JULIEN GOUALO (KAWALA)

Né dans la périphérie d’Abidjan, il est une force de la nature d’autant plus que quelques années après son arrivée sur la terre, il se retranche dans la forêt, aux pieds des sept rochers encerclant les ruines du village de ses ancêtres pour boire à la barbotière des hauts faits de la tradition. Il y passe de longues lunes rythmées par de tendres insomnies entre broussailles, espèces animales et esprits qui y vivent. Dans ce sanctuaire qui a tout l’air d’un campement- village, il est initié à la cosmogonie des masques en général et du masque Zakra en particulier. Dont-on dit qu’il fait tomber la foudre pendant les temps de grands soleils. Dans l’antre de ce masque craint et respecté qui se trouve être une termitière, l’artiste y passe une semaine dans une ronde de fourmis magnans pour tester sa résistance face aux forces maléfiques en vue de parer à toutes situations. Fort de cet enseignement, il regagne Abidjan. On comprend dès lors son goût très prononcé pour la nature, gage de témérité et de bravoure selon les enseignements de Zakra. Son comportement n’est donc pas le fait d’exhibions touristiques. Faut-il rappeler que le masque Zakra porte les cornes de vraies du buffle sur le masque-statuette qui couvre son visage. Sur la Seule Tête Cornue humaine de la Côte d’Ivoire, les trois tiges-cornes qui s’y élèvent, sont le substrat de celles du masque Zakra pour mieux l’incarner en vue de capter toutes sortes de vibrations célestes. Voilà comment se présente l’artiste Julien Goualo, loin de toutes supputations qui feraient croire que c’est pour amuser la galerie. Un jour, alors qu’il se présente aux agents de la police Française pour l’établissement de son passeport, l’on lui demande d’ôter de sa tête ses Cornes divinatoires. Après d’âpres tractations, il prend les photos et à la vue du document, l’on est accueilli par les trois Cornes ou plutôt Zakra. Au cours de son initiation, il choisit comme instrument de musique : Le tambour, porteur du langage sacré fusionnel afin de réconcilier les communautés. Percussionniste à l’art consommé, une fois en France, Julien Goualo crée une école pour enseigner sa science. A travers un périple de la divulgation des messages de son peuple de masques, il est approché par l’orchestre des Cors de Paris qu’il intègre et en devient le percussionniste principal. Avec ces professionnels, l’enfant de la lignée des masques, parcourt toutes les cités et tout dernièrement, durant les périodes tumultueuses des fameuse Chemises Rouges et Blanches, il se retrouve en Thaïlande pour plusieurs concerts. Le hasard faisant bien les choses, percussion sur les épaules, Julien Goualo est en à face des deux groupes antagonistes de manifestants. Il empoigne son instrument et par la magie du langage tambourinaire codifié, les deux groupes se mettent à danser oubliant leurs divergences. Comme quoi, au-delà de la littérature musicale superfétatoire qui argue que la musique adoucit les mœurs, il est à noter que la musique est un phénomène de participation collective qui engendre les images, les sons en touchant les fibres sensibles des individus pour les réconcilier et que de par sa fonction sociale, elle amène les uns et les autres quelles que soient leurs obédiences politiques, religieuses et culturelles, à regarder dans la même direction pour la survie de la société. Dans nos sociétés où l’on enjambe nuit et jour des conflits, l’art peut constituer un socle de réconciliation, pourvu que l’on le sollicite pour les régler. Partout, gisent çà et là des Zakra, détenteurs non seulement des pouvoirs mystiques et fétichistes pour lesquels l’on les regarde du coin de l’œil apeuré, mais dont on peut bénéficier des conseils pour résoudre certains conflits. Julien Goualo qui déroule le tapis aux masques, ne fait qu’implorer chacun de nous à s’appuyer quelque part sur un Zakra. Ecoutons-le :

Sokohio !
Regardez la sortie du masque
Levons-nous pour nous en aller, enfants de Gbonné
Mettez-vous sur pied
Afin que nous prenions le chemin de la pensée
Nous avions attendu dans nos champs
Et le soleil s’en est allé se coucher
Quittez le chemin, quittez le chemin
Il y a un masque qui arrive
Doucement, doucement
Valen-guede

Par Valen Guédé
Valen_guede@yahoo.fr

En s’initiant aux sciences des masques, la Seule Tête Cornue de la Côte d’Ivoire, participe à sa manière à la consolidation des liens de solidarité entre les peuples. Dans nos cités en voie de développement et en proie à des convulsions, il est du devoir de chaque citoyen de s’approprier la culture de ces détenteurs des savoirs traditionnels que sont les masques pour réguler le tissu sociétal. Faute de quoi, les inondations sociales risquent de les emporter sur des terrains déjà immergés où se confrontent les cultures d’ici et d’ailleurs. Auditrices et Auditeurs du Carrefour Weekend, pour une cohésion sociale renouvelée, écoutez Sokohiho, vibration divinatoire de la Seule Tête Cornue humaine venue des rochers de Gbonné sur l’Autre Face de la Mélodie.

Source: Page Facebook Valen Guédé