Entamées au Novotel Abidjan le 31 janvier 2014, les rencontres entre les partis signataires de la présente déclaration se sont poursuivies en leurs sièges. L’ordre du jour était la réflexion sur les conditions à réunir pour des élections transparentes et apaisées en 2015. Les partis signataires ont convenu de donner la dénomination La 3ème Voie après que leur dénomination, ALLIANCE POUR LE CHANGEMENT DÉMOCRATIQUE (ACD), fut prise par une autre coalition. La dénomination s’explique pour trois raisons essentielles. D’abord, ils ont estimé que le contexte actuel impose une solidarité sans faille à l’ensemble des partis en lutte pour la conquête des libertés, la construction d’une démocratie pluraliste effective et la réconciliation nationale véritable. Par ailleurs, les partis considèrent que le peuple ivoirien aspire à un changement qui ne peut qu’être l’avènement d’un système démocratique. Enfin, les partis, prenant conscience que les causes de la crise ont une dimension interne et externe, entendent en faire une analyse en profondeur pour que les perspectives de la construction d’une société sur des bases justes et durables, tiennent compte des erreurs du passé et des difficultés du présent.
Les partis membres considèrent que le changement démocratique signifie la mise en place d’un système politique, économique et social différent de celui qui gère le pays depuis l’indépendance. Dans le cas d’espèce, les partis membres considèrent que cette alternative systémique et non l’alternance au pouvoir, ne peut s’opérer que si les huit conditions suivantes sont réunies : le recensement général de la population, l’actualisation de la liste électorale, la composition de la Nouvelle Commission Électorale Indépendante, la sécurisation du processus électoral, l’adoption du statut des partis de l’opposition, l’accès équitable aux médias d’Etat, la réconciliation et enfin le rejet de toute modification intéressée de la Constitution.
1. Du recensement général de la population
La 3ème Voie estime qu’il y a une différence inexpliquée et incohérente entre la croissance démographique et la population électorale. Ainsi, le constat a été fait, qu’alors qu’en 2010, la population nationale était estimée à 21 millions de personnes, celle qui sera enregistrée sur la liste électorale n’a été que de 5,7 millions. Cette situation est assez perturbante et appelle de notre part une vigilance accrue pour en déterminer les raisons objectives et subjectives. La 3ème Voie estime qu’il est crucial que le récent recensement général de la population n’a pas été fait sur des bases consensuelles et rationnelles. Qui plus est, ce recensement ne sera pas d’une grande utilité en matière de gestion et de planification économique, politique et sociale. La 3ème Voie dénonce, une fois de plus, la manière grotesque et cavalière avec laquelle le gouvernement ivoirien a conduit cette trop importante opération avec des contradictions internes entre les différents services techniques et les disfonctionnements dans les engagements financiers pris vis-à-vis des agents recenseurs qui, par la presse, font écho de la mauvaise gouvernance dans notre pays.
2. De la liste électorale
La 3ème Voie propose que les nouveaux majeurs, ainsi que les omis de la liste précédente soient intégrés sans tarder dans la liste électorale qui devrait être conçue par une Commission Electorale véritablement indépendante conformément aux dispositions de l’article 32 de la constitution et la résolution 2162 du 25 juin 2014 de l’ONU. Par ailleurs, La 3ème Voie souhaiterait savoir si la reprise des opérations de confection des cartes nationales d’identité est liée à la confection des listes électorales ? Si tel était le cas, La 3ème Voie dénonce les fraudes massives sur l’identité qui ont même été constatées depuis des mois, justement, avant le lancement de la présente opération de reprise de la production et de la distribution des nouvelles CNI. La 3ème Voie demande à toutes les personnes qui auront eu les CNI en dehors des procédures légales de se soustraire de toute volonté de participer au processus électoral au risque de se voir poursuivre devant les tribunaux ivoiriens pour fraude d’identité, tentative de subversion par la modification illégale de la démographie électorale.
