Des Noirs trop complaisants envers eux-mêmes
Si elle veut avancer, l’Afrique a autant besoin d’un examen profond de son parcours historique que de la révision générale de sa gouvernance actuelle. La complaisance dans l’analyse des performances de l’Afrique indépendante peut s’expliquer, entre autres par la propagande de régimes africains populistes, par l’influence de médias, journalistes et intellectuels au service de régimes africains corrompus, par le dos large de la françafrique. En revanche, la légèreté avec laquelle nombre d’Africains abordent l’histoire du continent pose un vrai problème d’objectivité de la classe dite intellectuelle. En effet, pour la majorité des voix qui font autorité sur l’Afrique, la principale cause de tous les maux de l’Afrique, ce sont les autres, en particulier les Occidentaux : « L’esclavage, c’est les Blancs ; Le pillage de l’Afrique, c’est les Blancs ; Les dictatures en Afrique, c’est les Blancs ; Les guerres qui déchirent le continent, c’est les Blancs. »Depuis cinq siècles, l’Afrique n’aurait rien à se reprocher, elle, l’innocente victime de la barbarie de l’homme blanc ! L’Afrique, avant le contact du XVe siècle avec les Européens, aurait été un monde d’harmonie, de cohésion et de paix. Finalement, les Noirs seraient des saints dans un monde dominé par les méchants Blancs qui complotent depuis des siècles contre l’émancipation de l’Afrique !
Les acteurs africains de la traite négrière
Les faits contredisent cette vision qui tend à faire des Noirs une espèce spéciale de l’humanité. Non, avant leurs rencontres avec les Occidentaux, les peuples d’Afrique, comme tous les autres peuples du globe, ont connu guerres, massacres, conquêtes, vassalisations, exploitations, esclavages, etc. Les Occidentaux n’apportent pas l’esclavage en Afrique, mais organisent et tirent profit d’une pratique largement répandue sur le continent. Les grands empires de l’Ouest africain, qu’étaient le Ghana, le Sosso, le Manding, le Songhaï et autres, sont remplacés aux XVIIe et XVIIIe siècles par des royaumes plus modestes qui vont être les partenaires des marchands européens.
Sur toute la côte ouest, du Sénégal en Angola, avec l’accord des chefs africains, les comptoirs européens se multiplient et constituent des entreprises autours desquelles se développent les agglomérations de Saint-Louis, Bissau, Freetown, Monrovia, Elmina, Ouidah, Bonny, Sao Tomé, Cabinda, Luanda et Benguela. Dans le golfe de Guinée par exemple, la traite des esclaves favorise l’essor de trois Etats négriers bien structurés : la confédération Ashanti, le royaume d’Oyo et le Dahomey. Ce dernier, premier fournisseur d’esclaves aux marchands européens à partir de 1724, connait une prospérité exceptionnelle pendant près d’un demi-siècle. Comme le note Tidiane Diakité, historien d’origine malienne, « …la traite assure la richesse aux rois africains, on estime à 250.000 livres les revenus en 1750 de Tegbessou, roi du Dahomey qui livre 9000 esclaves par an. » La durée de la traite négrière et son ampleur sont dus au fait que ce commerce a trouvé sur le continent africain une élite qui en tire profit. C’est le lieu de préciser qu’au même moment, il se pratiquait en Algérie la traite des chrétiens, des Blancs ! mais cette fois contre la volonté des leurs, contrairement à la traite négrière qui fonctionnait avec la participation active et lucrative des nôtres. D’ailleurs, ironie de l’histoire, l’une des toutes premières guerres des Etats-Unis d’Amérique indépendantes et esclavagistes, à la fin du XVIIIe siècle, sera contre la régence d’Algérie qui piratait les navires américains et réduisait en esclavage leurs équipages. Alger en est arrivé à compter plus de 20.000 esclaves blancs, Européens et Américains, sur une population de 100.000 habitants. C’était donc une époque où l’esclavage était admis dans les mœurs de tous les peuples, et il est totalement faux de croire que c’était un traitement réservé aux seuls Noirs. Par ailleurs, ce sont les Occidentaux qui, dans la seconde moitié du XIXe siècle, avec des personnalités comme David Livingstone, vont lutter sur le sol africain pour mettre fin à l’esclavage, contre les Arabes et les élites africaines. Ce sont les Français qui vont mettre fin aux razzias dans le nord de la Côte d’Ivoire de l’esclavagiste qu’était Samory Touré.
