Les vrais enjeux cachés de ce traité que les négociateurs européens se gardent bien de communiquer à la contrepartie camerounaise
En ce moment, se trouve à Yaoundé, une délégation de l’Union Européenne pour convaincre les autorités camerounaises à signer l’accord définitif de libre échange entre le Cameroun et les 28 pays de l’Union Européenne. Le journal en ligne Médiapart rapporte les propos d’un membre de cette délégation qui donne pour acquis cette signature.
C’est la troisième fois en moins d’un mois que je reviens sur le sujet pour demander aux autorités camerounaises de ne pas commettre l’erreur mortelle de signer un tel accord.
Plusieurs spécialistes camerounais ont déjà fait de très bonnes analyses pour aller dans le même sens de supplier, d’implorer les autorités camerounaises à avoir le courage de résister à la pression que l’Union Européenne, telle un mafieux qui rançonne sa proie, pousse le Cameroun à la faute historique de perdre complètement toute sa souveraineté en signant un document qui ne présente aucun intérêt pour le peuple camerounais.
Voici quelques raisons :
1 – Pour s’industrialiser il faut s’en fermer
Dans l’histoire, il n’existe pas de pays qui ait réussi le pari de l’industrialisation sans au préalable s’enfermer sur lui-même. Des USA, à la Chine en passant par la Suisse ou la Corée du Sud où le seul fait d’acheter une berline Allemande déclenche net un contrôle fiscal. Histoire de rappeler s’il en était encore besoin qu’il faut d’abord consommer coréen. Mais pour notre analyse, c’est peut-être plus utile, le cas qu’on attend le moins en matière d’autarcie : Les États-Unis d’Amérique.
La révolution industrielle nait en Europe au 18ème siècle. En ce moment, les USA qui viennent d’avoir leur indépendance, ne sont encore qu’un pays où l’économie est basé sur l’agriculture. C’est au 19ème siècle qu’il y a la prise de conscience que, tant que le pays restera agricole, l’indépendance ne sera jamais effective. Il faut que l’industrie prenne les devants. Mais comment y parvenir ? Les Etats du Nord ont du mal à rester compétitifs face aux produits manufacturés qui arrivent surtout de Grande Bretagne. Les industriels américains, vont réussir l’exploit de convaincre le Congrès des Etats-Unis de tout simplement voter une loi portant le droit de douane sur les produits manufacturés importés d’Europe à 47%, un taux exorbitant pour l’époque lorsque sait le cout très élevé que représentait le fret maritime sur les marchandises en provenance de l’Europe qui étaient environ la moitié du produit lui même. Et en y ajoutant un taux de douane de 47%, les industriels américains savaient qu’avec cette manœuvre cela aurait doublé le prix des produits européens sur le marché américain. Et c’est ce qui va permettre à la naissance de l’industrie américaine de réussir son développement sans être perturbée par les concurrents européens. C’est ainsi qu’en 1873, pour la première fois, les USA deviennent plus riches que le Royaume Uni. Au lieu d’être un simple centre de consommation des produits manufacturés en Europe, les USA vont devenir cette ancienne colonie qui petit à petit se centre sur elle-même ayant toujours en tête de dépasser économiquement ceux qui les ont colonisés. Et ils vont y parvenir, parce que leurs industries ne souffrent d’aucune concurrence déloyale en provenance de leurs anciens prédateurs. Parce qu’ils ont fermé le marché en jouant sur le levier des taux de douane qu’un accord de libre échange aurait annulé et donc, favorisé les industriels européens aux dépends de ceux américains. Entre 1860 et 1900, on calcule qu’environ 20 millions d’Européens ont émigré vers les USA, devenus le foyer d’attraction des cerveaux pour faire fructifier leurs idées. Un brevet enregistré aux USA a alors plus de chance d’être mis en pratique. C’est dans ce contexte que l’inventeur du téléphone, l’Italien Meucci va se faire voler son brevet par Bell qui va ainsi produire et vendre pour la seule année 1900, un million de téléphone. De quoi constituer un vrai butin de guerre pour écraser tout concurrent venu d’Europe. Et c’est après la certitude de jouir d’une telle suprématie que les américains sont devenus subitement les champions du libre échangisme.
