose de la lucidité, de la mesure dans nos actes et propos. il nous faut donc prendre de la hauteur parce qu’il s’agit du dossier de notre leader, du Président Laurent Gbagbo que l’immense majorité des Ivoiriens portent dans leur cœur. Et dans un tel dossier, nos émotions et ressentiments n’ont aucune place. Pas la moindre place. Pour nous, contrarier les avocats du Président Laurent Gbagbo, par des écrits et des déclarations de défiance à l’égard de tout le monde, comme on en voit chez les tenants de la thèse du « non à tout », est inacceptable.
Aujourd’hui, tous les militants du Fpi et tous les pro-Gbagbo de toutes origines considèrent le Président Gbagbo comme l’otage de la communauté internationale, notamment de la France. Mais depuis quand a-t-on-vu les parents ou les amis d’un otage insulter les preneurs d’otage ? Quel objectif recherchent ceux qui continuent de lancer des diatribes à la France? Le moment est très mal choisi pour une telle attitude. A chaque circonstance, ses discours et ses actes. Il nous faut donc sortir du monoïdéisme (tout le monde est contre nous et personne ne sera jamais avec nous) pour adapter notre stratégie aux réalités du moment et aller à la conquête du monde. Cela ne signifie pas une remise en cause de nos convictions, ni une trahison à l’égard du Président Gbagbo. Rappelons-nous l’image de ce couple américain que les médias internationaux ont publié ces derniers temps. L’on remarque que la mère de l’otage a mis de côté sa dignité pour porter un voile avant de s’adresser aux djihadistes. Peut-être, se dit-elle, qu’il s’en trouverait un djihadiste influent parmi eux qui en serait ému et qui plaiderait la cause de son enfant ! Ces parents font donc tout pour la libération de leur enfant. Il devrait en être de même pour nous, concernant le Président Gbagbo. Aucun sacrifice ne doit être de trop pour la libération du Président Gbagbo. il s’agit de la vie de Laurent Gbagbo qui a une famille biologique et une grande famille politique, qui a des amis connus ou anonymes, qui a « ouvert les yeux » aux Ivoiriens sur leur capacité à pouvoir s’affranchir et qui compte donc pour l’immense majorité des Ivoiriens et pour beaucoup d’africains. Il ne s’agit donc pas de corruption encore moins de trahison, mais de la raison qui l’emporte sur les émotions et les ressentiments. Voilà la philosophie de ceux qui soutiennent que le Fpi doit entrer dans le processus politique. Voilà notre philosophie et c’est cette philosophie que nous partageons avec le camarade Pascal Affi N’Guessan, Président du parti. Même les pays puissants payent des rançons pour obtenir la libération de leurs otages. Pourquoi refuserions-nous de faire des sacrifices pour la libération de celui qui nous est cher. C’est vrai que nous avons entendu des propos ahurissants de certains camarades partisans du « non à tout » comme quoi, même si les ennemis du Président Gbagbo veulent le condamner à 20 ans ou 30 ans qu’ils le fassent mais il y a des choses qu’ils ne pourront jamais accepter. Quelles sont ces choses qu’ils ne peuvent jamais accepter ? Pour d’autres, Me Emmanuel Altit, l’avocat principal du Président Gbagbo, fait son travail d’avocat et eux, ils font de la politique. Ils ne sont pas tenus par ce que fait Me Altit. Ah bon? Leur référence, ce sont les propos du porte-parole Koné Katinan. Or la référence que le concerné, le Président Laurent Gbagbo, lui-même, indique, au politique, dans cette bataille juridico-politique, je dis bien juridico-politique, c’est son avocat, Me Emmanuel Altit. Alors, il faut se poser la question de savoir pour qui se battent-ils en contrariant souvent par leurs propos ceux de l’avocat du Président ? Pour eux-mêmes ou pour le Président Gbagbo ? Pour nous qui sommes opposés à la thèse du « non à tout », les pertes pour l’Afrique seraient très énormes si le Président Gbagbo ne nous revenait pas. C’est pourquoi aucun principe ne peut prévaloir face à la lutte pour la libération du Président Gbagbo. Il faut tout mettre en œuvre, absolument tout, pour obtenir sa libération. Nous avons les yeux rivés sur l’objectif de faire libérer le Président et pour nous, toutes les stratégies sont les bienvenues pourvu qu’elles ne neutralisent pas le travail du conseil du Président. Alors prenons de la hauteur et mettons de côté nos émotions et ressentiments.
