(Notre Voie, 11 juillet 2013) – M. Alassane Dramane Ouattara a effectué une visite d’Etat dans le Nord de la Côte d’Ivoire. A l’analyse du fond et de la forme des discours qu’il a tenus dans l’ancien fief de la rébellion, il est clair que l’argent du contribuable ivoirien a encore servi pour approfondir le fossé de méfiance et de division entre les populations du nord et le reste des populations ivoiriennes.
Les cinq jours de sa ballade en terre rebelle ont servi à tenir entre autres 4 types de propos que nous avons recensés pour vous : les propos dangereux, les propos démagogiques, les propos mensongers et les aveux. Ci-dessous, quelques uns de ces propos suivis de quelques brèves analyses.
I-Propos dangereux pour la cohésion nationale «Soro Guillaume a fait preuve de courage, il a fait preuve de sacrifice et il s’est battu pour que les populations du nord puissent recouvrer leur dignité par la nationalité » discours de Ouattara à Ferkéssédougou le 07/07/2013.
Ouattara nous dessine deux Côte d’Ivoire, une dite opprimée ou persécutée : le nord et une autre privilégiée : le sud, l’est, le centre et l’ouest. Ce groupe forme un seul bloc. Il se positionne en diviseur. Il a par ailleurs parlé de « la dignité des populations du nord ». Nous pensons que la dignité ne peut être fractionnée. Il existe la dignité du peuple de Côte d’Ivoire. Et même si par erreur on arrivait à croire que la dignité peut être divisée en mille morceaux selon les aires géographiques ou culturelles, on n’est pas rassuré que la rébellion armée soit en mesure de restaurer cette dignité perdue. En sa qualité de chef de l’Etat, Ouattara devrait être le rassembleur. Surfer sur des antagonismes crées par lui, est susceptible de rendre impossible l’unité nationale recherchée.
« Est-ce que vous savez que c’est la première fois qu’un musulman arrive à la tête de la Côte d’Ivoire ? » Extrait du discours de Ouattara à Ferké le 07/07/2013
Il s’agit de propos graves et extrêmement dangereux pour la cohésion nationale. Ouattara laisse croire que depuis 1960, le pouvoir d’Etat a été accaparé par les chrétiens au détriment des musulmans. Ouattara reste fidèle à lui-même dans son combat pour la haine religieuse et la division. En effet en 1999, il avait annoncé depuis Paris : « On ne veut pas que je sois candidat parce que je suis musulman et du nord ». Cette dérive a exacerbé les tensions qui existaient déjà sur l’échiquier national (opposition entre Bédié et Ouattara). Ouattara sait très bien que la Côte d’Ivoire est un Etat laïque et que la loi est générale et impersonnelle. Elle n’est pas faite pour les chrétiens. Mieux, les législateurs sont aussi bien musulmans que chrétiens.
« Il faut que le FPI (…) ait la force de demander pardon aux victimes et aux parents des victimes » Extrait de son discours du 08/07/2013 à Korhogo
En tenant ce discours devant ses partisans ivres de passion, Ouattara leur présentait le FPI comme le bourreau des nordistes. Un tel discours est dangereux dans la mesure où il ligue une partie de la population contre une autre. Ce discours est incompatible avec l’appel à la réconciliation et à la cohésion. En sa qualité de chef de l’Etat, Ouattara n’a aucun honneur à monter un groupe contre un autre. On a la nette impression qu’il applique la politique du « diviser pour mieux régner ».
II/ Propos démagogiques « Il a fait preuve de courage, il a fait preuve de sacrifice et il s’est battu pour que les populations du nord puissent recouvrer leur dignité par la nationalité» discours de Ouattara à Ferké le 07/07/2013
Ouattara fait un clin d’oeil à la nationalité des populations du nord. La question fondamentale est de savoir si les pouvoirs successifs ont remis en cause la nationalité ivoirienne des populations du nord. C’est de la démagogie pure et dure. Ouattara s’assimile à l’ensemble de la population du nord. Il a été le seul dont la nationalité est été déclarée « douteuse ». La déclaration s’est faite sur le fondement des actes accomplis par Ouattara avant qu’il ne soit nommé par Houphouët Boigny en 1989. D’ailleurs la question de la nationalité est réglée par le code de la nationalité qui est l’œuvre du peuple ivoirien. Donc faire croire aux nordistes qu’ils ont un problème de nationalité que les armes ont réglé est de la démagogie.
III- Propos mensongers « Un Ouattara tient toujours parole.. » Extrait de son discours à Kouto le 4 Juillet 2013
Ouattara est encore loin de tenir nombre de ses promesses. Lors des campagnes électorales de 2010, il avait promis 5 universités en 5 ans. Cela fait trois ans qu’il est au pouvoir, il n’a construit aucune université. Il avait promis la suppression des frais d’inscription dans les écoles primaires et les collèges publics. Trois après, les frais d’inscription n’ont pas été supprimés. Les élèves sont invités à s’inscrire en déboursant la somme de 6000 FCFA pour l’enseignement public et 3000 FCFA pour le privé.
Il avait en outre promis aux ivoiriens l’assurance maladie universelle à 1000 FCFA/tête. Trois ans après, les Ivoiriens n’ont aucune assurance bien au contraire, ils ont des difficultés à se soigner en raison de la faiblesse du pouvoir d’achat.
