Par Dr. PRAO Yao Séraphin
Il est connu de tous que l’Occident nous dépouille sans contrepartie. Mais cela ne date pas d’aujourd’hui. Avant les indépendances des années 60, ce constat a été fait par les pères des indépendances, d’où la nécessité d’une lutte sans merci pour le rétablissement de notre dignité. C’est ce qui a motivé la création du Rassemblement Démocratique Africain (RDA). Mais le Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) a trahi le RDA pour des plats de lentilles. Le parti de Felix Houphouët Boigny (FHB) est devenu un caméléon qui vient de prendre la teinture du Rassemblement Des Républicains (RDR). Mais le Président du PDCI, c’est le cas de le dire, a agi avec perfidie vis-à-vis du RDA. En tout cas, tel est notre sentiment et nous entendons le justifier à travers cette contribution.
BREF HISTORIQUE DU PDCI-RDA
L’histoire nous enseigne que le Rassemblement Démocratique Africain (RDA) a été un vaste et puissant mouvement africain dont la portée historique échappe parfois à ceux qui en sont les promoteurs. Le PDCI-RDA en était une section. Enfanté au milieu de l’indifférence générale, accueilli avec un grand scepticisme ou une souriante ironie, est né le RDA à Bamako, en 1946. Le congrès constitutif du RDA s’ouvre le 18 octobre 1946 à Bamako où plus de 800 délégués venus par tous les moyens de Guinée, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Dahomey (actuel Bénin), du Niger, du Soudan (actuel Mali), du Cameroun, du Tchad se trouvèrent réunis. Le congrès dura trois jours pour donner naissance à ce « gros bébé noir ». Pour la première fois, des hommes politiques d’Afrique occidentale et d’Afrique équatoriale française se rassemblent pour reconquérir leurs droits. Le 21 octobre, le RDA voit le jour sous la direction de Houphouët-Boigny. Dans presque tous les territoires, il devient la principale force politique. Le RDA est un grand mouvement anticolonialiste d’Afrique noire, avec des sections inter-territoriales (UPC au Cameroun, PDCI en Côte d’Ivoire, PDG en Guinée, l’Union soudanaise au Mali). Arrêtons-nous un seul instant sur la création du PDCI pour apprécier le sens de son combat originel. C’est en 1944, que FHB crée le Syndicat Agricole Africain (SAA) pour la défense des intérêts paysans. Houphouët est alors, à la fois président et secrétaire général. La première décision prise est de lutter pour la revalorisation du salaire journalier des travailleurs des plantations : 6 F par jour aux travailleurs des plantations, contre 3,50 F offerts par les colons. Une plainte fut portée contre le président du SAA pour cette décision. Il fut même l’objet d’enquêtes depuis Paris (le ministère des Colonies envoya un inspecteur), pour comportement anti-français. Le PDCI-RDA, on l’a dit plus haut, est une section de ce mouvement d’émancipation des peuples d’Afrique noire. Tous les observateurs de la scène politique en Côte d’ Ivoire sont unanimes pour dire que le PDCI est un parti de paix, de tolérance, de développement et d’unité. Pourtant, ils sont en nombre limité, ceux qui savent que le PDCI est un parti de combat. A ces derniers, il convient de rappeler que le fondement de ces idéaux se trouve dans la prise de conscience d’un homme, FHB, dans son cri d’indignation comme il le dit lui-même : «On parle de la naissance de notre mouvement, le PDCI-RDA. En fait, tout est parti du Syndicat agricole africain. En 1932, je vous l’ai dit, j’étais jeune médecin à Abengourou. Et devant la détresse des cultivateurs de l’Indénié, je me suis permis, avec l’accord du Gouverneur d’alors, Bourgine, d’inviter mes compatriotes à faire la grève de la vente du cacao. J’ai écrit un article de presse intitulé, «On nous a trop volé».
