(L’Intelligent d’Abidjan) – Invité a intervenir par vidéoconférence à une rencontre d’échange à Paris initiée par le conseil de la diaspora pour la restauration de la démocratie et la défense des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire (CDR-CI), sur le thème « quelle opportunité de tenir un dialogue autour de la boussole Laurent Gbagbo », l’ancien ministre du gouvernement Aké M’gbo a saisi l’occasion pour déclarer encore une fois que la réconciliation nationale ivoirienne ne pourrait se faire qu’avec un Laurent Gbagbo Libre. Le Dr. Ahoua Don Mello a également soutenu que la libération de Laurent Gbagbo et des prisonniers proches de lui pourraient être au bout du dialogue avec le pouvoir. Voici l’intégralité de son intervention. C’était le dimanche 12 janvier dernier, depuis Accra.

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En cette nouvelle année, je fais les vœux pour une Côte d’Ivoire démocratique et souveraine. Persévérance et courage pour tous ceux qui sont encore dans le combat en Côte d’ Ivoire, en exil ou en prison. Une pensée toute particulière pour notre guide bien-aimé, j’ai nommé le président Laurent Gbagbo. Que 2014 soit l’année de la délivrance. Le thème de notre rencontre aujourd’hui est ‘’ Quelle opportunité de tenir un dialogue autour de la boussole Laurent Gbagbo ?’’. Permettez-moi chers camarades de refonder le thème qui m’est proposé. Je proposerai ; ‘’Quelle opportunité d’aller vers une réconciliation durable avec le symbole Laurent Gbagbo ?’’ Je tiens à faire cette reformulation tout simplement parce que le dialogue politique a déjà commencé entre le front populaire ivoirien et le pouvoir. Mais il faut dire clairement et nettement qu’on ne pourra atteindre le point de la réconciliation véritable, totale et durable entre toutes les filles et tous les fils de la Côte d’Ivoire qu’avec la libération de Laurent Gbagbo pour régler les contentieux entre les pro-Gbagbo et les pro-Ouattara. Car la crise qui frappe aujourd’hui notre pays va au-delà des partis politiques. Elle embrasse la société civile et militaire, et le pont entre les politique, les civiles, et les militaires du côté pro-Gbagbo ; c’est évidemment Laurent Gbagbo. Il est donc bien évident que la réconciliation ne peut être effective que si Laurent Gbagbo est dehors, loin de La Haye et parmi les siens.

Les Ivoiriens sont beaucoup divisés ; c’est bien clair que le dialogue politique qui est engagé ne pourra qu’éteindre les conséquences de la crise. Mais il ne pourra pas régler toutes les divisions qui traversent aujourd’hui la Côte d’Ivoire. Les divisions sont de plusieurs ordres.

La constitution divise les Ivoiriens

Nous sommes divisés sur la question de la constitution qui exclu le Chef de l’Etat Alassane Ouattara de la course de l’élection présidentielle future. Parce que la constitution n’autorise pas le Chef de l’Etat Ouattara à être candidat pour l’élection présidentielle de 2015. Nous n’allons pas, dans un Etat qui se veut démocratique, continuer à piétiner la constitution et envoyer en prison ceux qui respectent cette constitution, pendant que ceux qui la piétinent sont en liberté. Il faut que ce petit jeu s’arrête. Et il faut une constitution consensuelle en Côte d’Ivoire. Par conséquent, c’est un problème fondamental qui nous divise.

Nous avons aussi un conseil constitutionnel qui est illégale. Nous avons une commission électorale qui est illégitime, et nous avons une liste électorale sur laquelle nous ne savons qui y figure ou qui n’y figure pas ?

Nous avons aussi la question de l’armée qui divise les Ivoiriens. Nous avons une milice qui est transformée en armée nationale qui est en perpétuelle guerre contre les Ivoiriens. Et nous avons une armée nationale qui est désarmée, qui devient spectatrice de son propre rôle ; c’est-à-dire, la défense et la sécurité des Ivoiriens.

