(Jeune Afrique) – La France, quatrième contributrice mondiale de l’aide publique au développement, a adopté lundi dernier une loi d’orientation sur le sujet. Une première pour l’Hexagone. Éclairage en quatre points.
“Nous ne ferons pas payer notre crise aux pays les plus pauvres de la planète”, a scandé Pascal Canfin devant un hémicycle désert. Lors de son discours à l’Assemblée nationale, lundi 10 février, le ministre français du Développement n’a pas lésiné sur les superlatifs à propos de la nouvelle loi d’orientation relative à l’aide au développement et à la solidarité internationale. “Un moment inédit”, une “grande première dans l’histoire de la République”, cette loi, adoptée en première lecture, annonce une “nouvelle ère du contrôle démocratique”, selon le ministre.
Pourquoi le vote de la loi est une avancée significative
C’est une loi inédite sous la Ve République. L’Assemblée nationale n’avait, jusqu’alors, jamais adopté de loi relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Auparavant, les députés votaient uniquement le budget annuel de la mission “Aide publique au développement” sans avoir leur mot à dire sur ses finalités.
La nouveauté de ce texte réside avant tout dans la volonté de contrôle démocratique et d’évaluation de l’aide au développement. Pour la première fois, une loi fixe des indicateurs de résultats annuels, qualitatifs et quantitatifs, afin d’examiner efficacement les projets d’aide et de rendre la politique de développement plus transparente. Le texte législatif contient également une clause de transparence fiscale pour les entreprises qui soumissionnent aux appels d’offre de l’Agence française de développement.
Les principes généraux de la loi
Lors de la présentation de la loi aux députés français, le ministre a résumé la politique de développement en trois mots-clés : transparence, cohérence et développement durable. Selon lui, la cohérence des politiques publiques et de développement et la transparence sont indispensables pour mener à bien des projets concrets dans les pays bénéficiaires de l’aide où l’objectif principal est de promouvoir le développement durable. La volonté de concertation des acteurs concernés réside dans la création d’une instance pérenne de négociation, le Conseil national du développement et de la solidarité internationale.
Pascal Canfin a rappelé l’importance de se concentrer sur l’Afrique subsaharienne et sur les pays de la rive sud et est de la Méditerranée. Le ministre souhaite avant tout renforcer les ressources propres des pays bénéficiaires afin qu’ils soient, un jour, capables de se passer des subsides de l’État français.
Pourquoi les ONG ne sont qu’à moitié satisfaites
Selon certaines ONG, la loi est restée en deçà des engagements déjà pris par la France en termes de transparence fiscale et financière et de régulation des entreprises. Qualifiant ces engagements de “timides”, Friedrike Röder, directrice de l’association ONE, regrette avant tout l’absence de chiffres concrets. La France est encore loin de l’objectif de 0.7 % du revenu national brut alloué à l’aide au développement fixé par l’ONU aux pays donateurs. Dans la loi, le chiffre n’est mentionné que dans le volet historique du document. “Nous aurions souhaité que la loi contienne un objectif politique et financier de plus long terme”, affirme la directrice de ONE. Selon les estimations de l’association, la part du budget français réservé à l’aide au développement serait de 0.4 %, un chiffre inférieur au 0.46 % avancé par le ministère.
Dans son tweet, Friedrike Röder fait référence aux données de Global Financial Integrity, une ONG luttant contre les mouvements transfrontaliers de capitaux frauduleux. En 2010, les flux financiers illicites fuyant l’Afrique, de l’ordre de 44.5 milliards d’euros, étaient plus élevés que l’aide au développement, qui atteignait 32.9 milliards d’euros. La directrice de ONE appelle donc le gouvernement français à poursuivre ses efforts.
La transparence 2.0 et le contrôle citoyen
La volonté de transparence de la nouvelle loi s’inscrit dans le 21e siècle et s’adapte aux nouveaux outils numériques. Sous l’impulsion du ministre français du Développement, un site interactif a été créé le 31 janvier 2014 pour permettre aux citoyens français et maliens d’explorer les projets en cours sur ce territoire. Budget alloué, état d’avancement et bénéficiaires du projet, résultats temporaires, la liste des 52 projets en cours est détaillée et accessible à tous. Les internautes peuvent même contrôler ces projets par mail ou par SMS. Interrogé par RFI, Pascal Canfin a vanté la transparence de cette plateforme, conforme au standard international de l’Initiative internationale pour la transparence de l’aide (IITA), et assuré vouloir étendre ce dispositif aux 16 pays prioritaires de l’aide au développement, en particulier le Sénégal, le Tchad et la Mauritanie.
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Emeline Wuilbercq