3. La commission électorale indépendante
La 3ème Voie constate clairement la violation par la commission mise en place par le gouvernement d’une part, de l’article 32 de la constitution dans sa lettre comme dans son esprit et, d’autre part, de la résolution 2162 du 25 juin 2014 de l’ONU. En tentant de créer les conditions d’une majorité mécanique du pouvoir au sein de la commission centrale, le gouvernement ne fait que reproduire le schéma de la commission électorale précédente qui est entièrement responsable de la crise postélectorale qui a fait près de 20 000 morts. C’est aussi cette commission qui a été incapable d’organiser des élections législatives et municipales sans incidents puisqu’il aura fallu reprendre ces élections avec plus de 20% de réclamations et de nombreux morts. La 3ème Voie considère par ailleurs que la loi présente ne dit rien sur l’autonomie financière, l’indépendance opérationnelle et l’indépendance des dirigeants de la Commission mise en place ainsi que sa capacité à avoir une sécurité pour l’ensemble du processus électoral. La 3ème Voie propose par conséquent une révision de la présente loi pour lui garantir une indépendance conformément à la constitution. La 3ème Voie, propose clairement que la commission puisse disposer de forces de sécurité constituées des forces armées nationales de Côte d’Ivoire ainsi que des forces impartiales que sont l’ONUCI et la Forces Licorne, pour garantir la sécurité totale pour le personnel ainsi que pour le processus dans son ensemble lors des prochaines élections générales et locales. La 3ème Voie voudrait rappeler que la présente commission, parce qu’elle est soumise aux partis politiques et au pouvoir exécutif, est attentatoire à la légitimité, in fine et in extenso, des institutions de la république. La 3ème Voie estime par conséquent qu’il importe que tous ceux qui aspirent à un changement véritable, c’est-à-dire, une alternative systémique, de mettre en place une coalition unie, pour ne pas laisser passer cette imposture constitutionnelle et politique. La 3ème Voie lance donc un appel pressant au peuple de Côte d’Ivoire, aux amis de la Côte d’ivoire, pour que nous refusions de conduire cette nation vers une crise des plus aiguës. La 3ème Voie rejette sur le gouvernement et tous ceux qui auront soutenu cette Commission Électorale du Pouvoir (CEP) anticonstitutionnelle, toute violence et violation du suffrage du peuple ivoirien. La 3ème Voie donnera une suite judiciaire, devant les tribunaux internationaux, notamment, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et la Cour Pénale Internationale, à toute violation du droit des citoyens ivoiriens.
4. La sécurité
La 3ème Voie considère que les conditions actuelles ne permettent pas de parler de sécurité, non seulement pour les acteurs politiques, mais aussi et surtout, pour l’ensemble du peuple ivoirien qui ne sait pas quelle sera la suite du processus judiciaire choisi par le gouvernement. En effet, La 3ème Voie considère que la justice, si elle veut être impartiale, devra prendre en compte toutes les parties ayant violé les droits humains. Or, il se trouve que cela n’est pas le cas tout simplement en raison de l’organisation actuelle du système de sécurité et de défense du pays. Ainsi, La 3ème Voie constate que le système de défense et de sécurité reste pyramidale avec, au bas de l’échelle, les ex-combattants des deux camps, les Dozos et les hommes de troupe et leur hiérarchie, complexe d’ex-FDS et chefs rebelles. En haut de la pyramide, nous avons les forces spéciales rattachées au président de la république, Alassane Ouattara et dirigées exclusivement par les commandants en chef des ex-rebelles qui ont partagé le pays en zone d’influence et n’ont directement aucun compte à rendre à la hiérarchie militaire. La 3ème Voie considère qu’une telle division du système de sécurité pose la problématique de la réaction des forces spéciales, en réalité, véritable réseau de la rébellion, en cas de défaite de leur mentor, dans un contexte de non désarmement de leurs effectifs. En tout état de cause, La 3ème Voie constate clairement que telle que organisée, les forces armées nationales ne peuvent pas avoir de considération pour les forces démocratiques. La 3ème Voie appelle donc le peuple de Côte d’Ivoire à prendre conscience de la bombe politique qu’est le système de défense et de sécurité de la république des républicains. La 3ème Voie s’engage à lutter pour la refonte des forces de défense et de sécurité nationales, à commencer par leur retour à leur ancienne dénomination: FORCES ARMÉES NATIONALES DE COTE D’IVOIRE, FANCI, en lieu et place de FRCI ou de FDS qui sont des dénominations fortement liées à la crise. La 3ème Voie constate l’échec, sinon la mauvaise foi caractérielle du gouvernement, en matière de désarmement et souhaite une véritable politique de refonte de nos FANCI pour en faire des forces véritablement au service de la nation et non des groupements de miliciens instrumentalisés pour le compte de quelques individus.