Voilà ce qui divise les Ivoiriens. Mais les Ivoiriens sont surtout divisés par la vérité sur la crise ivoirienne. Parce que, si on ignore la vérité sur la crise, il est bien évident qu’on ne peut pas guérir les maux dont souffre la Côte d’Ivoire. C’est comme le médecin qui fait un mauvais diagnostic, il fera nécessairement un mauvais traitement et la maladie va persister. Si nous ne voulons pas que la crise persiste, il va falloir que l’on sache ce qui est arrivé à la Côte d’Ivoire depuis 2002 jusqu’en 2011.

Ce qui est arrivé à la Côte d’Ivoire, c’est qu’en 2002, nous avons été attaqués. Mais jusqu’aujourd’hui, qui a armé les rebelles qui ont attaqué la Côte d’Ivoire ? Qui a financé les rebelles qui ont attaqué ? Qui a entraîné les rebelles qui ont attaqué la Côte d’Ivoire ? Qui les a convoyés depuis le Burkina Faso jusqu’en Côte d’Ivoire ? Qui les a installés dans le nord de la Côte d’Ivoire pour que, pendant dix ans, ils pillent, tuent, violent, et exploitent illégalement les richesses des zones qu’ils occupent ? Nous ne savons pas encore à quoi à servi l’argent de l’exploitation honteuse de la Côte d’Ivoire. Voilà des personnes qui n’ont pas le droit de porter des armes et qui les avaient. Par le fait même de porter des armes, ils étaient dans l’illégalité. Il s’agit donc d’une détention illégale d’arme en Côte d’ivoire pendant plus de dix ans. Voilà la réalité ! Si on ne connaît pas ces vérités là, qu’est ce qui nous dit que ces mêmes causes ne vont pas produire les mêmes effets ? Si nous ne voulons pas que la Côte d’Ivoire subisse une autre crise, si nous voulons guérir la Côte d’Ivoire de toutes les rebellions, il est très important que nous sachions la vérité sur la crise ivoirienne.

Seuls Ouattara et Gbagbo nous dirons la vérité sur la crise ivoirienne

Or il n’y a que deux acteurs ; Laurent Gbagbo qui a distribué les rôles pour organiser la résistance et à qui chacun rendait compte. Il n’y a que lui seul qui détient la vérité du côté des pro-Gbagbo. De l’autre côté, il n’y a que Ouattara qui a distribué les rôles entre tous les rebelles. Ces rebelles ayant massacré des Ivoiriens et pillé les ressources de la Côte d’Ivoire, c’est à Ouattara qu’ils rendaient compte. Il est donc l’autre pendant de la vérité de la crise ivoirienne. C’est donc ces deux sachants qui doivent s’asseoir pour nous dire la vérité sur la crise ivoirienne. Et qu’on identifie clairement ceux qui ont fait que la Côte d’ivoire se trouve dans une telle situation. Ces deux sachants peuvent nous permettre de guérir les maux, et permettre à la Côte d’Ivoire d’aller vers une véritable réconciliation qui empêchera notre pays de retomber dans la crise. Parce que, si nous savons que des pays voisins peuvent impunément abriter des rebelles, c’est à nous africains de prendre des dispositions pour que ce genre de phénomènes soit étouffés au cas où ils apparaissaient.

C’est à nous de savoir quels rôles faire jouer à la France dans les relations entre elle et l’Afrique pour ne plus que les accords de coopération militaires servent de prétexte à la France pour convoyer des armes et tuer des citoyens ivoiriens.

