« Au cœur de ce complot il y a des personnes qui sont à Abidjan qui ne supportent pas la liberté de ton et de critique que je m’autorise »

doumbiamaj

Exilé en France depuis plusieurs années, le Docteur Soumaïla Doumbia plus connu sous le nom de Doumbia Major est président du Congrès Panafricain pour le Renouveau (CPR) – parti politique. Cet ancien membre de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire né à Gagnoa avait été retrouvé du côté de la rébellion en septembre 2002. C’est suite à une mésentente avec Ibrahima Coulibaly alias « IB » que Dr Doumbia Major allait définitivement rompre avec les ex-rebelles. C’est cette autorité politique ivoirienne avec résidence officielle en France qui avait été interpellé à Brazzaville, en République du Congo, pour des activités subversives. Pour vous Afriquessor.com l’a rencontré dès son retour sur sa terre d’asile, la France.
L’interview:

Afriquessor.com : Dr. Doumbia Major, vous avez été arrêté, le samedi 31 août 2013 au Congo-Brazzaville par la Direction de la surveillance du territoire (DST) de ce pays pour des supposées activités subversives. Quelles étaient les raisons de votre présence dans ce pays ?

Dr. Doumbia Major : Vous faîtes bien de parler de supposées activités subversives, car en réalité il n’en est rien. Les autorités congolaises ont été simplement tristement manipulées par des personnes tapis dans l’ombre, qui sont à Abidjan et qui ont leurs connexions au Congo où j’ai des activités économiques, à savoir deux magasins dans le secteur de la bureautique-papeterie et de la librairie, avec une société dénommée FranceBurotik qui vend des produits de bureautique de fabrication française en Afrique.

Les Saint Thomas et les plus curieux qui veulent voir à quoi ressemble ces activités, peuvent aller s’en rendre compte sur le site internet www.franceburotik.com où ils verront les photos de l’un de mes établissements sur notre site qui était en construction au moment de mon arrestation.

Pouvez-vous nous raconter les moments difficiles que vous avez vécus à Brazzaville ?

Pour vous donner un tableau rapide de la situation, il faut juste dire que mes ennemis ont ourdi un complot rocambolesque contre ma personne, en s’en servant comme prétexte pour me faire arrêter. Leur but était de me livrer aux autorités ivoiriennes et expulser mes trois frères qui sont des opérateurs économiques, sous prétexte que nous étions des mercenaires qui planifiaient des activités subversives contre le régime congolais et contre le régime au pouvoir en Côte d’Ivoire.

La réalité est que toute cette histoire rocambolesque est fausse ; ma famille et moi-même, nous nous sommes retrouvés victimes d’un complot savamment planifié, qui a tourné autour d’un jeu d’intérêts croisés.

Au cœur de ce complot il y a des hommes d’affaires qui entretiennent des rapports opaques avec la police congolaise et qui ont tout intérêt à s’opposer à nos activités économiques au Congo,  et de l’autre côté il y a des personnes qui sont à Abidjan qui ne supportent pas la liberté de ton et de critique que je m’autorise et qui voulaient simplement qu’on me livre à eux, comme on a livré la tête de Cicéron à Marc-Antoine et à Fulvie lors du triumvirat Romain.

Au niveau des autorités congolaises,  si on peut dire de façon pudique qu’elles se sont laissées manipuler de bonne foi en croyant à la version donnée  par nos ennemis et confirmée par des individus qui sont à Abidjan, il est évident qu’il y a eu des complicités à un très haut niveau, puisque malgré les éclaircis que nous avons apportées, avec l’appui des journaux et la mobilisation exemplaire de la société civile qui s’est indignée de ces accusations farfelues, mes frères et moi-même avons tout de même été expulsés.

L’un de mes frères a même été expulsé  à Abidjan avec un billet qui portait le nom Doumbia Major, et qui avait été acheté depuis le 2 septembre. Tout ceci démontre que le plan de mon extradition sur Abidjan avait été ourdi depuis longtemps.

