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Lagô Tapè Séhia alias Luckson Padaud

C’est après avoir suivi la voie initiatique, pénétré les arcanes de la société, que l’on devient artiste dans la pensée traditionnelle. A partir de ce moment-là, l’initié n’est plus comme toi et moi, mais un être qui incarne les valeurs fondamentales de la communauté. Désormais, étant une autorité morale qui gouverne aux destinées de celle-ci, l’artiste peut enseigner l’histoire à ses composantes en mettant son ombre protectrice sur la cohésion sociale d’où la dénomination de Dohobo Bléhi par déformation Doblé qu’il porte (l’oiseau qui enseigne les valeurs cardinales de la société). En tant que tel, il est l’interface entre le monde temporel et intemporel et doit avoir des textes significatifs, porteurs de la substance esthétique matérielle et spirituelle de la société. C’est fort de cela que tout artiste dira qu’il est le créateur exclusif de l’art qu’il aurait reçu d’un parent défunt, d’un arbre sacré etc. N’est donc pas artiste qui veut dans les sociétés traditionnelles. En bénéficiant du soutien des membres de la communauté qu’il protège, il n’en demeure pas moins que sur les sentiers qu’il enjambe, l’artiste rencontre des pièges tendus par ceux qui, de nuit comme de jour, veulent à travers lui déséquilibrer le pilier sur lequel se tient ferme la communauté. En vue de conjurer les sorts, il consacre certaines mesures de ses compositions à la lecture de ses capacités de bravoure, de téméraire bref, de bienfaiteur sous une forme esthétique élogieuse dénommée le Yaka, poésie élogieuse.

Dans NAKOU, (la Peau mienne), Lagô Tapè Séhia alias Luckson Padaud, tout en s’attribuant les qualités de beauté, de force incontournable, donne des pics à ceux qui tenteraient d’obstruer la tessiture de son art :

Je suis, moi, le mâle qui, parmi tous les animaux de la sombre et profonde forêt
Préside à leurs destinées
Jamais, je ne dis mot
Moi, venimeuse vipère
La peau mienne, est pure
L’on ne chante pas sans repère
Je suis, moi, le mâle qui parmi tous les animaux de la sombre et profonde forêt
Préside à leurs destinées
Jamais, je ne dis mot
Moi, colérique panthère
La peau mienne, est pure
C’est ma mère Gblihé Zaga Yohou Zekeu
Qui m’a porté chance
A cause de la douce liane souple et souple de l’art oral
Ô ! J’ai eu affaire, affaire
Seul, tous contre moi
Ils se dressent
Ô! Mère mienne, Lagô Sérié Sahoua
Ce sont encore eux les adeptes des actes prémédités(Dissawouan)
Qui se dressent contre moi

Contre les armes que fourbissent les poseurs d’actes prémédités, Padaud se mue à la fois en la venimeuse vipère et en la colérique panthère non seulement pour leur esthétique de beauté reconnue, mais aussi leurs attaques faisant passer de vie à trépas quiconque tente de les défier. Ensuite, l’artiste allègue sa lignée maternelle dont il tire les semences de son art oral. Localisé dans ce monde humain et animalier, Padaud, tel un caméléon, se confond avec la verdure et donne rendez-vous aux poseurs d’actes prémédités pour une confrontation qu’il considère fatidique, une rencontre de rupture. Écoutons-le pour se convaincre de son inspiration pour laquelle, sa bouche jamais, ne tarit :

Ce n’est nullement pour rien que je te hèle
Mère mienne, Srébho Guihounou Larwè
Qu’ils le sachent ou ne le sachent pas ces personnages adeptes d’actes prémédités à détruire coûte que coûte(Dissawouan)
Je suis moi, l’instant de la rupture définitive
Je suis moi, caméléon de la sombre et profonde forêt
La peau mienne, se confond avec la verdure
Nul ne peut m’identifier

Luckson Padaud, n’est pas venu à la musique tel un cheveu sur la soupe car, il est né dans la pure tradition villageoise où, il a fréquenté les buissons, les rivières. En ces lieux où tout est poésie, belle poésie porteuse de la parole proférée, il s’est désaltéré abondamment à la source intarissable de la barbotière des éminents faits des savoirs traditionnels sans altérer leurs corpus rythmiques. Fort de cela, l’art oral de l’enfant bien aimé de Gblié Tawa Zouzoua, grand maître du Ziglibhithy, est soutenu par le rythme du Digba aux notes ternaires saccadées, frissonnantes qui font exhiber les Bayourouguhé (ces belles filles aux seins fermes) dont les reins aux secousses poétiques rythment les nuits des cités. Et Carrefour Weekend qui aime tant se trémousser au rythme de toutes les musiques, ne pouvait ne pas danser aussi sur la scène sublimatoire de l’Autre Face de la Mélodie.

Valen Guédé

Valen-guede

Valen Guédé

Valen_guede@yahoo.fr

 Source: Page Facebook de Valen Guede

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