(Cameroonvoice) – Les États-Unis, déclare Wang, « sont passés d’un “modèle des droits de l’Homme” à “un espion de la vie privée”, un “manipulateur” du pouvoir centralisé sur internet, et “l’envahisseur” fou des réseaux des autres pays. »
Le « nouveau modèle de relations entre grandes puissances », censé être plus orienté vers la coopération, que le président chinois Xi Jinping avait proposé au cours du sommet informel avec le président américain Barack Obama en Californie au début du mois s’est rapidement détérioré dans la foulée des révélations d’Edward Snowden sur les opérations informatiques intrusives et de grande envergure menées par les États-Unis contre la Chine.
La colère et les inquiétudes de Beijing sur les implications des piratages et des interceptions de communications américaines ont été accentuées par les accusations américaines contre la Chine pour avoir autorisé Snowden à quitter Hong Kong le week-end dernier.
L’ex-agent de la NSA a révélé au monde les piratages et récupérations de données électroniques massifs de la NSA commis en Chine, ainsi qu’aux États-Unis et partout ailleurs. Ses révélations ont porté un coup à la propagande du gouvernement Obama qui accusait la Chine d’être la plus grave menace au monde sur la sécurité informatique.
Hong Kong, un territoire chinois, a non seulement défendu ses actions qui ont permis à Snowden de partir libre, en dépit des demandes américaines de le retenir. Il a en outre demandé des « explications » à Washington sur le piratage par la NSA des ordinateurs de la ville depuis 2009. D’après Snowden, ces interventions informatiques ont notamment frappé le Hong Kong Internet Exchange, qui gère tout le trafic internet du territoire.
Washington a ouvertement attaqué Beijing pour avoir laissé Snowden quitter Hong Kong. Le porte-parole de la Maison blanche Jay Carney a rejeté les explications du gouvernement de Hong Kong et accusé la Chine d’être derrière la décision de permettre à Snowden de quitter le pays. Dans ce qui se résume à une menace, il a prévenu : « Cette décision a sans aucun doute un effet négatif sur les relations entre la Chine et les États-Unis. »
La porte-parole du ministre des Affaires étrangères chinois, Hua Chunying, a répondu mardi : « L’accusation portée par le camp américain contre le gouvernement central de la Chine n’est étayée par aucune preuve. Le camp chinois ne l’acceptera absolument pas. » Hua a ajouté : « Les doutes du camp américain sur l’opération légale du gouvernement de la Région administrative spéciale de Hong Kong sont totalement déraisonnables. »
Les médias publics chinois ont exprimé des critiques encore plus fortes contre l’hypocrisie flagrante de Washington. L’agence de presse Xinhua a déclaré dans un éditorial que les États-Unis qui « ont longtemps tenté de jouer aux victimes innocentes d’attaques informatiques, se sont révélés être le pire bandit de notre époque. »
Un commentaire en première page du quotidien du Parti communiste chinois People’s Daily jeudi louait Snowden pour avoir « fait tomber le masque moralisateur de Washington. » Wang Xinjung de l’Académie des sciences militaires écrit : « Non seulement les autorités américaines n’ont donné aucune explication ni excuses [sur la révélation des piratages informatiques des réseaux chinois], mais ils ont au contraire exprimé du mécontentement devant la manière respectueuse des lois dont la région administrative spéciale de Hong Kong a géré les choses. »
Les États-Unis, déclare Wang, « sont passés d’un “modèle des droits de l’Homme” à “un espion de la vie privée”, un “manipulateur” du pouvoir centralisé sur internet, et “l’envahisseur” fou des réseaux des autres pays. »
Il y a des craintes réelles au sein des cercles dirigeants et universitaires chinois quant aux implications des opérations informatiques américaines contre la Chine. Jia Xiudong de l’Institut des études internationales de la Chine a déclaré au China Daily lundi que l’ampleur des piratages américains contre la Chine « est choquante et au-delà de toute attente. » Il a ajouté : « les affirmations de Snowden montrent qu’il est possible qu’une grande partie de ces attaques soient soutenues par le gouvernement américain. »
Dans un entretien accordé au journal en langue anglaise de Hong Kong, South China Morning Post le 12 juin, Snowden a révélé les piratages intensifs des États-Unis à Hong Kong et en Chine continentale.
