(La Lettre du Continent) – Le patron du Quai d’Orsay, Laurent Fabius, a dû se plier à la mauvaise humeur de la présidente libérienne, Ellen-Johnson Sirleaf, envers Paris pour nommer le nouvel ambassadeur de France à Monrovia. Révélations.
Malgré les discours de “rupture” avec son pré-carré africain, la France n’a jamais fait du Liberia une de ses priorités. Sans la présence de certains groupes hexagonaux (Michelin, Bolloré…), cet Etat aurait pu sans difficulté rejoindre, aux côtés de la Sierra Leone, de Sao Tomé, du Malawi et de la Gambie, la liste des pays du continent où Paris a décidé, fin août, de fermer ses ambassades suivant le “plan de rationalisation” cher à Laurent Fabius. Reste que cette indifférence semble de plus en plus irriter Ellen Johnson-Sirleaf. Tout avait pourtant bien commencé depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir. Reçue en novembre 2102 à Paris, la présidente libérienne avait naturellement renvoyé la pareille à son homologue en le conviant à Monrovia, invitation officialisée par une lettre en bonne et due forme adressée à l’Elysée un mois plus tard. Mais depuis cette date, aucune réponse – pas même négative – n’a été retournée à la Prix Nobel de la paix 2011. Pour ne rien arranger, Paris a apporté une fin de non-recevoir à une demande d’ouverture d’une antenne consulaire dans ce pays – pour se rendre en France, les Libériens doivent se présenter plusieurs fois au consulat d’Abidjan distant de 750 km. Mieux : faute de liaison aérienne directe, ils doivent passer par Accra !
Pour marquer son mécontentement, Ellen Johnson-Sirleaf a donc refusé d’accréditer Roland Bréjon, 63 ans, comme ambassadeur de France. Nommé en conseil des ministres début 2013 alors qu’il se trouvait en poste au Togo, celui-ci avait déjà préparé son paquetage pour ce qui s’annonçait comme son ultime mission. Les mois ont passé. En mai, le diplomate n’était toujours pas fixé sur son sort. En juin, sa nomination a été tout simplement annulée, les autorités libériennes exigeant un profil plus jeune. Laurent Fabius s’est exécuté en désignant Joël Godeau, âgé de… 59 ans. Ce dernier a pris ses fonctions fin août. Selon nos informations, Roland Bréjon devrait rejoindre l’ambassade de France à Kaboul, une destination de son choix que le Quai d’Orsay n’a pu lui refuser. Pour la petite histoire, il s’agit de l’un des postes actuellement les plus onéreux pour la diplomatie française (protection rapprochée, véhicule blindé, primes de risque, etc.). Comme “politique de rationalisation”, on a vu mieux…