Les derniers arguments de Me Altit et de Fatou Bensouda
L’on s’achemine en effet vers la fixation d’un nouveau calendrier concernant l’affaire ” le Procureur c Laurent Gbagbo ”, en son volet portant sur la confirmation ou non des charges retenues contre l’ancien président ivoirien. A la date du 03 juin 2013, la Chambre préliminaire I avait rendu une décision ajournant l’audience de confirmation des charges, au motif que le Procureur n’avait pas apporté suffisamment de preuves pour soutenir ses accusations.
Fatou Bensouda s’était alors vu accorder un délai supplémentaire devant lui permettre de bétonner son dossier à charges contre Laurent Gbagbo. Un calendrier qui courait jusqu’au mois de février 2014 a été adopté pour la communication des éléments de preuve et le dépôt des conclusions des parties.
Ainsi le 15 novembre 2013 constituait la date limite à laquelle le Procureur devait présenter un document modifié de notification des charges, un inventaire modifié des éléments de preuve et la version mise à jour des tableaux présentant l’ensemble des éléments constitutifs des crimes. Ce même 15 novembre 2013 était la date limite pour la défense de présenter d’éventuelles propositions d’expurgation. Le 9 décembre 2013, la défense devait convenir avec le Procureur, d’un lieu et d’une heure pour l’inspection de toute pièce relevant de la règle 78 du Règlement de procédure et de preuve. Le 16 décembre, date limite pour la défense de présenter des observations sur les éléments de preuve présentés par le Procureur, communiquer à celui-ci les éléments de preuve qu’elle entend présenter, et le cas échéant déposer l’inventaire modifié de ses éléments de preuve. Le 24 janvier 2014, date limite pour le Procureur et les victimes pour déposer leurs conclusions finales en réponse à la défense ; et le 07 février 2014, date limite pour la défense de déposer des conclusions finales en réponse aux observations du Procureur et des victimes. Ce calendrier, que nous avons pu consulter dans un document officiel hier, ne tient plus. En tout cas, plus après que le Procureur Fatou Bensouda, qui a fait partiellement appel de la décision du 03 juin dernier portant ajournement de l’audience de confirmation des charges, a déposé des documents de preuves auprès de la Chambre préliminaire I comme cela lui avait été demandé. « Le Bureau du Procureur avise la Chambre préliminaire I de la divulgation, le 4 novembre 2013, de huit (8) documents contenant des preuves contre le prévenu Laurent Gbagbo (…) Une copie de ce document a été remis à la défense (…) Les éléments de la défense ont été mis à jour avec les fichiers (OCR) de tous les documents divulgués entre le début du mois d’août 2013 et le 3 Octobre 2013 », lit-on dans une note signée de Fatou Bensouda et publiée le mardi 05 novembre dernier sur le site officiel de la Cour pénale internationale (CPI). Un autre document publié sur le même site à la même date, celui-là signé de l’avocat de Laurent Gbagbo, Me Emmanuel Altit, se veut une réponse à une requête de Bensouda.
Altit d’accord avec Bensouda mais…
On y apprend en effet avec l’avocat de Laurent Gbagbo, que la Procureure Bensouda sollicite auprès de la Chambre une prorogation du délai de dépôt de son document à charges. « Le 28 octobre 2013, compte tenu du fait que l’appel est toujours pendant, le Procureurdéposait une requête en prorogation de délai pour être autorisé à ne déposer un DCC(document à charges) éventuellement modifié, un inventaire, éventuellement modifié, des éléments de preuve et laversion, éventuellement mise à jour, des tableaux présentant l’ensemble des élémentsconstitutifs des crimes, que deux semaines après que la Chambre d’appel aura rendu sadécision sur l’appel de la décision d’ajournement », lit-on dans la réponse de Me Altit.L’avocat de Gbagbo estime que la demande présentée par le Procureur est acceptable, dans la mesure où il attend une décision de la Chambre d’appel qui pourrait modifié sa ligne de conduite.
« Mais ce qui est vrai pour le Procureur l’est aussi pour la défense : il doit être donné àla défense le temps d’analyser le nouveau DCC du Procureur, sa nouvelle « ligne deraisonnement », de mener les investigations nécessaires pour pouvoir répondre aux allégationsdu Procureur. De cette manière, la défense pourra soumettre à la Chambre tous les élémentsdont la Chambre doit pouvoir disposer afin de se prononcer de façon éclairée. Il en va durespect de l’esprit de la procédure de confirmation des charges, de la validité et de l’équité dela procédure en général », écrit-il. Il rappelle que le 03 juin dernier, les juges avaient souligné « l’état d’impréparation duProcureur et son manque de sérieux dans sa façon de présenter des éléments au soutien de sonargumentation. Il est donc crucial qu’une véritable discussion puisse s’engager portant sur laqualité de la preuve du Procureur, le caractère convaincant ou non des éléments qu’ilprésentera et sur la crédibilité de ses témoins.
A défaut, il n’y aurait pas de véritable débat sur l’inconsistance possible du dossier duProcureur, ce qui aurait des conséquences graves sur la suite de la procédure », fait valoir Me Altit, invitant la Chambre à tirer toutes les conséquences d’un report de la date de dépôt par le Procureur du DDC et à modifier les dates préalablement fixées le 03 juin, puisque celles-ci dépendent de la date de dépôt du document modifier des charges. « (…) mais encoredevrait-elle prendre en considération le fait que les délais prévus le 3 juin 2013 ne sont plusréalistes notamment du fait du nombre considérable de documents transmis par le Procureur àla défense (1822 du 5 juillet 2013 au 5 novembre 2013), ce qui réduit sa capacité d’action.
Or,la défense doit préparer au mieux la suite de l’audience de confirmation des chargesnotamment en analysant avec le plus grand soin la nouvelle argumentation du Procureurexposée dans son DCC modifié et en examinant avec la plus grand rigueur les éléments depreuve présentés au soutien de cette nouvelle argumentation ».
La Défense, selon Me Altit, ne s’oppose donc pas à la requête du Procureur, mais « (…) les délais doivent êtrerevus et les dates fixées par la Chambre préliminaire le 3 juin 2013, décalées. Surtout, ladéfense doit être placée en position de participer activement à la procédure et pour cela doit sevoir accorder le temps nécessaire à une véritable analyse de la situation juridique telle queproposée par le Procureur dans son nouveau DCC et le temps nécessaire à de nouvelles investigations portant sur les preuves présentées par le Procureur en fonction de sa nouvelleligne de raisonnement adoptée après qu’il aura analysé la décision à intervenir de la Chambred’appel.(…) Ainsi, ne pas accorder à la défense de prorogation de délai empêcherait la défense deprésenter des éléments utiles à sa défense et constituerait une violation du droit du présidentGbagbo à un procès équitable et du principe de l’égalité des armes, tels que rappelés dans denombreux instruments de droit international des droits de l’homme », argumente Me Altit.
Hamadou ZIAO