Il faut dire que nous avons eu beaucoup de chance que l’affaire se soit ébruitée et que nos compatriotes et des amis à l’étranger se soient indignés, car l’objectif était soit de nous expulser tous vers Abidjan, soit de nous prendre au secret et de nous faire disparaître pour faire plaisir à nos ennemis.

Que répondez-vous à toutes ces personnes qui vous qualifient de recruteur de mercenaire ?

C’est une presse qui a décidé de se mettre aux ordres de personnes aux intentions lugubres qui sont impliquées dans le complot macabre fomenté contre ma personne et dont l’objectif n’était que de préparer les consciences à l’acceptation du scénario de mon arrestation. Vous avez pu constater par vous-mêmes que du Côté d’Abidjan on avait même fait croire que j’étais le chef d’un réseau d’officiers en fuite et que j’avais des connections avec des Pro-Ib en exil que j’avais réussi à fédérer contre le pouvoir en place en Côte d’Ivoire. Le terrain avait été préparé et il ne restait plus qu’à mettre en musique l’orchestration diabolique.

Quand vous lisez certains journaux d’une certaine obédience qui m’accusent d’être en complicité avec des colonels ou d’autres déstabilisateurs que je ne connais ni d’Adam ni d’Ève , tout ceci démontre qu’il y avait un plan bien ficelé et qu’on a même préparé les articles de presse pour amener l’opinion à l’acceptation de mon assassinat ou de mon arrestation prolongée et arbitraire.

C’est vraiment dommage, mais tous les ivoiriens savent qu’hormis mes critiques que je fais dans le cadre de mon combat démocratique qui s’inspire de mon envie effrénée de justice, je suis loin d’être un mercenaire international et très loin d’être un recruteur de ce type de personnes. Je crois que les gens se font peur pour rien, car ce profil qu’on veut me faire endosser ne saurait être le mien. Je suis un universitaire et un homme d’affaire honnête, un politique et un militant des droits démocratiques. J’écris des livres quand je m’ennui et  je suis tout simplement quelqu’un qui prend des positions contre ce que je considère comme de l’exploitation et des abus de droit, je soutiens l’exclus, la veuve et l’orphelin, j’ai une vision claire du développement et de l’unité nationale que je veux pour mon pays, mais je ne suis pas un mercenaire.

Quels étaient les motifs de vos différents voyages en Guinée-Conakry et au Togo, en République démocratique du Congo (RDC) et au Congo-Brazzaville où vous été enfin arrêté ?

Je suis surpris de lire ce genre de stupidités. Je ne me suis jamais rendu de ma vie en Guinée Conakry ; je n’ai jamais mis les pieds en RDC de toute ma vie et les pages de mon passeport sont là pour l’attester. Quant au Togo, je ne me souviens même pas de la dernière fois où j’y ai mis les pieds tellement il y a longtemps que je m’y suis rendu. Je crois que les autorités congolaises, qui ont eu accès à mon passeport, ont pu le constater par elles-mêmes ! Il ne faut pas croire un seul mot de toutes ces stupidités qui se racontent et qui sont véhiculées par mes ennemis, aussi nombreux et puissants qu’ils soient. D’ailleurs je suis en train de m’organiser pour porter plainte contre le journal « le jour plus », pour diffamation.

Comment vous sentez-vous après cette épisode de Brazzaville ?

majorJe suis quelqu’un d’endurant, de patient et de déterminé. Je sais ce que je veux pour mon pays et ce n’est pas ce type de petits complots lugubres où des mensonges et diffamations qui fléchiront ma détermination à me battre pour plus de justice, plus d’égalité et qui m’amèneront à me détourner de mon combat pour une redistribution équitable des ressources collectives. Mon combat est un combat pour la démocratie et ce n’est pas ces évènements de Brazzaville qui pourront altérer ma détermination. Je me sens prêts et apte pour le service ! C’est pourquoi je dis la lutte continue !

De toutes les façons, j’ai appris une chose pendant ces vingt ans et plus d’expérience dans la lutte syndicale et politique, c’est qu’on ne lance des pierres  qu’à l’arbre qui porte des fruits !

Avez-vous des nouvelles de vos trois frères extradés à Abidjan ?

