“Laurent Gbagbo et avertit que la deuxième guerre pourrait venir de l’Ouest”

ble guirao

Le Quotidein d’Abidjan: Votre parti, l’UDPCI, s’apprête à aller à son second congrès. A quel niveau se trouvent les préparatifs ?
Blé Guirao: Merci pour l’occasion que vous nous donnez de parler à travers les colonnes de votre journal dont je salue les nombreux lecteurs au passage. Je vous informe que toutes les structuresactuelles du parti sont devenues caduques, parce que mises en place depuis un certain temps. La présidence du parti avec le président Mabri est caduque, le bureau de la jeunesse du parti est caduc, celui des femmes est aussi caduc, parce que toutes ces structures ont été mises en place il y a environ dix ans. Nous sommes fin prêts pour notre deuxième congrès qui a été tout juste décalé pour des raisons de la visite du chef de l’Etat dans le Bélier. L’UDPCI va expérimenter à cette occasion, l’organisation de trois congrès en même temps à savoir celui de l’UDPCI, de la JUDPCI et de celui des femmes du parti. Ce sera une grande première en Côte d’Ivoire. Il faut dire qu’au-delà des questions électives, nous voulons que ce congrès soit une fête de retrouvailles des militants au cours de laquelle nous allons sceller une nouvelle alliance pour aller de l’avant. Ce congrès va nous permettre également de jauger la santé de notre parti.
Lors de l’une de vos sorties, vous accusiez le RDR, votre allié, de vouloir décapiter les autres partis membres du RHDP. Allez-vous évoquer cette question à ce congrès ? 
Le 18 mai 2005, nous avons signé à Paris une plate-forme qui dit que chaque parti membre, s’il le veut, peut présenter un candidat, et qu’au second tour, les autres alliés apportent leur soutien à celui qui est le mieux placé. Jusque-là, nous avons respecté nos engagements de par la signature du président Mabri. Est-ce que dans le fonctionnement de ce pouvoir acquis grâce au concours de tous les partis politiques membres du RHDP, tout y est réglé ? Je voudrais citer Henri Konan Bédié qui disait qu’il y a des réglages à faire. Ce qui veut dire qu’il y a des choses qui ne vont pas bien. J’attire le regard de nos frères du RDR pour dire que ce n’est pas un banc présidentiel, c’est un fauteuil. C’est le RDR qui est assis dans le fauteuil, et c’est au RDR seul de poser des actes en tendant la main afin que ce pouvoir soit consolidé et que la cohésion revienne à notre sein. Ce sont ces choses que nous ne voyons pas depuis un moment et que nous avons dénoncées.
Il y a des voix au RDR qui disent que vous avez aidé juste et que vous devez attendre qu’on vous donne ce que vous méritez. 
J’ai moi aussi entendu ces choses venant du RDR. C’est en cela que j’ai parlé de cadres arrogants du RDR. Ce qui m’a gêné moi, c’est qu’à la signature de l’acte de naissance du RHDP à Paris, nous avons signé des annexes qui définissaient les modalités de partage du pouvoir. A notre retour, ces annexes n’ont pas été signées par nos 4 leaders, et je ne sais pas pourquoi. Les Ivoiriens ont eu confiance au RHDP qu’ils ont voté à 56%. Il nous appartient de ne pas donner le sentiment aux Ivoiriens que le RHDP a été une alliance formée juste pour faire partir Laurent Gbagbo du pouvoir. On aura alors trahi les Ivoiriens. Nous pensons que le ‘’vivre ensemble’’ n’est pas une utopie, il doit être des actes concrets.
Charles Blé Goudé et Jean Yves Dibopieu qui sont vos amis sont aujourd’hui en prison. Quel commentaire faites-vous ?
Je voudrais vous dire que, quand nous étions encore du côté de l’Hôtel du Golf, j’ai accordé une interview à l’un de vos confrères pour dire que Charles Blé Goudé est mon frère. Blé Goudé, Jean-Yves Dibopieu sont tous les deux mes frères. Je suis peiné qu’ils soient en prison. Je suis aussi peiné de ne pas savoir où ils sont réellement. Parce que quand on dit que quelqu’un est en prison, c’est qu’on peut lui rendre visite. Ce qui n’est pas le cas pour mes frères Blé et Dibopieu. Mais je me réjouis du fait qu’ils sont en vie. Un frère reste un frère, et je le dis honnêtement. Je le dis, même si nous avons des visions politiques contraires. Je l’ai dit au ministre de la Justice : La Côte d’Ivoire se veut un pays démocratique et de droit. Et dans un tel pays, lorsque vous reprochez des choses aux gens, vous les arrêtez et vous activez les procédures judiciaires qui conviennent. L’instruction livre ses conclusions et les prévenus passent devant les tribunaux pour être jugés, condamnés s’ils sont coupables et libérés s’ils sont innocents. Il n’est pas normal qu’on garde des gens en prison pendant des années sans jugement. Je ne suis pas d’accord avec cette façon de faire les choses. Partout où je passe je le dis. Si nous voulons être un Etat de droit, nous devons avoir une justice impartiale et fiable. Les emprisonnements de Blé Goudé et de Jean Yves Dibopieu me gênent beaucoup. Je profite de l’occasion que vous me donnez pour lancer un appel pressant au chef de l’Etat. La réconciliation passe nécessairement par la pose des actes forts.