Pour revenir à aujourd’hui, il est important de signaler que c’est le plus ultralibéral qui a l’intérêt au libre échangisme. Mais contrairement à ce qu’on peut croire, le plus dangereux sur le texte que l’Union Européenne pousse le Cameroun à signer en lui intimant même une date buttoir : le 31 décembre 2013, n’est pas sur le manque de compétitivité des entreprises camerounaises, ou déferlante des produits européens sur le marché camerounais. Ce qui intéresse l’Union Européenne est ailleurs et pour l’heure reste un secret bien gardé. Nous allons voir dans les détails comment et pourquoi.
2 – L’erreur mexicaine de signer l’Alena
Lorsqu’on lit les atouts que les Accords de Partenariat Economiques (APE) représenteraient pour les pays africains, on retrouve les mêmes mots que les entreprises privées américaines avaient élaborés comme argumentaires présentés par le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique pour convaincre le Mexique à adhérer à l’accord de libre échange nord-américain dénommé : ALENA. Aujourd’hui en fin 2013, le Mexique a déchanté. Elle croyait exporter les fruits et légumes vers le vaste marché étasunien, elle a fini par comprendre que ces produits étant périssables, il n’y avait que les puissants groupes américains capables de mettre sur pied un vrai système de la production à grand e échelle à la logistique des avions pour alimenter en 24 heure toute ville du territoire américain.
Conclusion, les petits producteurs qui représentaient 70% de la population du pays, n’ont même plus eu le moindre espace, ont abandonné les villages pour les villes et des villes sans emploi vers les USA où Bush et Obama ont contribué à ériger une barrière spéciale à la frontière pour les accueillir, la fameuse “Fence Project”, la grande barrière de la frontière entre le Mexique avec ses mouchards high-tech, dont le maître d’œuvre est l’entreprise Boeing Global Security systems, qui n’est rien d’autre qu’une filiale de la division militaire de l’entreprise privée d’aéronautique : Boeing. La construction de cette barrière de 3,5 mètres de haut pour couvrir 3.500 km de frontière, a été validée par un vote du Congrès des Etats-Unis d’Amérique en 2006. Elle sera terminée en 2017, en y intégrant les systèmes de dernière génération de surveillance électronique, de vidéo terrestre et de senseurs, le tout complété par les satellites espions du Pentagone et de la Homeland Security.
Voici ce que déclarait à l’occasion de la commémoration des 10 ans de l’Alena (en 2004), le ministre mexicain des Affaires étrangères, Luis Ernesto Dérbez. « Nous ne pouvons pas appliquer un traité de libre commerce si nous ne reconnaissons pas que les deux marchés du travail, au Mexique et aux Etats-Unis sont complémentaires ».
En d’autres termes, on ne peut pas signer un accord de libre échange des marchandises sans y ajouter aussi la mobilité des travailleurs, car le principe même du libre-échangisme étant la complémentarité des économies, il n’est que naturel que les travailleurs des secteurs qui seront sacrifiés dans cette complémentarité aient la possibilité de se déplacer partout dans l’espace concerné par le libre-échange afin de faire valoir leurs compétences.
