(La Lettre du Continent, 18 septembre 2013) – Ne rien lâcher ! Encore traumatisé par la perte de son fauteuil présidentiel en décembre 1999, Henri Konan Bédié “HKB” est déterminé à s’accrocher aux derniers lambeaux de sa grandeur passée.
A presque 80 ans, le Bouddha de Daoukro se découvre une nouvelle jeunesse. Ne craignant pas d’enfreindre les statuts de cette formation, il vient de se porter à nouveau candidat à la direction du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), qu’il a pourtant largement contribué à affaiblir ces dernières années. Plusieurs barons entendent toutefois lui ravir son totem. La question sera tranchée lors d’un prochain congrès d’ores et déjà annoncé comme épique.
Schisme en vue. Candidats à la direction du parti, trois ténors du PDCI ont la ferme intention de déboulonner la statue du Commandeur lors du 12e congrès organisé, du 3 au 5 octobre, au Palais des sports de Treichville. Ces personnalités – l’actuel secrétaire général Alphonse Djédjé Mady “Adma“, le patron des jeunes Kouadio Konan Bertin “KKB” et le membre du bureau politique Kouassi Yao, ancien secrétaire général de la présidence sous Bédié – contestent le droit à l’ex-chef d’Etat de se représenter en raison de la limite d’âge. D’ores et déjà, ils ont mandaté des avocats pour tenter de torpiller sa candidature. Depuis plusieurs semaines, ces contempteurs ont observé de nombreux ralliements, à commencer par celui de Georges Ouégnin. L’ancien directeur de protocole du père de l’indépendance a décidé de mettre ses puissants réseaux au service d’Alphonse Djédjé Mady. Pour sa part, KKB, dont les bureaux de Cocody viennent d’être curieusement cambriolés, s’appuie sur ses connexions franc-maçonnes pour tenter de l’emporter. A supposer que HKB réussisse son putsch, ces contestataires devraient multiplier les recours en justice. Bien que rivaux aujourd’hui, ils pourraient aussi envisager de s’allier pour créer une mouvance dissidente.
“J’y suis, j’y reste !” Entre deux bouffées de Havane, une gorgée de cognac ou une coupe de champagne Trouillard, HKB a déjà fourbi ses armes. Dans l’impossibilité de modifier les statuts du PDCI à un mois du congrès (un tel changement supposait d’informer le ministère de l’intérieur trois mois à l’avance), l’ancien président a préféré se tourner vers les militants pour se rendre incontournable.
Mi-août, un conclave de tous les secrétaires généraux de section du PDCI a été organisé de manière inopinée à Yamoussoukro. Quelques jours plus tard, la réunion des 156 délégations départementales lui a permis de tester sa légitimité. Juriste du parti, l’ex-premier ministre Jeannot Ahoussou Kouadio était à la manœuvre pour élaborer cette stratégie. Résultat : 152 délégations ont approuvé la candidature de Bédié en dépit du non-respect des textes fondateurs du parti. C’est dire si, depuis son fief baoulé (centre), HKB se délecte des gesticulations de ses adversaires. Pour lui, le rendez-vous d’octobre s’annonce d’autant plus comme une formalité qu’il a été verrouillé par ses hommes, tel Maurice Kakou Guikahué, patron du comité d’organisation.
La présidentielle en ligne de mire. En toile de fond de ce congrès se joue surtout une guerre de succession dans la perspective de la présidentielle de 2015 face à Alassane Ouattara. Pour Bédié, la volonté obstinée de barrer la route de ses dauphins vise essentiellement à préparer son propre neveu, Gnamien N’Goran, à cette échéance. Ce dernier, ancien ministre impopulaire de l’économie et des finances et actuel inspecteur d’Etat, pourrait récupérer les rênes du parti une fois mis en orbite par son oncle. Reste que, s’il venait à se confirmer, ce scénario provoquerait un séisme plus grave encore. Outre les actuels contestataires, plusieurs autres personnalités tendent à se positionner dans le cadre du prochain scrutin présidentiel, voire de celui de 2020. C’est le cas de Gaston Ouassenan Koné, président du groupe parlementaire PDCI à l’Assemblée nationale, d’Emile Constant Bombet ou de Thiémélé Amoakon Edjampan. Président de la Commission dialogue vérité réconciliation (CDVR), Charles Konan Banny convoite aussi le palais. Comme pour mieux se préparer, il n’envisage d’ailleurs pas de se faire reconduire à la tête de cette commission.