La mauvaise gouvernance post coloniale
Depuis les indépendances africaines des années 1950-1960, selon les mêmes observateurs complaisants, africanistes blancs et noirs, c’est le néocolonialisme et la Françafrique qui empêchent l’Afrique d’avancer. La corruption des gouvernants, la cupidité des cadres, l’immoralité générale de la société contemporaine africaine sont passées sous silence (ou minimisées) pour faire des Occidentaux qui profitent opportunément de la situation les seuls responsables. En fait les Africains sont pris comme des enfants à qui on pardonne tout, l’inconduite chronique des élites prise pour un folklore avec lequel on veut s’accommoder. C’est peut-être ça le vrai racisme, puisqu’il suppose que les Africains ne sont pas capables d’être raisonnables ! Aujourd’hui, avec la forte pression migratoire que l’Afrique exerce sur une Europe à bout de souffle, on préfère traiter de racistes ou de xénophobes les responsables occidentaux qui parlent de contrôle de l’immigration, au lieu d’être plus exigeants envers les dirigeants et élites africaines qui ont trahi et abandonné les masses populaires.
Les tenants de ces thèses complaisantes envers l’Afrique et les Noirs se croient tellement dans leur bon droit qu’ils réclament de plus en plus de l’Occident repentance et réparation, profitant en cela de la mauvaise conscience de l’esclavage qui s’est développée en Europe. Aux Etats-Unis, la communauté blanche n’a pas cette mauvaise conscience de la traite négrière et de l’esclavage. La société américaine a pris le temps qu’il faut pour surmonter esclavage, ségrégation et discrimination raciales, et, aujourd’hui, s’atèle à donner à chacun sa chance, au point qu’un Noir peut accéder à la magistrature suprême du pays ! Aux Etats-Unis, on ne passe pas le temps à rabâcher que l’esclavage est la cause de toutes les misères des Noirs. Pourquoi donc est-ce en France que ces mouvements qui surfent sur l’esclavage prospèrent ?
Le mensonge a trop duré !
Finalement, en vue d’embellir un continent de toute évidence mal en point depuis trop longtemps, c’est un mensonge au-delà du raisonnable qui est entretenu sur le passé et le présent de l’Afrique. Une faute qu’on refuse de s’avouer ayant toutes les chances de se répéter, l’élite africaine continue de trahir. Les tâches semblent être bien réparties entre les dirigeants et les journalistes ou prétendus intellectuels. Pendant que les uns pillent leurs pays, les autres accusent les Occidentaux d’être les premiers responsables du désastre du continent. Le journaliste Afro-Américain Keith Richburg, correspondant de The Washington Postà Nairobi de 1991 à 1994, ayant couvert le génocide du Rwanda, la guerre civile en Somalie et une épidémie de choléra en République Démocratique du Congo, fatigué d’entretenir le mensonge pour couvrir une Afrique indéfendable, a fini par exprimer sa gratitude au ‘’négrier qui a transporté [son] ancêtre anonyme à travers l’océan, enchaîné et les pieds pris dans le fer et à Dieu, qu’il ait survécu…’’ Pourquoi demande-t-on aujourd’hui des réparations pour l’esclavage à la France et non aux Etats-Unis, les premiers bénéficiaires de la traite négrière ? Pourquoi demande-t-on des réparations à la France et non au Bénin ou au Ghana qui prospérèrent avec le commerce des esclaves ? Que d’absurdités ! Depuis les indépendances des Etats africains, aucun chef d’Etat ni aucune organisation panafricaine n’a exprimé le moindre regret du continent par rapport à la traite négrière dans laquelle le continent fut très actif. C’est une honte pour l’Afrique !!!
Appel au réveil de la jeunesse
Le vrai mal, qui motive notre propos, est l’effet néfaste de ces interprétations biaisées de l’histoire sur notre jeunesse. Devant ce qui est présenté comme un complot extérieur qui court depuis des siècles, un piège duquel il est impossible de se soustraire, cette jeunesse est tentée par la haine et le découragement. Un des traits spécifiques du mensonge étant qu’il produit des incohérences qui ne peuvent que troubler celui qui y croit, la mémoire collective africaine est troublée et mal à l’aise, et n’arrive pas à faire son deuil de l’esclavage. Nous voulons que la jeunesse africaine sache qu’il n’y a aucun complot extérieur, qu’il appartient à l’Afrique de faire face à son destin, de reprendre en main son histoire. Oui, jeunes d’Afrique, ne vous laissez pas tromper par les aînés fautifs, responsables d’un chaos qu’ils refusent d’assumer. Brisez vos chaînes et, comme le demande Bob Marley: « émancipez vous de l’esclavage mental… » Soyez les acteurs de la nouvelle page de l’histoire de l’Afrique. Une Afrique qui, au lieu de demander lâchement réparation pour l’esclavage, assume courageusement ses erreurs du passé, est prête au repentir d’avoir vendu pendant si longtemps ses propres fils. Mieux, au lieu de regarder en permanence dans le rétroviseur, cette Afrique doit être plus exigeante aujourd’hui envers ses dirigeants.
Pour la Conscience noire, Kakou Ernest TIGORI
Source: http://mature-africa.com/