C’est ce qui fait dire au ministre mexicain qu’ils ont oublié de mettre dans l’accord le transfert de la main d’œuvre vers les USA. Car c’est bien beau de dire qu’on va aider à la compétitivité. Mais les gens ne comprennent pas vite que cette phrase veut tout simplement dire qu’on va remplacer les hommes par les machines. Et si on doit remplacer les hommes par les machines, où iront ces hommes? D’où l’idée du ministre mexicain de dire que puisque cette compétitivité a d’abord profité aux étatsuniens, il aurait été naturel qu’ils en assument pour le moins, une partie des conséquences. Au lieu de cela, c’est le Congrès des Etats-Unis qui a voté en 2006
Pour retourner au Cameroun, si demain, nous devons remplacer tous nos villageois par des machines, quel est le plan « B » du gouvernement pour demain offrir à manger à tous ces habitants qui déjà aujourd’hui luttent très dur pour leur survie ? La vérité est que l’Union Européenne a besoin de tout ce large espace dans nos villages pour installer ses grands groupes et pousser les à fuir des endroits où des avions pulvériseront des produits chimiques toute la journée pour alimenter l’Union Européenne en nourriture, mais par les grands groupes européens. En d’autres termes, relisez la leçon intitulée : « VOICI COMMENT L’AFRIQUE VA CONTROLER L’EUROPE » et vous comprendrez bien les enjeux de la nourriture pour contrôler celui qui attend de vous d’être nourri. Sauf qu’ici, avec l’accord de libre échange, ce ne seront plus les petits camerounais à s’organiser pour livrer l’Europe comme je le préconisais. Mais les Européens à venir eux-mêmes avec de très gros moyens déplacer n’importe quels citoyens de n’importe quel village. A moins que le gouvernement a prévu un Plan « C », dans l’accord, demandant aux Européens la libre circulation vers l’Union Européenne de tous ces paysans qui vont perdre leurs terres si l’accord est validé.
3 – Prestidigitation stratégique
Le chef de la délégation de l’Union Européenne a fait une annonce spectaculaire à son arrivée à Yaoundé : l’Union Européenne aidera pour rétablir la compétitivité des entreprises camerounaise avec une enveloppe record de 10 millions d’Euros, soit 6,5 milliards de FCFA. Voilà de la vraie prestidigitation stratégique. Le prestidigitateur est un acteur qui au cirque fait de la magie. Pour que son tour réussisse à vous convaincre, il doit attirer votre attention à regarder sa main droite, alors que la vraie chose que vous ne devez pas voir se passe sur la main gauche. Sur la main droite, on montre les 10 millions d’Europe pour enfumer les naïfs. Ce chiffre est 10 fois inférieure au montant que l’Union Européenne a dépensé pendant 30 ans, au titre de la Politique Agricole Commune (PAC) pour empêcher l’émergence d’une vraie filière d’élevage au Cameroun, en utilisant cet argent pour financer ses exportations de poulets congelés vendus à vil prix sur le marché camerounais, pour viser le seul but de tuer l’élevage avicole camerounais. Donc, ce montant est dérisoire. Et à combien d’industries devrait-on partager une telle enveloppe? Et pour faire quoi? Pour aider à résister à la concurrence des industries européennes demain après la signature de l’APE ? Il n’y a que les enfants de la maternelle pour croire qu’un prédateur donnera à sa proie les moyens pour lui résister. Donc, les 10 millions d’Europe c’est la diversion que l’Union Européenne a créé pour occuper les camerounais à débattre d’une inutilité sur le plan stratégique. Pendant ce temps, on ne parle pas de ce qui se passe sur la main gauche.
Les vrais enjeux pour l’UE au Cameroun sont bien tenus secrets et n’apparaissent nulle part dans le contrat. Pour les découvrir, il faut aller à Bruxelles. Là où tout est organisé et géré par un système de corruption bien enclin depuis des années appelée LOBBY, comme je décrivais dans la leçon intitulée : « L’UE EST LE TERREAU DE LA CORRUPTION. » Dans cette ville, 15.000 groupes de pression ont pris place pour piloter à distance toutes les décisions européennes. Et c’est en m’interrogeant sur l’identité des groupes qui ont mis le feu aux fesses des politiciens européens pour accélérer la signature de l’APE avec le Cameroun que j’ai pu trouver les vrais enjeux cachés de ce traité et que les négociateurs européens se gardent bien de révéler à leur contre partie camerounaise. Sur les quelque 30 groupes intéressés, voici ceux qui m’ont le plus marqué :
4 – La prédation des futurs marchés publics