En voulant envoyer Blé Goudé à la Haye, ceux qui gèrent ce dossier oublient qu’il a aussi une famille. Il est un leader charismatique, qu’on le veuille ou non. Ce n’est pas en l’envoyant à la Haye qu’on aura tout réglé en Côte d’Ivoire. Dans la précipitation, Laurent Gbagbo se trouve à la CPI aujourd’hui. En revenant deux ans en arrière, on a des regrets de n’avoir pas pu gérer nos affaires chez nous et entre nous. Si tel avait été le cas, la réconciliation aurait été déjà là. Il y a des actes qu’il faut poser pour nous réconcilier. Le maintien de Blé Goudé et Jean Yves Dibopieu en prison sans jugement ne fait pas partie de ces actes. Je veux lancer un appel au ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur qui fait déjà beaucoup, et qui a d’ailleurs trop fait pour que mes frères soient en vie. Parce que c’est quand quelqu’un est en vie qu’on peut le juger. On me dit qu’ils sont en résidence protégée, je souhaite plutôt qu’ils soient en prison et qu’ils soient jugés. Qu’on leur dise clairement ce qui leur est reproché. S’ils prennent 5 ou 10 ans, on saura au moins qu’ils ont été jugés et condamnés, ce qui est normal. Mais en résidence protégée, on ne sait pas vraiment où et comment ils vivent. Cela crée la spéculation. Ce n’est pas du tout bon pour la réconciliation que nous recherchons. J’ai appris que Charles Blé Goudé a perdu une de ses soeurs. C’est un acte qui n’est pas bien pour la réconciliation. Il faut qu’il y ait des actes forts de la part du président de la République allant dans le sens de la réconciliation nationale.
Si au plan judiciaire les choses trainent, ne peut pas chercher des solutions politiques pour tous les prisonniers politiques tels que Simone Gbagbo, Blé Goudé?
Le problème qui les a envoyés en prison est un problème politique.Il revient au chef de l’Etat de poser un acte essentiel à l’endroit des prisonniers afin de donner un coup de fouet à la réconciliation. On a beau promettre de fortes sommes d’argent aux régions, celles-ci ne riront jamais tant que leurs fils se trouveront en prison.
Vous avez dit que les bons moments entre des frères, c’est sur les bancs. Soro est un frère parce que vous avez fait les bancs ensemble. Lui-même est d’accord que Gbagbo soit là où il est.
Laurent Gbagbo est un aîné. C’est un monument de la lutte aujourd’hui en Côte d’Ivoire. Mais les propos que Soro tient sur Laurent Gbagbo n’engagent que lui. Mes relations avec Blé Goudé et les autres, sont les relations de lutte. Nous nous sommes connus sur le terrain estudiantin, à la FESCI. Maintenant, ce que chacun dit ou fait après n’engage que lui. La preuve, Soro a été le patron du MPCI, je n’ai pas de regard sur lui, parce que c’est son avenir comme Blé Goudé a été leader de la galaxie patriotique, comme moi j’ai été leader de la jeunesse de l’UDPCI. Je dis que les moments inoubliables sont les moments passés ensemble sur les bancs.
Quel commentaire faitesvous sur le rejet des états généraux par le président de la République lors de sa visite à Bouaké ?
Comme le disait le camarade Ahipaud Martial, nous sommes dans un dilemme. Si Laurent Gbagbo était en prison en Côte d’Ivoire, il y aurait une attitude à avoir. Maintenant qu’il est à la Haye et plusieurs de ses proches sont en prison sans jugement depuis, il ya une position à adopter. L’objectif final est que les prisonniers soient en vie et qu’ils soient libérés. Vous avez écouté le président Zuma. Il a dit : « Nous ne laisserons pas Laurent Gbagbo en prison, nous allons user de tous les moyens pour le faire sortir de là. » Je ne pense pas que la libération de Simone Gbagbo et les autres soit forcement liée aux états généraux. Il peut avoir d’autres sources. Tous les chefs d’Etat demandent qu’on n’envoie plus les chefs d’Etats africains à la Haye. Le FPI doit user de stratégies.
Depuis un moment, il est question de transfèrement de Soro Guillaume à la Haye, qu’en dites-vous ? 
Ce que je sais pour le moment, c’est le transfèrement de Blé Goudé. Mais je tiens toujours à dire que la justice ivoirienne doit aller dans tous les camps. Même de notre côté du RHDP, il faut que la justice fasse son travail. Pour que ceux qui ont une part de responsabilité dans la crise postélectorale répondent de leurs actes devant les tribunaux. Je suis pour la démocratie. Et la démocratie s’accommode avec une justice impartiale. Si de l’autre côté, il y a des personnes qui ont commis des actes, la justice doit faire librement son travail. D’un côté, on emprisonne les LMP et de l’autre, on estime qu’il n’y a rien, ce n’est pas normal.