La rencontre Gbagbo-Ouattara passe par la libération de Gbagbo

Il est donc important que nous sachions la vérité sur la crise ivoirienne. Et cela passe par la libération du président Laurent Gbagbo, et par la rencontre et une discussion. Laurent Gbagbo n’a pas été élu par la CPI. Les Ivoiriens ont besoin d’entendre la vérité par la bouche de Gbagbo et non par la CPI. Les Ivoiriens ont besoin de lui poser des questions, ils ont besoin de comprendre ce qui s’est passé et prendre des dispositions pour ne plus que ce qui s’est passé ne se reproduise. C’est la libération de Gbagbo qui permettra de réconcilier les Ivoiriens quand tout le monde saura la vérité. Et c’est le dialogue direct qui est engagé qui permettra la libération de Laurent Gbagbo, la libération des prisonniers, le retour des exilés et la créations des conditions optimales pour un vrai débat autour de la crise ivoirienne et des solution à apporter pour aller tranquillement vers de nouvelles élections. Et aussi réconcilier les Ivoiriens autour de la constitution, autour de la liste électorale, autour du foncier rural, autour de la commission électorale indépendante, autour d’une armée républicaine, et autour d’une Côte d’Ivoire nouvelle.

Voilà pourquoi je préfère le thème ‘’ quelle opportunité d’aller vers une réconciliation durable avec le symbole Laurent Gbagbo ?’’

L’opportunité d’aller à la réconciliation avec Laurent Gbagbo, c’est d’abord et avant tout avoir devant nous, le principal acteur de la Côte d’ivoire depuis 2000 jusqu’en 2011. Si nous avons le principal acteur de 2000 à 2011, on aura en face, le principal acteur de la rébellion en Côte d’Ivoire depuis 2002 jusqu’à 2011. C’est ainsi que nous connaîtrons la vérité sur la crise ivoirienne. C’est ainsi que nous connaîtrons ceux qui ont massacré Boga Doudou, c’est ainsi que nous connaîtrons ceux qui ont tué les gendarmes de Bouaké, c’est ainsi que nous connaîtrons ceux qui ont tué des Ivoiriens à Nahibly, à Duékoué, à Guitrozon, etc. C’est ainsi que nous connaîtrons aussi ceux qui ont pillé le cacao, le café, le bois, le palmier à huile, le coton, l’anacarde, l’or, le diamant, et toutes ces richesses de notre pays. Tous ces produits qui ont été pillés pendant près de huit ans et qui continuent encore de l’être. Qu’on nous dise qui a touché l’argent et qu’est ce qui en a été fait ? Et qui a financé les armes qui ont endeuillé la Côte d’Ivoire pendant près de dix ans ?

Voilà pourquoi, chers camarades, il est important de comprendre cette crise de sorte qu’elle trouve une solution définitive. L’opportunité de la présence de Laurent Gbagbo devant les siens, au milieu des siens en Côte d’Ivoire est une idée à poursuivre.

Gbagbo, le symbole de la concertation et du dialogue

Maintenant quel est le symbole que nous voulons devant nous ? Car nous avons devant nous en Côte d’Ivoire une situation absurde. On veut installer une démocratie avec des gens qui depuis 1990 ont combattu la démocratie, les gens qui depuis 1990 ont combattu les démocrates en Côte d’Ivoire, les gens qui depuis 1990 ont mis les démocrates en prison. Voilà l’absurdité devant laquelle nous sommes. Or Laurent Gbagbo est le symbole de celui-là même qui a engagé ses compagnons de lutte et toute la Côte d’Ivoire dans un processus de transformation pacifique de la société ivoirienne du parti unique vers la démocratie. Et ce symbole de combat pacifique ne peut pas être en prison, et ceux qui ont combattu la démocratie les armes à la main sont en liberté. Cela n’est pas juste. Le symbole Laurent Gbagbo doit sortir de la prison pour que la démocratie soit, parce que c’est lui seul qui a engagé la Côte d’Ivoire sur le chemin du multipartisme et de la démocratie.