Il avait également promis 600 milliards aux jeunes ainsi qu’un million d’emploi par an. De plus, il avait donné la garantie à ces derniers qu’il n’y aurait plus de cabines téléphoniques dans les rues.
Trois ans après, les promesses sont enfermées dans les tiroirs. Les cabines téléphoniques sortent de terre, le chômage gangrène la société ivoirienne. Il avait en outre promis la fin de l’impunité, Trois ans après, les chefs de guerre sont devenus la colonne de son régime. Ses hommes qui ont massacré les populations de Nahibly ne sont pas menacés par la justice.
Il parlait aussi de démocratie, droit de l’homme, Etat de droit. Où en est-on actuellement ? Nous sommes dans une dictature sauvage. La justice est aux ordres, l’assemblée nationale est invitée à limiter son droit d’amendement. Les arrestations arbitraires et les tortures sont un principe inviolable. Le parti d’opposition FPI est décapité. Il ne peut tenir un meeting sans se faire attaquer par les hommes du pouvoir. Bref, Ouattara ne tient que les promesses faites pour détruire le peuple.
« Il faut que le FPI (…) ait la force de demander pardon aux victimes et aux parents des victimes » Extrait de son discours du 08/07/2013 à Korhogo
En invitant le FPI à demander pardon, Ouattara veut accuser publiquement ce parti d’être l’auteur des crimes engendrés par la crise postélectorale. Ce qui est faux. Le rapport d’enquête de la Commission d’enquête de Ouattara lui même, grossièrement appelée Commission Nationale d’Enquête (CNE), le document de notification des charges de Fatou Bensouda, n’indiquent pas que le FPI ou ses dirigeants étaient les tueurs des 3000 victimes. Mieux, le fameux rapport de la commission Ouattara estime que 727 personnes ont été tuées par le camp Ouattara. Or le rapport du CICR sur les évènements de Duékoué le 29 mars 2011, avait estimé à 800 morts, les personnes tuées par le camp Ouattara en une journée. Alors, pourquoi Ouattara s’accroche-t-il au pardon du FPI ? Le FPI n’est-il pas aussi victime du RDR ?
En outre, Ouattara est-il fondé à demander au plus petit des Ivoiriens ayant subi la rébellion, pendant plus de dix ans, de demander pardon à des victimes ? Si la Côte d’Ivoire a connu la crise postélectorale c’est parce que premièrement il y a eu une rébellion armée et en second lieu, Ouattara a refusé de respecter la décision souveraine du Conseil Constitution.
IV- Les aveux « Il a fait preuve de courage, il a fait preuve de sacrifice et il s’est battu pour que les populations du nord puissent recouvrer leur dignité par la nationalité» discours de Ouattara à Ferké le 07/07/2013
Alassane Ouattara salue la rébellion dirigée par Soro Guillaume. Selon lui, quiconque se rebelle contre les institutions de l’Etat fait preuve d’un « courage exceptionnel ». Son propos prouve non seulement qu’il a toujours soutenu la rébellion, mais également met en lumière le difficile rapport qu’il a avec les lois de la République et la démocratie en tant que système qui proscrit la lutte armée comme moyen d’accession au pouvoir d’Etat. Il avoue donc qu’il n’est pas un démocrate.
« Un Ouattara tient toujours parole.. » Extrait de son discours à Kouto le 4 Juillet 2013
Quelques propos de Ouattara :
« Je frapperai ce pouvoir moribond en temps opportun et il tombera », les mois qui ont suivi, précisément le 24 Décembre 1999, le Président Henri Konan Bédié est renversé par des militaires pro-Ouattara. Et conformément à ses vœux, il rentra en fin d’année en Côte d’Ivoire.
En 2001 il annonce : « je rendrai le pays ingouvernable ». Sa rébellion armée parvint à diviser » le pays en deux. Rendant impossible une gouvernance cohérente sur l’ensemble du territoire national En 2002, à Bouaké, Ouattara affirme : « Il n’y aura plus
d’élection sans moi. S’ils veulent qu’on mélange le pays, on va le mélanger » De Septembre 2002 au 11 Avril 2011, la Côte d’Ivoire a été dans le tourment. S’appuyant sur ses rebelles armés, Ouattara a détruit le pays. Dans le cadre des accords devant permettre le règlement de la crise, le Président Laurent Gbagbo se servit de l’article 48 pour faire de Ouattara un candidat exceptionnel. Ouattara participa donc aux élections.
« Au nom de ma foi chrétienne, je dis que c’est Alassane Ouattara qui a gagné les élections présidentielles » Extrait du discours de Ouattara à Ferké le 07/07/2013
Se référer à la foi chrétienne de Soro pour se convaincre d’une « victoire » est une preuve suffisante que Ouattara n’a pas gagné des élections. Il l’avoue de façon implicite. La foi, qu’elle soit chrétienne, musulmane ou animiste n’a jamais été et ne sera jamais le critère de consécration d’une victoire. Seule la loi dit qui est vainqueur ou qui ne l’est pas. Et en l’espèce, cette loi a donné autorité au conseil constitutionnel de juger souverainement, lequel a jugé que le vainqueur est Laurent Gbagbo. La foi n’a aucune place ici. Elle est trop subjective pour être un critère pertinent.
Sélection et analyse sous la supervision de Yves Komenan