Depuis que le Cameroun a mis le cap sur la Chine, il y a 5 ans, les Européens ne l’ont pas encore digéré. Alors, comme on dit en Europe, tu chasses le diable par la porte et il passe par la fenêtre pour rentrer. L’Union Européenne est passée au plan « B », pour contrer l’influence de la Chine en terre africaine et dans ce cas, en terre camerounaise. Tous les contrats sans exceptions entre le Cameroun et la Chine se font sans appel d’offre, mais de gré à gré. C’est un rapport d’Etat à Etat avec une sorte de troc, infrastructures contre minerais. Les entreprises européennes qui avant, vantaient leur connaissance des politiciens locaux pour avoir des marchés publics à des prix gonflés, se retrouvent au chômage, puisque tous les marchés sont désormais entre les mains des chinois à des vils prix. Si le Cameroun signe les accords de partenariat avec l’UE, il faudra désormais comme le prévoit la réglementation européenne, passer par un appel d’offre où les entreprises européenne pourront participer et non plus la Chine seule. Tout le monde sait que même en présentant les enveloppes des entreprises européennes qui veulent participer à l’offre de construire une route, elles ne seraient jamais compétitives par rapport aux chinoises. Mais l’UE compte sur une faiblesse qui caractérise la coopération sino-africaine. C’est le fait qu’il n’y a pas d’argent, mais un troc et s’il n’y a pas d’argent, il n’y a rien à bouffer pour le ministre qui traite le dossier. Et souvent, ce sont les mêmes ministres qui font capoter certains projets avec la Chine, puisqu’ils n’y bouffent rien. L’UE sais que ces ministres sont très réceptifs au fait de contrer les chinois, par le fait que certaines pratiques comme la surfacturation permet de mettre de l’argent dans un compte en Suisse pour le ministre qui va très vite donner son accord, même si l’offre est 10 fois supérieure à celle chinoise.
5 – Les brevets plus difficile à copier
Dans la balance commerciale du Cameroun, les médicaments représente une part très importante qui alimente le déficit du pays. Mêmes les médicaments génériques sont importés. Ce qui est une aberration. Aujourd’hui, la Chine contrôle 80% de ce qui compte dans un médicament, c’est à dire le principe actif. Et comme expliqué dans la dernière partie de la leçon 59, sur l’Occident qui devient une colonie chinoise, quelque soit le brevet qu’un grand groupe occidental dépose pour un nouveau médicament, il est obligé de se tourner vers un des trois grands groupes publiques chinois pour lui produire le médicament, puisque les seuls à même de lui offrir le principe actif pour réaliser le médicament de son nouveau brevet. N’importe qui peut dès lors savoir combien coûte la fabrication de n’importe quel médicament et comment le composer, puisque ces entreprises chinoises ont toutes les compositions de pratiquement tout médicament qui se prend dans le monde. On peut ainsi constater qu’un médicament vendu sur le marché à 50€ a affectivement couté en Chine 3 € à la fabrication. Et donc, si un pays africain s’équipe pour le produire, comme nous sommes en train de faire avec certaines mairies camerounaises, Ce même médicament pourrait être vendu au Cameroun à 4€ et non 60 € comme cela coûte aujourd’hui. Le problème reste au niveau du brevet. Et comme il n’existe aucun accord mondial pour une date butoir à partir de quand vous avez la liberté de copier le brevet de quelqu’un en matière de santé publique, comme le médicament, les pays africains auraient dans ce cas, intérêt à fixer cette date la plus basse possible. Afin de sauver les vies à moindre frais, 4 ans de protection des brevets sur les médicaments européens au Cameroun me semble raisonnable. Mais en signant l’accord de libre échange, toutes ces stratégies de contournement de l’obstacle des brevets pour offrir à nos populations les médicaments à très bas prix n’ont plus aucune valeur, puisque c’est la législation européenne qui sera appliquée dans le pays africain. Et dans ce cas, au Cameroun. L’UE demandera au pays africain d’attendre 15 à 20 ans avant de copier un brevet sur ses médicaments. C’est à dire que si un médicament vient d’arriver sur le marché et peut faire des miracles en cardiologie et coûte 150.000F CFA le paquet, plutôt que de le copier et l’offrir aux patients camerounais à 20.000F après 4 ans, il faudra attendre 15-20 ans pour le faire. Et dans 20 ans, de nouveaux médicaments seront arrivés et les démunis camerounais, morts depuis longtemps, par manque d’argent pour les soins.
