Analyse Critique Politique du Discours de Pascal Affi N’Guessan – 1er Février 2025

À l’approche de l’élection présidentielle du 25 octobre 2025, Pascal Affi N’Guessan, président du Front Populaire Ivoirien (FPI), a profité de la cérémonie de présentation des vœux de son parti pour prononcer un discours à forte teneur politique. Plaidant pour une alternance démocratique après 15 ans de gouvernance du RHDP sous Alassane Ouattara, il a dressé un réquisitoire sévère contre le régime en place, dénonçant les dérives autoritaires, la corruption et les inégalités croissantes. À travers une critique acerbe du processus électoral et des institutions, il alerte sur les risques d’une élection biaisée et appelle à une mobilisation massive du peuple et de l’opposition pour empêcher une confiscation du pouvoir. Mais si son discours marque une volonté de rupture, il soulève aussi de nombreux défis : l’unité de l’opposition reste fragile, et l’absence de propositions concrètes pourrait limiter son impact. Cette analyse revient en détail sur les enjeux, les forces et les limites de cette intervention stratégique.

Pascal Affi N’Guessan, président du Front Populaire Ivoirien (FPI)

Simplice ONGUI
Directeur de Publication
Afriqu’Essor Magazine
osimgil@yahoo.co.uk

Le discours prononcé par Pascal Affi N’Guessan, président du Front Populaire Ivoirien (FPI), lors de la cérémonie de présentation des vœux du parti pour l’année 2025, est un texte d’une grande portée politique et  revêt une forte dimension stratégique. Il s’inscrit dans le contexte de la préparation de l’élection présidentielle du 25 octobre 2025, marquant ainsi un moment crucial pour l’avenir de la Côte d’Ivoire. Ce discours marque le positionnement clair du FPI face au Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) au pouvoir, en dénonçant ses méthodes de gouvernance et en plaidant pour une alternance démocratique.

L’intervention de Pascal Affi N’Guessan s’articule autour de trois axes majeurs :

  1. Une critique sévère du bilan négatif du régime d’Alassane Ouattara et du RHDP.
  2. L’exigence d’un processus électoral transparent et inclusif.
  3. L’appel à l’unité de l’opposition et la mobilisation du peuple pour un changement en 2025.

Cette analyse approfondit ces trois dimensions et met en exergue les implications politiques du discours.

1. Un Discours de Rupture et de Mobilisation

1.1 Une dénonciation frontale  du régime d’Alassane Ouattara

Pascal Affi N’Guessan commence son discours en établissant un diagnostic négatif du bilan sévère des 15 années du pouvoir du RHDP et d’Alassane Ouattara. Il insiste sur la “fatigue” de la Côte d’Ivoire face aux dérives du pouvoir actuel. Le choix du mot “fatiguée”, répété à plusieurs reprises, vise à marquer les esprits et à donner une tonalité dramatique au discours :

  1. Fatiguée des scandales et de la corruption,
  2. Fatiguée des inégalités et du mépris des plus faibles,
  3. Fatiguée de l’autocratie et du clanisme.

L’objectif de cette rhétorique est de créer un sentiment d’exaspération collective et de montrer que la population ivoirienne est arrivée à un point de rupture. C’est une stratégie classique en politique : insister sur le rejet du pouvoir en place pour mieux justifier la nécessité d’un changement radical.

Selon Pascal Affi N’Guessan, le très négatif bilan du pouvoir du RHDP et d’Alassane Ouattara est caractérisé par :

  • Un étouffement des libertés : répression, emprisonnements, intimidations.
  • Une mauvaise gouvernance : corruption, prévarication, exclusion.
  • Un désintérêt pour la réconciliation nationale : échec des discussions avec le pouvoir.
  • Un climat électoral trouble : absence de garanties pour une élection libre et transparente.

1.2. Un Appel au Changement et à l’Alternance

Affi N’Guessan structure son message autour de l’impératif du changement démocratique :

  • Il appelle les Ivoiriens à se mobiliser contre une confiscation du pouvoir.
  • Il invite les leaders de l’opposition à l’unité, critiquant implicitement leurs divisions.
  • Il présente le FPI comme l’alternative crédible, en opposition au RHDP.

Il veut marquer une rupture nette avec toute complaisance envers le RHDP et repositionne le FPI comme une force d’opposition radicale en vue de l’alternance.

