Le dimanche 5 octobre 2014 à Mama, S/P de Ouragahio, prenant la parole lors de la cérémonie de rentrée politique de la Fédération FPI de Gagnoa qui coïncidait avec la cérémonie de bénédiction d’Agoh Marthe par les parents de Laurent Gbagbo, Soro Kelofohoua, Secrétaire Général de la Fédération FPI de Sinématiali, est sorti du bois.Il a publiquement confirmé le projet que mijotaient depuis belle lurette des adversaires internes du président Affi. Ceux-ci sont en effet à la manœuvre pour confier la présidence du FPI à Laurent Gbagbo au Congrès que le Parti tiendra du 11 au 14 décembre 2014.Ce fut en fait la quintescence du message que Soro Kelofohoua avait dénommé “l’Appel de Mama” mais qui en réalité n’était qu’un appel à la mise en exécution de la phase décisive du complot interne contre Pascal Affi N’Guessan, l’actuel président du FPI et même contre la personne du président Laurent Gbagbo dans sa prison à la CPI.
Beaucoup épilogueront sur le choix par les adversaires du président Affi d’un camarade portant curieusement le même nom que le prince sanguinaire de la rébellion pour aller délivrer un message de division. Mais l’on a surtout retenu que le Camarade Soro est venu se présenter comme le Porte-parole de ses camarades Fédéraux et s’est senti conforté dans sa position. Selon lui, 45 Fédérations sur un total de 96 actuellement fonctionnelles auraient adhéré à son initiative. Des sources fiables indiquent cependant que seulement 3 Fédérations (Sinématiali, Gagnoa et Divo) ont signé la pétition, les autres Fédérations comme celle de Sinfra, qui auraient été approchées ayant catégoriquement refusé de signer.
Mais Soro a surtout été désapprouvé et recadré par la COSEGEF (la Conférence des Secrétaires Généraux de Fédération du FPI), une Structure régie par un Règlement intérieur qui s’appuie sur les Statuts et Règlement intérieur du Parti, existe depuis 2007 et regroupe l’ensemble des Secrétaires Généraux de Fédération et leur adjoint. Personne n’a donc en réalité été dupe devant cette ridicule supercherie et tout le monde a su qu’à l’approche de ce Congrès historique de décembre, les frondeurs ont décidé de passer résolument à l’offensive pour essayer d’atteindre le double objectif qu’ils se sont fixé dans leur complot.
Le premier objectif de ce plan commun est d’éjecter coûte que coûte Affi N’guessan de son fauteuil de président du FPI. Pour justifier ce projet, Soro a avancé comme arguments que tous les protagonistes se réclamant de Laurent Gbagbo, seul le choix du fondateur peut éteindre les différents foyers de tension au sein du FPI, réunifier le parti, éviter son implosion, garantir sa survie et son succès. Il citera en exemples l’ex-président français Nicolas Sarkozy qui veut reprendre la tête de l’UMP et Nelson Mandela qui de vice-président quand il était en procès est devenu président de l’ANC quand il a été condamné à une lourde peine de prison. Et Soro d’affirmer béatement que la justice internationale n’a aucune incidence sur les choix internes du parti.
L’on comprend donc mieux aujourd’hui cette crise absurde qui a sécoué le FPI. Il s’agissait donc pour les frondeurs d’installer un climat de crispation constante à l’intérieur du Parti pour pousser Affi à la démission. Beaucoup de contestataires ont d’ailleurs été très surpris de ne pas voir le président du FPI rendre le tablier après le vote au Comité Central du retrait du FPI de la CEI. D’autres attendaient même de sa part une démission pure et simple du FPI pour aller, comme Mamadou Koulibaly, créer son propre parti et appliquer sa propre vision politique. Mais un pur produit du FPI comme Affi peut-il aussi facilement abandonner la maison commune pour n’avoir pas reçu le soutien nécessaire à sa ligne dans un vote totalement libre et transparent? Quel drame existe-t-il pour un démocrate convaincu comme Affi d’être désavoué si Laurent Gbagbo lui-même avait souvent été mis en minorité?
