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Le président ivoirien SEM. Alassane Ouattara et son homologue burkinabé SEM. Blaise Compaoré

(Le Nouveau Courrier, 19 – 20 octobre 2013) – Pour contourner l’embargo contre les armes qui continue de frapper la Côte d’Ivoire, le régime Ouattara a mis en œuvre un certain nombre de subterfuges, avec la complicité hypocrite de la France, ancienne puissance coloniale qui avait pourtant tout fait pour que – sous Gbagbo – la Côte d’Ivoire soit privée du droit de se défendre.

Le dernier rapport des experts de l’ONU chargés de surveiller cet embargo fournit aux observateurs un certain nombre d’informations précises sur les méthodes utilisées par le pouvoir pour s’armer illégalement. Sans surprise, c’est – notamment – le Burkina Faso de Blaise Compaoré qui sert d’intermédiaire à ce qu’il ne faut pas hésiter à appeler par son nom : un trafic d’armes illégal. Le procédé est simple : le régime du tombeur de Thomas Sankara importe des armes de pays étrangers et fournit aux marchands d’armes le certificat d’utilisateur final, sans lequel aucune transaction légale ne peut se faire. Par la suite, violant sa parole consignée sur ledit certificat, il envoie à son complice d’Abidjan les armes dont il a besoin pour mater sa population en cas de révolte éventuelle. «Les 19 et 24 avril, le Groupe intégré de contrôle du respect de l’embargo de

l’ONUCI a découvert à Danané et Sinématiali, respectivement, des lance-grenades AM-600 (37-38 mm) et AM-640 (40 mm) non létaux (…) et des munitions connexes fabriquées par l’entreprise Condor Non-Lethal Technologies, enregistrées au Brésil. Certaines de ces armes et munitions portaient des marques indiquant qu’elles avaient été fabriquées en août 2012 (…) Le 13 septembre, les autorités brésiliennes ont informé le Groupe d’experts que les armes et munitions non létales susmentionnées avaient été vendues en 2012 au bureau de l’état-major particulier de la présidence du Faso. Le contrat de vente était assorti d’un certificat d’utilisateur final précisant que toute réexportation devait être autorisée par les autorités brésiliennes», peut-on lire dans le rapport des experts onusiens. Des experts qui ont aussi constaté que les FRCI disposaient de chargeurs neufs pour leurs fusils AK-47, jamais vus en Côte d’Ivoire. Sans pour autant établir d’où ils venaient…

Les comzones continuent d’irriter…

Cité pour la énième fois par des enquêteurs onusiens, le Burkina Faso de Blaise Compaoré, qui joue avec zèle le rôle de l’Etat-voyou allié de ce que l’on appelle la «communauté internationale», sait qu’il ne risque absolument rien, tant qu’il combat pour des intérêts convergents avec ceux d’une puissance membre permanente du Conseil de sécurité de l’ONU. Le rapport des experts onusiens, officiellement daté du 14 octobre dernier, raconte aussi les différentes manœuvres du régime Ouattara pour acquérir un MI-24 ou faire fonctionner celui que la France a détruit en novembre 2004 – sous ses applaudissements zélés, on s’en souvient ! Ouattara possède également des munitions fabriquées au Soudan, pays officiellement honni par les puissances occidentales qui soutiennent le pouvoir ivoirien. Le rapport de l’ONU montre quelques signes d’impatience à propos de « l’expansion du pouvoir des chefs des anciennes Forces nouvelles, dont aucun «n’a encore été inculpé pour les crimes commis entre 2002 et 2011». Ces comzones bloquent le désarmement et continuent d’entretenir des miliciens «non immatriculés» dans le but de servir «leurs propres intérêts financiers, militaires et politiques». Bien entendu, personne en Côte d’Ivoire ne s’en étonnera. Une fois n’est pas coutume, les enquêteurs onusiens ont oublié de «coller» des actes délictueux à des proches du président Laurent Gbagbo – qu’ils avaient osé décrire, pince-sans-rire, comme des alliés des islamistes maliens. Cela dit, ils invoquent toujours des trafics de diamant ivoirien auxquels seraient mêlés des pro-Gbagbo en exil au Ghana jamais cités. Quand on sait que l’ensemble des parcelles d’extraction de diamant se trouvent uniquement dans la zone contrôlée depuis plus de onze ans par les comzones alliés de Ouattara, on se demande au nom de quelles connexions fumeuses des opposants exilés peuvent participer à la vente de ces gemmes. Mais il faut bien fournir au bureau du procureur auprès de la CPI des accusations aussi vagues que floues afin de maintenir en détention aux Pays-Bas le premier président de la Deuxième République ivoirienne.

Par Philippe Brou