Dans les négociations pour ce même Libre-échange entre le Canada et l’UE, la question des médicaments s’est invitée. Au Canada un médicament n’est protégé que pendant 6 ans, mais l’UE lui proposait 10 ans. Et comme le Canada ne voulait rien entendre, l’UE a baissé sa prétention à 8 ans. Pour comprendre en quoi cette différence de 2 ans est même de trop, Stuart Trew, a calculé que si le Canada cède, de passer de 6 à 8 ans, cet allongement de 2 ans coûterait aux Canadiens la bagatelle somme de trois milliards de dollars canadiens par an (2,2 milliards d’euros). En d’autres termes, si les canadiens doivent attendre 2 ans supplémentaires pour copier les brevets des médicaments européens cela couterait dans les caisses des canadiens la somme de 1.443 milliards de Francs CFA par an.
Dans les accords entre le Cameroun et l’UE, il n’existe aucun chapitre sur les médicaments, et donc, le parlement Camerounais ne peut pas aujourd’hui valider un accord et demain se réunir pour voter une loi autorisant les camerounais à copier les brevets européens après 4 ans de la sortie d’un médicament. Ce serait immédiatement attaqué par l’UE pour non respect d’un accord voté et donc, approuvé par ce même parlement. Si le Cameroun ne signe pas l’APE, alors, son parlement sera libre de prendre n’importe quelle décision à l’avenir, en mettant au centre le respect de la légalité internationale, mais en tirant toujours la couverture de son côté, pour permettre aux citoyens camerounais d’aller arracher avec les dents tous les brevets mondiaux qui leur paraissent utiles à développer ce pays. Car comme je l’ai déjà dit dans la leçon intitulée “LE TRANSFERT DE TECHNOLOGIE N’EXISTE NULLE PART AU MONDE”, c’est à chaque pays de le comprendre et d’aller l’arracher là où elle se trouve parce que nous sommes en guerre, une guerre d’intelligence économique où toutes les armes sont utilisées. Et ne pas le comprendre est une faute politique avant d’être une faute historique.
6 – Privatisation forcée des services publiques
Le cœur de la politique économique de l’Union Européenne est l’américanisation de la société : l’Etat ne doit être propriétaire de rien, l’Etat ne doit contrôler aucune entreprise. L’Etat doit céder ses parts partout. Dans le pays comme le Cameroun, il est évident qu’une telle signature ouvre un lendemain de la non souveraineté du Cameroun où l’Union Européenne accusera le Cameroun de concurrence déloyale parce que l’état reprend en main la gestion des fournitures électriques de la production à la distribution, devant la défaillance constaté des entreprises américaine d’abord (AES) et Britannique. La Chine et le Cameroun, par exemple ont mis 2,5 milliards de dollars sur la table en 2012 pour la construction d’une ligne de chemin de fer devant transporter les marchandises du port camerounais de Kribi pour la ville commerciale de Nyala au Soudan en traversant plusieurs pays. La gestion de ce projet une fois terminé, sera conjointement gérée par la Chine et le Cameroun. En signant l’accord de libre échange, et ce projet contrevenant à la politique de l’Union Européenne, le Cameroun doit s’attendre d’être attaqué en justice par n’importe quelle entreprise européenne qui s’estimera lésée dans la signature de ce contrat entre deux Etats, le Cameroun et la Chine. Pour savoir qu’il ne s’agit pas de la science fiction mais du réel, il faut retourner au Canada, ce pays qui met les services publics en premier plan, pour voir ce qui lui est arrivé après la signature de l’accord de libre échange ALENA avec les USA et le Mexique. D’après le décompte macabre que le journaliste Benjamin Bultel a publié dans le quotidien français l’Humanité du 27 Aout 2013, de 1994 date d’entrée en vigueur de l’ALENA et 2011, le Canada a été attaqué en justice 28 fois par les entreprises privées américaines qui lui contestent par exemple le fait que la société de production électrique qui fournit une partie de USA, Hydro-Québec est de propriété de la province du Québec, sans aucune possibilité de la privatiser. Et