«J’écris donc, je suis…». Homme de lettres congolais, Fumu Bipe, de son vrai nom, Michel Poati-Tchicaya, a, tel un archiviste, refait l’histoire ancestrale, singulièrement de l’ethnie vili. Il vient d’éditer, en mars 2014, en France, un essai intitulé: «Dire sans le dire, Tchi Luangu Mueni». Editeur: Editions L’Harmattan. Plus de trois mois après la mise en librairie de ce livre, Fumu Bipe a jeté le masque, mardi 20 mai 2014, sur la culture ancestrale (adages, anecdotes, dictons et proverbes d’Afrique noire), que propose cet essai. L’écrivain fixe l’opinion sur l’utilité de la culture ancestrale. Entretien.
La Semaine Africaine : Pourquoi tant d’attachement à la culture ancestrale?
Fumu Bipe : J’aborde, ici, un aspect capital, pour notre peuple. Je mets en valeur, notre culture, déjà, l’histoire que je revisite. Mais aussi, un accent qui est porté sur le message proverbial, dans l’intérêt des Congolais et des Africains. Je donne mon point de vue avec proverbes à l’appui. C’est sur ces deux thèmes que s’articule le livre. Pour la simple raison que, aujourd’hui, nous parlons, de plus en plus, de mondialisation. Derrière cette notion qui parait agréable à entendre, une disparition des valeurs de base. Evidemment, quand tout se réunit, c’est une bonne chose. Mais, lorsqu’il faut, obligatoirement, rendre commun l’écrire qui, au départ, est disparate, il faut, quand même, sonner l’alerte. Je me suis donc décidé d’écrire ce livre.
Quels lecteurs dans le viseur de vos écrits?
Il y avait, en moi, pas de réelles cibles, au départ. Mais je pense qu’on s’adresse, directement, à la jeunesse. Il faut que nos jeunes prennent conscience de ce que nous sommes, d’abord. Avant de s’associer à d’autres peuples, il faut que nous sachions qui nous sommes et d’où nous venons. Et ça, je pense que c’est une carte routière de chacun de nous.
Accusez-vous la jeunesse d’avoir tourné le dos à ce savoir?
Je dirais plus! Quand on se détourne de la culture ancestrale, on est carrément ballottée par tout courant et tout point de vue. La conséquence, aujourd’hui, c’est que notre jeunesse est un peu éparpillée. Je ne veux pas faire une comparaison. Mais nos jeunes n’ont plus de base, le chaos intervient. Et c’est cela mon inquiétude. L’occident est un exemple qui doit nous mettre en garde.
Quels conseils tire-t-on de votre livre?
C’est un message d’amour, de paix, de tolérance. Nos ancêtres, aussi «illettrés» qu’ils pouvaient être, loin de la culture occidentale que nous sommes en train, aujourd’hui, de nous prévaloir étaient des personnes mûres, matures et équilibrés. L’analyse que vous pouvez faire de ces proverbes, vous retrouverez ce souci de l’autre, ce qui permettrait de vivre en paix. Malheureusement, aujourd’hui, on a plus le respect de l’autre. On pense à «sa propre gueule», comme on dit de l’autre côté de l’Occident. Ce qui gâche la paix sociale. Revenons à nos valeurs de nos ancêtres, nous y trouverons une cohésion applicable, même si on parle, aujourd’hui, de mondialisation. Je tiens à la paix, au respect des individus. Il faut se fier au message des ancêtres. On nous dit: «un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui s’en va». Quand on ne sait pas appliquer ce message, c’est déplorable.
Une adresse aux lecteurs congolais?
C’est une découverte qu’ils vont devoir faire. Mon grand souci, c’est que tous puissent s’y retrouver. Il faudra qu’ils lisent ce livre, avec beaucoup de souplesse, de tolérance, parce beaucoup seront choqués. Choqués pourquoi? Parce qu’il y a des vérités que nous avons prises pour acquis, déjà. Alors qu’elles ne sont que de fausses vérités. Je mets ma main au feu…Je laisse aux lecteurs de découvrir ce livre, disponible sur internet et, bientôt, dans les librairies de Brazzaville.
Propos recueillis par Hordel BIAKOROMALONGA.
In La Semaine Africaine n°3397 du mardi 3 juin 2014 – p13