Laurent Gbagbo est aussi l’homme de la concertation. En 2002, il a accepté un mauvais accord à une guerre contre ses concitoyens ; même si ce sont des rebelles, ce sont avant tout des Ivoiriens. Il a préféré engager même des rebelles dans son gouvernement, des rebelles analphabètes qui ne savaient ni lire, ni écrire. Tout ça pour aller à la paix. Il a préféré composer avec des personnes qui n’ont même pas fini leurs études, et il a fait d’eux les premiers responsables de notre gouvernement. Mais tout ceci pour gagner la paix par le sacrifice. Il a même sacrifié son Premier ministre Affi N’guessan pour permettre à d’autres de prendre la primature de la Côte d’Ivoire. Il a sacrifié ses propres ministres pour mettre des rebelles. Il a sacrifié son propre pouvoir en cédant une partie aux rebelles. Voilà l’homme du sacrifice pour la paix en Côte d’Ivoire. Il est allé plus loin en sacrifiant la volonté du peuple en faisant de Ouattara un candidat pour la présidence de la République, alors que la constitution ne lui permet pas du tout d’être candidat . Cette constitution qui a été votée par 90% des Ivoiriens, Laurent Gbagbo a pris sur lui de transcender cette constitution au nom de la paix. Il a su convaincre les Ivoiriens pour accepter cet autre sacrifice là. Voilà pourquoi je dis qu’un tel monsieur ne peut pas être en prison et ceux qui ont sacrifié le sang ivoirien, sacrifié l’économie ivoirienne, sacrifié l’honneur de la Côte d’Ivoire soient en liberté. Cela n’est pas juste.

Libérer Laurent Gbagbo, c’est libérer la démocratie, c’est libérer la concertation, c’est libérer le dialogue, c’est le symbole Laurent Gbagbo.

Cela est d’une importance capitale, car l’on parle de crise en Côte d’Ivoire c’est parce qu’il y a eu un second tour des élections présidentielles ou la CEI n’a pas été capable de produire un procès-verbal des résultats du scrutin. Personne ne peut donner ce procès-verbal, car celui qui était en préparation reconnaissait clairement qu’il n’était pas possible de consolider tous les résultats. Et ce, parce que nous avons eu beaucoup de fraude dans la région nord de la Côte d’Ivoire. Et parce qu’il n’est pas possible de consolider tous les résultats, il convient d’envoyer tout le dossier au conseil constitutionnel pour dénouer les contentieux autour des élections. Il n’y a pas de procès-verbal, et donc la commission électorale n’a pas donné les résultats des élections du second tour de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Il faut que cela soit clair. Mais pourquoi malgré tout cela, la France, l’AFP, France 24, RFI, répètent à longueur de journée qu’il y a crise en Côte d’Ivoire parce que le président Laurent Gbagbo a réfusé de reconnaître les résultats des élections de 2010. Quels résultats ? Personnes n’a été capable de nous les montrer.

Une personne qui est en prison et qui dit qu’il y est parce qu’il a respecté la constitution de son pays, il faut que cette personne là sorte de la prison pour qu’il y ait une vraie réconciliation en Côte d’Ivoire.

Pour conclure, je voudrai dire qu’à la suite des évènements qui se sont déroulé en Côte d’Ivoire et qui continuent d’endeuiller des familles. Au nom de quelle justice Ouattara est en liberté et Laurent Gbagbo en prison ? Au nom de quelle justice Soro Guillaume est en liberté et Charles Blé Goudé en prison ? Au nom de quelle justice Dogbo,Blé, Séka Séka, Abéhi sont en prison et Chérif Ousmane, Wattao, Fofié Kouakou sont en liberté ? au nom de quelle justice 700 partisans de Gbagbo sont en prison et les chasseurs dozos et repris de justice continuent de voler et tuer les populations ? Au nom de quelle justice des milliers de mercenaires chassent des propriétaires terriens de leurs terres, les contraignent à l’exil et s’accaparent leurs biens ? Quel peuple responsable est-il capable de supporter toujours cette injustice ? La réponse par la France et de son obligé Ouattara dépend l’avenir de la Côte d’Ivoire.
Camarades, que 2014 soit l’année de la délivrance de la Côte d’Ivoire de l’injustice pour une paix durable.

Retranscrit par Jean-Paul Oro à Paris