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(Lettre du Continent, 4 septembre 2013) – Décloisonner la politique africaine de la France en “multilatéralisant” au possible ses actions, tel est l’objectif que s’est assigné François Hollande d’ici fin 2013. Sur fond de visite en Afrique du Sud à la mi-octobre – seul BRICS dans lequel il ne s’est pas encore rendu -, le chef de l’Etat français doit poser une série d’actes propices, du moins sur le papier, à une évolution du modus operandi de Paris sur ce continent. Reste à dépasser les bonnes intentions dans ce domaine miné depuis des décennies par les réformes et les promesses de transparence sans lendemain. Décryptage.

Adieu sommets Afrique-France ! Début décembre, le “Sommet de l’Elysée sur la sécurité et la paix en Afrique” entend dépoussiérer les sommets Afrique-France. Déclinée sur deux jours, cette conférence panafricaine organisée à la présidence française et au ministère des affaires étrangères abordera trois thèmes : paix et sécurité, économie et climat. Une fois encore, le projet de l’Elysée est de faire monter en puissance les institutions africaines et les agences internationales pour prévenir et résoudre les crises sur le continent. Ce voeu mille fois exprimé est, jusqu’à présent, resté pieux comme le montrent le cas centrafricain et, dans une moindre mesure, la crise malienne. Paris ne désespère pas de boucler le dossier visant à créer une force d’intervention rapide placée sous le pavillon de l’Union africaine (UA). Cette conférence est activement préparée par l’ambassadeur Jean-Pierre Vidon et surtout par Hugo Sada (LC nº662), qui fait la navette depuis plusieurs semaines entre Paris et Addis-Abeba où plusieurs sessions se sont déjà tenues. Tous les présidents des Etats membres de l’UA ont été conviés, à l’exception de ceux de Madagascar, de la Centrafrique et de l’Egypte qui en sont actuellement exclus.

franc-afrique-1Droit de regard du Parlement. Une autre rupture symbolique résidera, à l’automne, dans la discussion par le Parlement d’un projet de loi sur “l’orientation et la programmation relatives à la politique de coopération, de développement et de solidarité internationale de la France”. Porté par le Quai d’Orsay, ce texte inspiré des pratiques des pays d’Europe du Nord, et dont La Lettre du Continent a obtenu la copie, doit permettre à la représentation nationale de se réapproprier un domaine – la politique de coopération – longtemps réservé, voire opaque. Sont énumérés une vingtaine d’articles divisés en cinq chapitres rappelant les grands principes d’action des politiques de développement (cohérence de l’aide, transparence, évaluation…) désormais appelées à être ventilées “dans un nombre limité de pays”, dont une majorité du continent. Les parlementaires auront donc pour la première fois à se prononcer sur un sujet stratégique. Reste que les thèmes abordés sont débattus depuis des années par d’autres instances (AFD, Cicid, ministères…) sans efficacité notable. Ce projet se borne d’ailleurs à énoncer des principes généraux. Il ne propose aucun objectif quantifiable, comme de chiffrer le volume d’aide. Vide de toute substance, cette loi court même le risque d’être retoquée par le Conseil constitutionnel dans l’hypothèse où l’opposition (UMP) venait à saisir cette institution pour qu’elle se prononce sur sa pertinence.

Le HCCI exhumé ? Le dernier signe de la normalisation souhaitée par l’Elysée est l’installation en septembre, par François Hollande, d’un Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI). L’objectif de ce conseil vise “une concertation régulière entre les différents acteurs du développement”. Mais il n’est pas sans rappeler le Haut Conseil pour la coopération internationale (HCCI), créé en 1999 et dissous en 2008, car considéré comme une entité consultative aussi budgétivore qu’inutile. Rattaché au ministère délégué au développement de Pascal Canfin, le CNDSI sera doté de huit collèges (députés, sénateurs, universitaires, ONG…) totalisant 54 personnalités. Il se réunira trois fois par an. Il devra surtout démontrer sa légitimité alors que le dispositif d’élaboration des politiques de développement – véritable usine à gaz à la française – est déjà saturé par une multitude d’autres acteurs.