Juste avant le départ de Snowden de Hong Kong, le Post a publié de nouveaux détails sur les opérations de surveillance des États-Unis afin de collecter les données des compagnies de téléphonie mobile chinoises et sur le piratage par la NSA de l’Université de Tsinghua à Beijing et sur le centre de Pacnet à Hong Kong, l’un des plus important opérateur de câbles sous-marins en fibre optique d’Asie.
En particulier, Snowden a publié la longue liste des données relatives à des messages de téléphones portables en Chine. Il a dit : « la NSA fait toutes sortes de choses comme pirater les compagnies de téléphones portables pour s’emparer de toutes vos données de SMS. »
Les textos sont utilisés très largement en Chine, non seulement pas les gens ordinaires par aussi par les responsables du gouvernement. En 2012, les utilisateurs chinois ont échangé près de 900 milliards de messages SMS. China Mobile est le plus grand fournisseur de réseau mobile au monde avec 735 millions d’abonnés, suivi par China Unicorn avec 258 millions et China Telecom avec 172 millions.
Tout aussi importantes ont été les révélations de Snowden sur le piratage par la NSA des réseaux de l’Université de Tsinghua – l’un des centres de formation les plus prestigieux de Chine. En une seule journée de janvier, il y a eu 63 intrusions. L’université abrite l’une des six principales dorsales (Backbones) internet qui gèrent l’ensemble du trafic internet du pays – le China Education and Research Network (CERNER). Cela signifie que la NSA a pu avoir accès aux données de millions d’usagers.
Le piratage de Pacnet par la NSA a également des implications immenses. Pacnet est le routeur pour 46 000 kilomètres de câbles en fibre optique, qui relient les centres de données de toute la région Asie-Pacifique, dont la Chine, Hong Kong, Taiwan, le Japon, la Corée du Sud et Singapour. Les révélations de Snowden sur l’étendue des opérations informatiques américaines a soulevé des inquiétudes dans l’armée chinoise et les services de sécurité sur la vulnérabilité du pays non seulement à la surveillance, mais aussi aux programmes américains susceptibles d’entraîner des défaillances ou des destructions dans les infrastructures chinoises, dont les réseaux informatiques, le téléphone, et le réseau électrique.
Le gouvernement Obama est déjà en train de restructurer et développer ses capacités militaires dans la région dans le cadre de son « pivot vers l’Asie » visant à contenir la Chine. Les révélations sur la NSA ont montré clairement que les États-Unis sont également en train de développer leurs capacités de guerre informatique au même titre que le matériel militaire et les bases dans toute la région.
Le journal public chinois Global Times a interviewé cinq experts en sécurité vendredi dernier. Ils ont admis que « la sécurité informatique de la Chine est déjà gravement menacée » et ont demandé à Beijing de répondre en conséquence en mettant en place des capacités de guerre électronique.
Qin An de l’Institut d’études stratégiques a prévenu que la Chine était confrontée à des menaces « non seulement par la mer, et par air, mais aussi par internet. » Il a affirmé : « Certains Américains ont déjà changé le plan Air/Sea Battle pour contenir la Chine en Air/Sea/Cyber Battle. En conséquence, nous devons établir une perspective large de sécurité et de défense informatique. »
Air/Sea Battle est une doctrine militaire essentielle développée par le Pentagone, qui souligne les préparatifs d’un assaut massif aérien et par missiles contre les systèmes de commandement militaire et de communication chinois.
Le débat au sein des cercles stratégiques chinois souligne le fait que les révélations de Snowden ont intensifié les tensions produites par la campagne sans relâche menée par les États-Unis pour saper la Chine dans tous les domaines stratégiques.
John Chan