tous ces procès ont couté au Canada selon Benjamin Bultel, la bagatelle somme de 5 milliards de dollars canadiens, environ 3,7 milliards d’Euros, c’est à dire l’Etat du Canada a dû aller payer la somme de 2.427 milliards de Francs CFA pour aller au tribunal se justifier de maintenir ses services de base comme l’eau, l’électricité, publiques. Lorsque par exemple le Gouvernement de la province du Québec a voté une loi pour interdire la technique de la fracturation hydraulique pour extraire le gaz de schiste, le lendemain, il s’est vu présenter par un huissier, une facture de 250 millions de dollars canadiens (environ 180 millions d’euros) pour “PROFITS NON REALISES” de la succursale canadienne d’une entreprise américaine dénommée Lone Pine Resources. En d’autres termes, parce que le Canada a signé en 1994 un accord de libre échange avec les USA, et comme là-bas, l’Etat fédéral ne peut pas se permettre d’empêcher un privé d’exploiter le pétrole qui y a sur son terrain, pour la Lone Pine Ressources, le seul fait que le Gouvernement du Canada lui interdise d’exploiter le gaz de schiste avec la technique qu’elle voudrait lui a fait perdre un profit de 118 milliards de Franc CFA et menace de le trainer au tribunal (américain bien sûr) s’il ne lui verse pas cette somme.
Si le Cameroun signe l’accord, il y a des vautours européens comme par exemple VEOLIA qui privatisent l’eau dans toutes les municipalités européennes en faisant multiplier le prix par 10. Voir sur www.pougala.org dans la rubrique des vidéo, le documentaire d’une heure qui explique comment les politiciens européens se font facilement corrompre par Veolia pour privatiser l’eau de leur commune, comme à Berlin où le peuple est passé par un référendum par pour annuler les accords signés pour privatiser l’eau de la ville, mais un referendum uniquement pour savoir ce qui était écrit dans ces accords qui bien sûr restent secrets. Si les politiciens d’une ville riche comme Berlin n’ont pas su résister à la corruption d’un grand groupe privé, lorsqu’avec la signature de l’APE définitif, ils vont prendre pied au Cameroun, je ne donne pas cher la peau de plusieurs politiciens locaux qui déjà aujourd’hui pour une mission de volontariat et de patriotisme que mon équipe réalise sur le terrain à leur contact posent tout le temps la question QU’EST-CE QUE JE GAGNE DEDANS ? Et mes volontaires de leur répondre comme un refrain, “nous mêmes ne gagnons rien, c’est pour la population qu’on le fait”. S’en suit inévitablement des blocages à ne pas finir. Avec le libre échange, les vais spécialistes de la corruption qui ont élu domicile dans l’Union Européenne vont tout simplement trouver leur paradis en terre camerounaise et adieu tout service publique.
7 – Quelles leçons pour toute l’Afrique ?
Avant la signature de l’ALENA en 1994, le Canada était parti convaincu de réaliser de bonnes affaires en exportant ses bœufs aux USA, mais se retrouve ensuite pris au piège par ce qu’il n’avait pas prévu. Comme au Canada le débat à l’époque s’était naturellement concentré, sur le fait que les produits manufacturés américains allaient se déverser sur le Canada. Et les politiciens, faisant leurs calculs avaient conclu que le jeu en valait la chandelle. Mais ils n’avaient pas prévu qu’avec cet accord, ils devaient tout simplement être fagocités et avalés par les techniques prédatrices de leur voisin Etasunien. Ils n’avaient pas prévu la perversité de tout accord de libre échange selon lequel c’est le plus ultralibéral qui gagne à la fin. Dans un pays où la population est faible, il n’y a que la construction d’un Etat fort pour préserver un lendemain meilleur, une vie prospère des citoyens. Mais lorsqu’on s’engage dans un accord qui dès le début annonce les couleurs et tend naturellement vers l’affaiblissement des compétences de cet état dès lors qu’on touche au pouvoir d’achat des citoyens, alors on est parti pour s’installer encore pour longtemps dans une nouvelle forme plus insidieuse de colonisation qui ne dit pas son nom.