Quant au peuple de Côte d’Ivoire, est-il imaginable que le Fpi, par son refus éventuel d’aller aux élections, laisse les Ivoiriens entre les mains de ce pouvoir liberticide pour cinq ans encore ? Que proposent les tenants du « non à tout » face aux biens (domiciles, plantations, terrain devant accueillir le siège du parti…) des ivoiriens illégalement occupés depuis bientôt quatre ans ? Que proposent-ils face à la recomposition de la population à l’ouest du pays ? Que proposent-ils pour tous les cadres du parti démis de leurs fonctions dans l’administration … ? Le Fpi peut-il s’accommoder de toutes ces dérives pendant cinq bonnes années et survivre ? Les tenants de la thèse du « non à tout » croient-ils vraiment que le parti survivra à une telle situation? Il faut sortir des rêves et prendre de la hauteur, en dominant les émotions, les ressentiments, pour mieux apprécier les défis qui se présentent à nous.
Le Fpi n’a pas le droit de laisser Alassane Dramane Ouattara aller aux élections avec des faire-valoir. Le parti doit se faire l’obligation d’affronter, aux prochaines élections, n’importe quel candidat qui se présentera, notamment celui qui a fait subir au Président Laurent Gbagbo toutes les humiliations inimaginables. Le parti a fait des tests grandeur nature et ils ont été fort concluants. Les Législatives 2011, municipales 2012, régionales 2012 et le RGPH 2014 ont clairement montré que malgré la mobilisation de tous les partis du RHDP, des soutiens internationaux du pouvoir, le peuple a suivi le Fpi et a démontré que le pouvoir Ouattara était largement minoritaire. Maintenant, il faut capitaliser les résultats de ces tests et ne pas abdiquer aussi facilement. Notre bataille est donc d’élargir notre coalition aux niveaux national et international et nous battre afin d’obtenir un environnement électoral suffisamment assaini. C’est une bataille qui est à notre portée et nous n’avons pas le droit de la fuir. Voilà la thèse que nous défendons et surtout ce pourquoi, nous sommes foncièrement opposés au « non à tout ». Il ne s’agit pas de traitrise, ni de corruption mais de réalisme et de la raison qui domine les émotions et les ressentiments. nous refusons de nous comporter comme des enfants dont le père, chef du village, a été humilié, chassé du village par un autre qui a pris sa place, et qui disent, malgré l’humiliation subie par leur père, à qui veut l’entendre : Quand papa va revenir, il va se venger. Nous refusons absolument d’être de tels enfants ou de leur ressembler. Le Président Laurent Gbagbo ne mérite pas ça de nous. Le peuple de Côte d’Ivoire non plus. Voilà pourquoi nous avons pris de la hauteur en dominant nos émotions et ressentiments et invitons nos camarades, partisans du « non à tout », à se ressaisir et à nous imiter.
Taisons nos petites querelles et apprécions avec lucidité les défis qui se présentent à nous aujourd’hui. C’est dans notre humiliation que dieu fera échouer totalement le plan de diabolisation et de destruction du Président Laurent Gbagbo. Le Fpi doit donc entrer dans le processus politique pour donner une chance à la lutte pour la libération du Président Laurent Gbagbo et la restauration de la dignité du peuple de côte d’ivoire d’aboutir.
Source Notre Voie du 20 octobre 2014