Ils ont été interrogés et laissés libres.  Ils ont du se rendre compte par eux-mêmes que celui d’entre eux qui a voyagé avec le billet air-côte d’Ivoire portant le nom Doumbia Major, me ressemblait simplement et que ce n’était pas moi. Je voudrais en profité pour remercier le ministre de la sécurité intérieur qui a veillé à ce que rien de grave ne leur arrive et j’ai été informé que ses services ont évité de s’ingérer dans ce jeu obscure orchestré par des personnes qui veulent instrumentaliser les services de l’état pour se livrer à des règlements de compte. La sécurité de mes frères est entre les mains du gouvernement ivoirien et je ne me fais pas de souci pour ça, car je suis convaincu qu’il ne leur arrivera rien.

Que faisaient vos frères sur le territoire congolais ?

Mes frères sont des opérateurs économiques qui sont installés dans ce pays depuis 2005 pour l’un d’entre eux qui était le directeur de la librairie de France de Yopougon-Kouté qui a vu sa librairie saccagée en 2002 lors des manifestations anti-françaises. Ils ne s’intéressent pas à la politique ! Ce sont des hommes d’affaires, il y a un qui est économistes, un qui est expert en informatique appliquée à la gestion et le plus jeune est comptables de formation.

Croyez-vous encore à la prise du pouvoir d’État par les armes à Abidjan ?

C’est la paix que je souhaite pour mon pays et ce que je sais, c’est que la paix ce n’est pas l’absence de guerre qu’on obtient par la suprématie militaire d’un camp sur un autre. Les rapports de force militaires étant changeants, il est mieux d’obtenir la paix par le dialogue démocratique que de l’imposer par la force et l’usage de la violence d’état. C’est pourquoi j’invite les uns et les autres au pardon et à la réconciliation sincère. Il faut qu’on ait le courage de bâtir un avenir commun, en surmontant notre passé douloureux. Un certain nombre d’autorités politiques agissent déjà dans ce sens, il faut un effort collectif et sincère. C’est, de mon point de vue, l’unique voie indispensable pour la paix et le développement !

Que vous inspire la réconciliation des Ivoiriens engagée depuis juillet 2011 par le Président de la République, vous y croyez ?

Je suis sceptique au regard de certains  actes que je vois. Je vois qu’il y a de nombreux calculs politiques et économiques que font certains protagonistes qui n’ont aucun intérêt à voir les fils de notre pays se réconcilier. Je vois qu’au lieu de poser des actes d’unité et de réconciliation, certains individus qui sont des leaders, ne font que renforcer  les divisions et clivages dont ils tirent des bénéfices politiques et des dividendes économiques, sous formes de privilèges. Tout ça n’augure pas d’un avenir de paix et de réconciliation. Quand je vois la traque dont certains individus sont victimes, sous des orchestrations et prétextes mensongers, comme c’est le cas actuellement avec moi-même, je me pose des questions sur la volonté réelle de réconciliation de certains acteurs politiques.

Votre dernier mot.

Après tout ce que je viens de vivre, et au regard des réactions grâce auxquelles les autorités congolaises ont été contraintes de me libérer, je voudrais dire merci aux nombreux compatriotes de tout bords qui ne m’ont pas lâché ! Je dis merci aux démocrates africains qui se sont mobilisés pour moi ! Je remercie les services des affaires étrangères de mon pays de résidence qui ont envoyé l’ambassade prendre de mes nouvelles ! Je remercie aussi les autorités qui veillent sur mes frères et sur ma famille à Abidjan. Merci à mes amis journalistes, d’Afrique, d’Amérique, d’Europe et d’Australie qui ont alerté sur mon arrestation.

A mes amis et sympathisants je voudrais leur demandé de ne point se laisser ébranler par cet évènement. Ils doivent retenir que je suis un homme qu’aucune intimidation ne peut fléchir la détermination et la droiture. Je voudrais leur demander d’être patients et endurants en leur disant ceci : supportons les épreuves avec stoïcisme et dignité, car la victoire dans le combat pour la démocratie n’est pas une destination, mais un voyage dont le parcours est semé d’embûches.

Je vous remercie

Interview réalisée par Simplice Ongui