Un jour, vous avez accusé le FPI d’être à la base de la détention de ses militants. Face à la dérive du parti au pouvoir, quelle attitude voulez-vous que le FPI adopte ?
A ce stade, nous nous trouvons dans une situation où il faut avoir des stratégies. Je sais le FPI très stratège. A un moment donné, quand vous êtes en face d’une situation, il faut adapter la lutte à cette situation. Le FPI doit réfléchir et imaginer d’autres stratégies à part les états
généraux.
Le parti au pouvoir se demande s’il libère les prisonniers, est-ce qu’ils ne viendront pas prendre leur place. Etes-vous satisfait de la gouvernance de M. Ouattara ? 
Ouattara est en train de faire de grands travaux…
Vous voulez parler de quels travaux ?
Il y a le pont, l’échangeur de la Riviera 2, l’autoroute du nord…
Sont-ce là des projets de Ouattara ?
L’histoire ne retient que ce qui est concret. Qui sait que c’est Gbagbo qui a construit l’hôpital non achevé à Angré. Le problème c’était un problème de communication. Quand on est au pouvoir, il faut communiquer sur ses actions pour qu’on sache véritablement ce que vous faites.
N’est-ce pas dans l’ordre normal des choses dans un pays organisé ? La continuité de l’Etat, qu’est-ce qu’on en fait ?
Mais alors pourquoi les gens veulent ramener les choses à la paternité. Dans ce cas ne parlons pas de paternité. Parlons plutôt de l’Etat. Je le dis encore,les Ivoiriens assistent à des travaux, mais ils ne mangent pas, ils ont faim. Le marché est cher.Il faut que le président trouve une solution à tous ces problèmes que les Ivoiriens vivent au quotidien.
Pensez-vous que l’occupation des terres villageoises à l’ouest peut concourir à la réconciliation nationale ?
Il faut d’abord remercier le président du conseil régional du Guémon, Dagobert Banzio. C’est un problème qui a été évoqué. Nous sommes tous d’accord aujourd’hui que le problème foncier est une bombe à retardement à l’ouest. Mais cela engage aussi la responsabilité de nos parents. Des frères quittent le Libéria et viennent vendre des terres. Quand ils y retournent, ils disent aux parents que les terres ont été bradées et confisquées. Des actions sont en train d’être menées par le président de la République pour protéger les terres et les biens de tous. Un état-major sera installé là-bas. La preuve, le Mont Péko est en train d’être libéré des griffes de ses occupants. Après le Mont Péko, il y a la forêt de Taï. Je le dis, la prochaine guerre de la Côte d’Ivoire risque de venir de l’ouest si la question foncière n’y est pas réglée avec le plus grand sérieux.
50.000 personnes sont encore en armes. Avec ça peut-on avoir des élections en 2015 ?
Je suis pour qu’il y ait les élections en 2015 selon la constitution. Nous avons constaté que les gens ont pris les armes dans les deux camps. Aujourd’hui l’ADDR est en train de recenser ceux qui portent encore illégalement les armes. Le président a dit qu’avant 2015, il faut que les 50.000 personnes désarment. Parce qu’elles n’ont pas le droit de porter des armes. Pour que celui qui a son arme la dépose, il faut lui trouver un emploi. Si tout le monde détient illégalement les armes, c’est une véritable menace sur la paix en Côte d’Ivoire. Comme le problème de l’ouest, ce sont là des problèmes que nous devons régler avant 2015 afin d’espérer des élections sereines.
Que pensez-vous de la politique d’endettement de Ouattara ?
Le président endette la Côte d’Ivoire parce qu’il se dit qu’il y a du travail à faire. Surtout qu’il a obtenu le PPTE.
En principe le PPTE a été obtenu pour alléger nos dettes. Mais on est encore plus endetté qu’avant.
Chaque dirigeant a sa stratégie. Comme on le dit dans le jargon, à chaque génération son combat. Chaque président qui vient, pour marquer son passage, ébauche ses propres stratégies. Sous ce pouvoir, tout ce qu’on déplore, c’est que l’argent ne circule pas. Nous souhaitons que l’argent circule maintenant afin de permettre aux Ivoiriens de manger à leur faim.
Les dispositions de la constitution sur le financement des partis politiques ne sont pas respectées. Le FPI n’a pas encore reçu son argent. Qu’en dites-vous ?
Le FPI et le PDCI avaient 800.000.000 chacun. Mais les députés ont trouvé mieux de mettre des garde-fous en demandant aux partis politiques d’avoir un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale pour avoir le financement. En ma connaissance le FPI n’a pas d’élus à l’Assemblée nationale, donc logiquement il ne peut bénéficier de financement de la part de l’Etat. Mais il pourrait réclamer les arriérés de 2010 parce que la nouvelle législature n’a pas été mise en place.
Interview réalisée par Rodolphe Flaha et Simplice Zahui
Collaboration Zio Parfait (Stagiaire
Source: Le Quotidein d’Abidjan