5. Le statut de l’opposition et le Cadre Permanent de Dialogue
La 3ème Voie constate l’échec total du Cadre Permanent de Dialogue qui fut un instrument entre les mains du pouvoir pour se donner bonne conscience. Le CPD n’a pas pu avoir un impact véritable sur la posture unilatérale du gouvernement qui ne pense même pas parler avec l’opposition en dehors de se voir concéder par celle-ci, une position de décideur unique. La 3ème Voie dénonce cette parodie de dialogue et exige que le gouvernement fasse sienne la volonté de paix et de dialogue du peuple ivoirien. Dans un contexte démocratique, le respect de l’opposition et le dialogue constant avec elle constituent des gages de paix et de défense des institutions et de la république. Toute approche opportuniste et dictatoriale des rapports entre le pouvoir et l’opposition ne saurait être source de prospérité et de stabilité. La 3ème Voie appelle le gouvernement à un dialogue, une concertation, pour que les problèmes de fond du pays soient abordés et solutionnés, dans une perspective consensuelle. A défaut, La 3ème Voie appelle toutes les forces de l’opposition ivoirienne à une concertation pour avoir une position commune quant aux graves violations des droits de l’opposition par le gouvernement. Cette concertation s’impose pour que nous puissions indiquer la voie du dialogue véritable au pouvoir, sauvegarder la paix sociale et avoir des élections non conflictuelles dès 2015.
6. De l’accès aux médias d’Etat
La 3ème Voie appelle toutes les plateformes politiques à comprendre que la gestion clanique des médias d’Etat est une atteinte à la démocratie et relève d’une politique de courte vue qui conduit le pouvoir en place à toujours exposer l’opposition à la censure. Dès lors, il importe de donner une indépendance effective aux médias publics confisqués par l’Etat et de permettre l’accès équitable de l’opposition à ces services publics en attendant de procéder rapidement à une libéralisation totale de l’espace audiovisuel. La 3ème Voie constate que le Président Ouattara, qui a eu recours à TV Côte d’Ivoire, pendant la période de son séjour au Golf Hôtel, considère que la libéralisation des médias d’état se fera après sa réélection en 2015. La 3ème Voie demande donc de savoir quelle sera sa position s’il n’était pas réélu en 2015 et que le nouveau pouvoir l’exposait au même traitement que son régime fait subir à l’opposition qui ne lui est pas favorable et réunie aujourd’hui dans La 3ème Voie ? Il est tout de même honteux que la Côte d’Ivoire soit le dernier pays de l’Uemoa en matière de libéralisation de l’espace audio-visuel. Il importe de mettre un terme à cette incongruité grotesque.
7. De la réconciliation nationale
La 3ème Voie estime que les troubles postélectoraux sont la conséquence d’une crise plus profonde qu’il convient d’analyser avec rigueur, l’efficacité des solutions proposées dépendant de l’exactitude du diagnostic posé. Il ne peut pas y avoir de réconciliation véritable dans la nation ivoirienne sans que l’on ne jette un regard rétrospectif sur les événements du passé, les meurtres politiques et accessoirement, la mauvaise gouvernance et cela depuis des décennies. C’est pour cela qu’il importe que les plateformes politiques s’engagent sincèrement à faire de la réconciliation dans la vérité et la justice un objectif principal, afin de permettre à la CDVR de remplir sa mission. Le refus de procéder à cette analyse et d’endosser la responsabilité des décisions prises et des actes posés dans le passé ne saurait être une option, car elle aboutirait alors à entretenir, voire à amplifier les rancœurs entre les populations.
La 3ème Voie considère par ailleurs que l’approche judiciaire à la question des crimes commis pendant la période postélectorale ne devrait en rien remettre en cause la souveraineté de notre nation. L’incapacité de notre justice à juger impartialement des acteurs politiques nationaux est la seule raison de l’intrusion du tribunal international dans notre pays. La conscience morale de notre peuple ne saurait l’accepter. Qui plus est, c’est le gage que les faits qui sont imputés aux personnes incriminées, selon le vœu de la communauté internationale, seront jugés dans un contexte qui ne permettrait pas au peuple souverain de Côte d’Ivoire de savoir les tenants et aboutissants de ces charges. Il importe par conséquent que la Cour Pénale Internationale crée un Tribunal Spécial pour la Côte d’Ivoire localisé en Côte d’Ivoire comme ce fut le cas au Rwanda pour entendre toutes les personnes qui auraient été sous le coup de la violation grave des droits humains. Enfin, la création d’un TSCI fera réfléchir toute autre personne qui entend utiliser la violence pour s’imposer contre la volonté légitime du peuple ivoirien à un vote transparent et apaisé. Notre justice mérite des réformes en profondeur.
