Le président français a semblé être lâché par ses alliés européens en arrivant au sommet en Russie.
(Le Figaro, 6 septembre 2013) – LA MISSION s’annonce difficile. Si ce n’est impossible. Au sommet du G20 de Saint-Pétersbourg, François Hollande ne s’est fixé qu’un seul objectif : rallier « la coalition la plus large possible » de pays en faveur d’une intervention punitive en Syrie, aux côtés des Américains. « Nous comptons sur le soutien des Européens et des pays arabes »,assurait l’entourage du chef de l’État. Peine perdue. François Hollande avait à peine posé le pied sur le tarmac de l’aéroport de Saint-Pétersbourg qu’il était déjà lâché par ses plus proches alliés, les Européens.
Membre du G20, représentant les 28 États membres de l’UE, le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, flanqué du président de la Commission José Manuel Barroso a clairement rejeté l’usage de la force en Syrie. « Il n’y a pas de solution militaire au conflit en Syrie » a-t-il déclaré à Saint-Pétersbourg, « seule une solution politique peut arrêter les massacres, les violations de droits de l’homme et la destruction de la Syrie ».
Le président de l’UE a calqué sa position sur celle d’Angela Merkel, hostile aux frappes en Syrie, comme 70 % des Allemands, et favorable à une « solution politique dans le cadre de l’ONU ».
Le camouflet est sévère pour le président français, venu en force au G20, accompagné de Laurent Fabius, Pierre Moscovici et Michel Sapin. Après avoir subi la poignée de main glaciale de Vladimir Poutine, François Hollande espérait un soutien, au moins moral de ses amis européens, à sa décision d’intervenir militairement en Syrie. Il n’en est rien. « À ce jour, la France est le seul pays de l’UE » à vouloir punir militairement la Syrie, a rappelé Herman Van Rompuy, soulignant l’isolement de la France. « Au nom de qui s’exprime Van Rompuy ? » interroge-t-on, agacé, dans l’entourage du président. « Il est président du Conseil européen, mais il n’y a pas eu de consultation des dirigeants européens sur la Syrie ! »
Le chef de l’État souhaiterait organiser une « réunion à 5 » des membres européens du G20 (Allemagne, Italie, Royaume-Uni, France, UE), en marge du sommet, mais, jeudi soir, il n’y avait « pas encore de créneau dans l’agenda » des intéressés. À défaut d’un soutien à une action militaire, François Hollande rabaisse un peu ses prétentions. Il réclame désormais des Européens « une condamnation ferme de l’utilisation des armes chimiques » – ce qui est déjà fait – mais aussi du régime syrien, accusé par Paris et Washington d’avoir orchestré l’attaque du 21 août, ce qui n’est pas encore accepté par tous.
Angela Merkel est « persuadée » de l’implication du régime, confie-t-on côté français, mais elle veut « que l’ONU fournisse des preuves le plus vite possible ». Voilà la balle partie dans le camp de l’ONU… « L’intervention militaire n’est pas un objectif en soi », rappelle-t-on dans l’entourage de François Hollande. « Elle vise à sanctionner l’utilisation d’armes chimiques, à changer la donne sur le terrain, afin d’aboutir à une solution politique… »
Le président français serait-il en train de reculer ? Rien n’est moins sûr. Mais il est vrai, qu’au G20, le rapport de force n’est pas du tout favorable à une intervention militaire.
Hormis les États-Unis et la France, les va-t-en-guerre se comptent sur les doigts d’une main : Turquie, Arabie saoudite, Australie, Canada. Les pays des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) sont tous opposés à une intervention militaire, pour des raisons de non-ingérence, par hostilité à l’Occident ou pour des motifs purement économiques. C’est ce dernier aspect qu’ils ont mis en avant, au G20, dans un communiqué commun, soulignant « l’impact extrêmement négatif sur l’économie mondiale » qu’aurait « une intervention étrangère » en Syrie.
Par Alexandrine Bouilhet, Envoyée spéciale à Saint-Pétersbourg (Russie)