Le second objectif de ce plan des adversaires d’Affi et même s’ils refusent de le reconnaître, est de s’attaquer directement à Laurent Gbagbo, d’utiliser son nom, son image et sa popularité pour s’emparer du parti qu’il a créé, d’associer l’ex-président à un activisme à haut risque et de compliquer le processus judiciaire auquel il est soumis à la CPI. Pourquoi les membres de la haute Direction du FPI et surtout Danon Djédjé, président du futur Congrès, qui étaient présents ce jour-là à Mama ont-ils laissé faire? Comment n’ont-ils pas pu voir qu’en essayant d’opposer de manière factice Gbagbo et Affi, le maître et son meilleur élève, le patriarche et son disciple le plus loyal et le plus fidèle, les contestataires mettaient directement en péril la cohésion et la survie du FPI? Étaient-ils complices ou acteurs de la fronde? Mystère.
Mais la proposition faite par Soro à Mama reste avant tout ridicule et dangereuse. Ridicule parce que la prise en otage de Laurent Gbagbo à la Haye ne vient pas du fait qu’il n’était plus président du FPI mais qu’il est Président de la République et qu’il avait été réélu face au candidat de l’étranger, malgré la guerre faite à son régime et malgré toutes les tracasseries électorales. Dangereuse parcequ’au moment où la CPI cherche toujours des preuves pour le condamner, il nous faut éviter de donner l’occasion au régime Ouattara d’en fabriquer à profusion et plus facilement.
Car si Soro a bien voulu citer le cas de Nelson Mandela, nous nous rappelons surtout du dossier de Jean-Pierre Bemba, l’ancien Vice-Président de la RDC. Bemba était nationaliste et se présentait comme candidat des Congolais contre le candidat de l’étranger. Il avait été élu dans les urnes selon les observateurs crédibles mais contre toute attente Kabila a été proclamé vainqueur en 2006. S’ouvre alors une grave crise post-électorale avec des crimes de toute nature dans les deux camps. Jean-Pierre Bemba se retrouve à la CPI pour des crimes commis non pas au Congo où il était soutenu par l’Ouganda, allié des Américains, mais en Centrafrique où ses soldats censés avoir commis des crimes pour lesquels il est poursuivi étaient sous commandement Patassé.
Les charges ont été confirmées en 2010 mais malgré cela et sous la pression de ses partisans, l’ancien Vice-Président de la RDC, depuis sa cellule à la CPI, a commis l’erreur fatale de renouer avec la politique et de se déclarer candidat à la présidentielle de son pays pour le compte de son parti, le Mouvement de Libération du Congo (MLC).Ses partisans espéraient un acquittement de leur champion avant la Campagne électorale. Ce fut une amère désillusion et jusqu’aujourd’hui le procès est toujours en cours. La procureure Fatou Bensouda peine pourtant à démontrer la responsabilité de Bemba. Patassé avait décidé de témoigner en sa faveur mais il en a été empêché puis est mystérieusement décédé, les causes de son décès n’ont jamais été élucidées.
Arrêté à Bruxelles le 24 mai 2008 à la suite d’un mandat établi la veille par la CPI et transféré le 3 juillet 2008, Jean-Pierre Bemba Gombo est donc à la Haye, son dossier engagé dans une procédure qui s’éternise et se complique. Le crime véritable de l’ancien Vice-Président de la RDC? Il veut l’indépendance véritable et la pleine souveraineté pour son pays. Il n’a pas su planifier sa lutte, se fixer des étapes stratégiques et éviter d’apparaître directement comme un danger imminent pour les intérêts occultes, donc comme un homme à abattre. Il est très probable que sa détention se prolonge indéfiniment ou bien qu’il écope d’ici quelques années d’une très lourde peine de prison à son procès. Voici donc en réalité le schéma catastrophique dans lequel veulent nous conduire les adversaires du président Affi. Voici comment leur haine pour Affi emmène les adversaires du président du FPI à combattre directement Laurent Gbagbo qu’ils prétendent aimer. Voici le véritable objectif de “l’Appel” de Mama, ou plutôt du complot de Mama.
Océane Yacé, Politologue, Monte-Carlo (Monaco)