8. Du rejet de toute modification intéressée de la Constitution :
La 3ème Voie se fait l’écho de plus en plus persistant de tractations au sein du pouvoir RHDP pour une modification ponctuelle de la loi fondamentale qui instaurerait une vice-présidence et conduirait automatiquement à un référendum en 2015 et au report de l’élection présidentielle de 2015 à 2017 pour des raisons financières. La 3ème Voie invite plutôt le pouvoir à se rappeler que c’est son attitude de défiance contre la constitution d’août 2000 qui est à l’origine de la crise politico-militaire qui a endeuillée et défigurée le pays voici exactement douze années. Certainement qu’il importe pour le pouvoir actuel de faire comme si la question de la constitution ne soit plus une des causes de la crise. Cependant, La 3ème Voie estime que pour aboutir à un changement de système, il est impératif que le peuple ivoirien s’engage dans un changement constitutionnel qui ferait naître la 3ème République fondée sur la dictature de la loi impersonnelle. La force de notre nation reste, La 3ème Voie en est persuadé, l’état de droit et non le droit exorbitant de l’état instrumentalisé par le président devenu roi à la tête de la république. Par conséquent, La 3ème Voie ne saurait accepter le parjure politique et juridique que constituerait une modification intéressée de la Constitution avant les élections de 2015.
Conclusion
La 3ème Voie entend faire comprendre au peuple de Côte d’Ivoire qu’il ne saurait avoir plusieurs choix. Les prochaines élections posent des problématiques existentielles pour notre pays. Il ne serait aucunement juste de les ignorer au regard des lois récentes prises par le pouvoir qui sont de nature à profondément soumettre les masses ivoiriennes, notamment paysannes, à la merci des forces obscures du capitalisme de connivence cultivé par le pouvoir actuel. La fragilisation du système du foncier rural à des fins de spéculation conduit le pays vers une perspective gravissime de voir les paysans maintenu dans leur statut de serfs sur les terres qu’ils exploiteront pour le bénéfice d’un Etat à la merci de la volonté de déstabilisations structurelles permanentes. Car un état sans une force de défense véritablement légale et légitime et un gouvernement avec une posture de négation des droits des opposants, ne sont certainement le gage d’une démocratie et d’un développement prochain du pays. L’heure est donc à la mobilisation générale des hommes et des femmes, jeunes et vieux, ivoiriens d’origine comme d’adoption, de faire en sorte que l’aspiration profonde à la prospérité et à la liberté que nous avons eue depuis des lustres soit ce qui triomphe en 2015. L’alternative contraire sera de faire de nous des esclaves sur notre propre terre. Alors, quelle attitude devra-t-on adopter ? Vendre notre âme et notre histoire ou engager le combat de la restauration de cette certaine idée d’être et de faire que nous avons connues hier, c’est-à-dire, cette nation en devenir, brisée par la volonté de quelques individus pour leur propre bonheur et non celui des masses.
Unis, nous gagnerons. Désunis, nous avons déjà perdu.
Fait à Abidjan, le 8 septembre 2014
LA DIRECTION NATIONALE DE LA 3ème VOIE
Le Présidium
Pr Mamadou KOULIBALY, Porte-parole
Dr Martial Joseph AHIPEAUD, Coordonateur
Jean-Enoc BAH, Coordonateur
Brahima COULIBALY, Membre
Gervais DJAH, Membre
Fanhan COULIBALY, Membre
Yanoh, Membre de l’UNN
Les Responsables Extérieures de la 3ème Voie
France
Doumbia Souleymane dit Major, Porte-parole extérieur
Soko Gbaléhi, Coordonnateur France
Pierre Ernest TIGORI, Coordonnateur France
Royaume-Uni
Bah Soumalet, Coordonnateur Royaume-Uni
CHRONOGRAMME DE MOBILISATION SEPTEMBRE & OCTOBRE 2014
Les 19, 20 et 21 Septembre, visite dans les communes du District pour rassemblement des membres des organisations membres de la 3ème Voie en vue de l’organisation de la pré-tournée de mobilisation
Tournées dans les dites communes du 27 septembre au 10 Octobre 2014
Sortie officielle le 11 Octobre 2014
Pour le Présidium
Le Coordonnateur
AHIPEAUD Martial Joseph, PhD