Parler tout court d’un accord de libre-échange entre l’Union Européenne et un pays africain comme le Cameroun est inexact. Parler d’une concurrence entre l’Agriculteur Français et Camerounais est inexact. Il s’agit en réalité d’un libre-échangisme entre un petit pays africain, le Cameroun et les mastodontes de l’économie, de l’industrie et de la finance qui ont réduit les agriculteurs européens en petits esclaves, transformé les politiciens européens en une espèce de mendiants bon parleurs. (Voir la leçon intitulée “L’Union Européenne, comme le terreau de la corruption”).
Toute la politique européenne répond à des intérêts privés de quelques grands groupes financiers et industriels dans un mélange ultralibéral très dangereux de Thatchérisme et Reaganisme. Les politiciens européens ne sont que les VRP (Vendeurs-Représentant-Placiers) de ces oligarchies qui, le système politique du suffrage universel aidant, financent la campagne électorale de ces politiciens, qui ensuite leur rendent l’ascenseur en votant des lois pour esclavagiser leurs propres citoyens, réduits en une simple machine pour payer même l’air qu’ils respirent, dans un mécanisme de pression continue pour empêcher de réfléchir et donc, de se révolter. La seule alternative laissée au citoyen est le suicide, comme le fléau qui frappe les agriculteurs dans toute l’Union Européenne.
Par exemple, en France, chaque deux jours, 1 agriculteur se suicide, poussé à bout par ces oligarques qui contrôlent tout, des engrais chimiques aux supermarchés en passant par le péage des autoroutes. C’est en tout cas ce qui ressort de la publication faite jeudi le 10 octobre 2013 par l’Institut de veille sanitaire (INVS) dans le cadre de ce que l’Institut appelle : ” le plan de prévention du suicide dans le monde agricole annoncé par le ministère de l’agriculture en mars 2011″. Et d’après ce rapport, la toute première étude officielle sur ce sujet très tabou en Europe sur le suicide des agriculteurs, un agriculteur se suicide tous les deux jours en France. Ce sont ainsi, près de cinq cents suicides d’agriculteurs qui ont été enregistrés de 2007 à 2009. Durant cette période ce sont 417 hommes et 68 femmes qui se sont suicidés, parce que le fruit de leur travail ne permettait même pas de rembourser les dettes que le système les a contraints à contracter, pour, soi-disant, améliorer leur compétitivité, par l’achat de machines très couteuses. Alors qu’en même temps ces mêmes oligarques (supermarché) payent à un prix très bas, fixés et imposés par l’acheteur, leur lait ou de leur viande.
8 – Conclusion
Si le Cameroun signe un pacte de libre échange avec un système si perverti par l’argent et le virus de la domination permanente, ce sera une manière de se mettre lui-même la corde au cou.
Tous les contrats signés avec la Chine de la construction automobile à la fabrication des bateaux porte-conteneurs sont mis en veille. L’issue désastreuse du compromis sur le deuxième pont sur le Wouri dont le démarrage a été lancé la semaine dernière par le Président Biya, montre bien à quel sauce le Cameroun sera bientôt mangé, si par malchance, le gouvernement camerounais et le parlement à peine voté, devaient céder aux sirènes des VRP européens.
Il me plait de conclure avec ce proverbe de l’ethnie MBO du Mungo au Cameroun, “Chaque marigot a son crocodile”. Devant le marigot de l’APE final que l’Union Européen nous invite à signer, il m’a semblé important de montrer à ma manière, tous les crocodiles qui se sont cachés sous l’eau expressément trouble de cet accord, pour que personne ne se justifie jamais d’avoir hypothéqué l’avenir des enfants du Cameroun par ignorance ou par naïveté. Maintenant, vous le savez tous. Que décidez-vous de faire ?
Yaoundé le 20/11/2013
Jean-Paul Pougala
(*) Pougala est un Pousseur (pousseur un jour, pousseur pour toujours). Il enseigne “Géostratégie Africaine” à l’Institut Supérieur de Management (ISMA) à Douala. Et directeur de l’Institut d’Etudes Géostratégiques (IEG) de Yaoundé au Cameroun