LE PDCI A SALI LA MEMOIRE DE SES HEROS
Très jeune, mon père me racontait que le PDCI était un grand parti de combat. Devenu grand, les livres d’histoire ont confirmé cette assertion. Pour ceux qui ne le savent pas, le 6 février 1949, au cours d’un meeting, des incidents éclatent entre partisans et adversaires du RDA. Le bilan de cette journée est de deux morts et plusieurs blessés. Mais en réalité, c’était une provocation montée de toutes pièces selon les militants. La plupart des dirigeants du PDCI furent arrêtés et emprisonnés à Grand-Bassam par l’autorité coloniale, en l’occurrence le gouverneur Péchoux. On pouvait noter l’arrestation de huit militants du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA) (Dadié, Ekra Mathieu, Séry Koré, Ladji Sidibé, Jacob William, Paraiso, Allo Jérôme, Philippe Vierra, Lama Kamara, Jean Baptiste Mockey). Comment occulter également la résistance des femmes ivoiriennes à l’humiliation coloniale ? En effet, le 24 décembre 1949, en Côte d’Ivoire, environ 4000 femmes se rassemblent aux alentours de la prison de Grand-Bassam pour protester contre l’incarcération arbitraire de leurs maris, de leurs fils et de leurs frères membres du RDA. Marie Séry Koré, présidente du comité féminin du PDCI à Treichville, est à la tête de cette révolte. Il paraît que cette femme digne aurait administré une magistrale paire de gifles à un des colons zélé et excité, qui empêchait les femmes d’avancer vers le palais de justice et la prison civile. Trois mois plus tard, les prisonniers du PDCI passaient en jugement et furent condamnés à des peines atténuées. Ces héros ont donné le sacrifice de leur sang pour une Côte d’Ivoire unie et indépendante. Or, aujourd’hui ce parti trahit la mémoire de ces héros pour épouser les idéaux d’un parti dont le passé et le présent riment avec désobéissance et désordre.
LE PDCI-RDR EST UN MARIAGE PERVERS
A Daoukro, le Président Bédié a décidé de soutenir le candidat Ouattara aux prochaines élections présidentielles. Pour lui, « l’objectif d’une telle candidature est double : assurer le succès du RHDP aux élections de 2015 et ensuite aboutir à un parti unifié dénommé PDCI-RDR pour gouverner la Côte d’Ivoire, étant entendu que ces deux partis sauront établir entre eux l’alternance au pouvoir dès 2020 ». Le président Bédié a décidé de conduire son parti dans un mariage pervers, tellement la pratique du pouvoir par le PDCI et celle du RDR sont différentes. Le préambule des statuts adoptés au 5e Congrès du PDCI nous renseigne sur les idéaux de ce parti : « Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire dit PDCI, né du Syndicat agricole africain de Côte d’Ivoire, fidèle reflet des aspirations profondes de nos masses, a pour mission, dans le cadre du rassemblement démocratique africain d’affirmer au niveau de la Côte d’Ivoire la personnalité africaine. Il s’assigne en conséquence pour but de promouvoir une politique de bien-être, de paix, de neutralité absolue et de coopération internationale dans l’égalité, la tolérance, la solidarité et la dignité ». Le comportement des dirigeants actuels du vieux parti intrigue, c’est le cas de le dire. Le RDR est un parti où l’on déteste la force de l’argumentation au profit de l’argument de la force. La division et l’ethnicisme sont leur credo, la conquête leur évangile.
Les Ivoiriens se souviennent avec une mémoire vive, les appels incessants du RDR au sein du RHDP à la désobéissance civile, à ne pas travailler, à ne pas payer les taxes et impôts.
Les Ivoiriens ne comprennent toujours pas les accointances entre l’ex-rébellion et le RDR. Lors de son deuxième congrès ordinaire du 1er au 3 février 2008, ADO avait demandé à ses ex-filleuls de retourner dans la « case ». Le Président du RDR s’exprimait ainsi en ces termes : « Je vous invite chers frères et sœurs des Forces Nouvelles à investir vos énergies dans l’engagement politique à nos côtés ». Un appel de pied pris en compte par le congrès au travers d’une motion : Considérant la convergence de vue entre le RDR et les Forces Nouvelles pour l`avènement d`une Côte d`Ivoire réconciliée, prospère et forte ; Considérant l`engagement du RDR et des Forces Nouvelles dans le processus de sortie de crise ; Considérant l`alliance au sein du G7 relative à l`organisation d’élections démocratiques et transparentes, ouvertes à tous et certifiées par la communauté internationale; Vu le nouveau contrat social porté par le président Alassane Dramane Ouattara en vue du rassemblement de toutes les intelligences et de la construction de la Côte d’Ivoire nouvelle ; le 2ème congrès ordinaire des 1er, 2 et 3 février 2008 encourage le Président du Parti à poursuivre ses contacts avec les Forces Nouvelles en vue de développer une action politique commune.
Que dire encore sur le PDCI ? Il n’y a pas de commentaires additionnels à faire à propos de ce nouveau visage du PDCI-RDA: le parti a trahi le combat du Rda. Ces errements sont contraires aux idéaux du parti du « bélier de Yamoussoukro ».