2. Une Critique du Processus Électoral et des Institutions: La Crainte d’une Élection Biaisée

2.1. Une dénonciation de limpartialité de la CEI et du cadre électoral

Affi N’Guessan met en cause l’impartialité et la crédibilité de la Commission Électorale Indépendante (CEI) et son incapacité à garantir un scrutin juste en mettant en évidence plusieurs anomalies :

  • Il s’étonne de l’impossibilité annoncée de réviser la liste électorale, alors que des fonds ont été alloués à cette opération.
  • Il exige une réforme du code électoral et une indépendance réelle de la CEI.
  • Il dénonce le tribalisme, le clientélisme et la corruption électorale.
  • Il dénonce L’absence de garanties pour une élection libre et équitable.
  • Il dénonce le climat électoral opaque, qui nourrit la peur d’une fraude massive et des tensions post-électorales

En dénonçant le mutisme du pouvoir sur ces revendications, Affi N’Guessan alerte sur une crise de confiance institutionnelle et un climat préélectoral tendu. Son attaque contre la CEI n’est pas nouvelle, mais elle illustre le risque d’une contestation post-électorale. Par ailleurs, en évoquant la limitation des mandats présidentiels, il suggère qu’un quatrième mandat de Ouattara serait une violation constitutionnelle.

2.2. L’ombre de la Cour Pénale Internationale (CPI)

Un point marquant du discours est l’évocation de la relance des enquêtes de la CPI sur la crise post-électorale de 2010-2011. En rappelant ce fait, Affi N’Guessan met une pression  implicite sur le régime en place, suggérant que l’impunité des crimes politiques pourrait ne pas durer éternellement.

3. L’Exigence d’un Processus Démocratique Transparent

3.1.  L’Appel à la Mémoire des Crises Électorales Précédentes

Affi N’Guessan fait une mise en garde implicite contre le risque de crise post-électorale en rappelant les événements de 2010-2011 et de 2020. Ces références sont cruciales car elles évoquent les violences meurtrières qui ont secoué le pays lors des élections précédentes.  En rappelant ce fait, Affi N’Guessan met la pression sur le gouvernement, suggérant que l’impunité des crimes politiques pourrait ne pas durer.

En insistant sur ces précédents, il met le pouvoir en face de ses responsabilités historiques et invite à éviter un nouveau cycle de violences électorales. Et, sa référence à la CPI s’inscrit dans une stratégie d’intimidation du pouvoir, et que cela vise à renforcer la pression internationale sur Ouattara.

3.2. La Comparaison avec les Expériences Démocratiques de la Sous-Région

Affi N’Guessan met en avant les exemples du Sénégal (2024) et du Ghana (2024) pour démontrer que l’alternance démocratique est possible en Afrique de l’Ouest. En citant la victoire du socialiste John Dramani Mahama au Ghana, il envoie un signal fort à la communauté internationale :

  • La Côte d’Ivoire peut devenir une véritable démocratie si les règles du jeu sont respectées.
  • Le respect des Constitutions et des mandats présidentiels est une norme en Afrique de l’Ouest, contrairement à ce que certains voudraient faire croire.

En s’appuyant sur ces deux exemples, il cherche à démontrer que l’alternance démocratique est possible en Afrique de l’Ouest, réfutant ainsi l’argument selon lequel les crises électorales seraient une fatalité africaine. Cette approche vise à renforcer la légitimité de son appel au respect des règles démocratiques.

Cette approche renforce la légitimité de son appel au respect des règles démocratiques et positionne le FPI comme un acteur responsable, soucieux des standards internationaux.

4. L’Appel à l’Unité de l’Opposition et à la Mobilisation Populaire

4.1. Un message clair adressé à Laurent Gbagbo et à l’Opposition

L’une des stratégies clés du discours d’Affi N’Guessan est un message direct adressé à Laurent Gbagbo, figure historique du FPI dont il est membre fondateur. Affi N’Guessan lui rappelle que l’unité de l’opposition est essentielle pour espérer battre le RHDP. Ce passage du discours est un signal politique fort car il sous-entend que l’opposition reste divisée et que certains leaders pourraient être tentés de jouer en solo au lieu de privilégier l’intérêt collectif. Il met en avant l’idée d’un Rassemblement pour une Alternance Pacifique, Inclusive et Démocratique (RAPID), visant à structurer une opposition unifiée face au RHDP.

Il faut souligner que L’appel au Rassemblement pour une Alternance Pacifique, Inclusive et Démocratique (RAPID) vise à fédérer les forces d’opposition autour d’un objectif commun : empêcher un quatrième mandat de Ouattara.

Affi N’Guessan appelle à un rassemblement autour de Laurent Gbagbo. Et il souligne que :

  • Les divisions internes fragilisent la capacité de l’opposition à peser sur le débat politique.
  • Laurent Gbagbo, en tant que leader historique, doit prendre ses responsabilités pour rassembler les forces démocratiques.

Ce passage du discours illustre une tentative de ralliement de l’électorat pro-Gbagbo, dans un contexte où le FPI a souffert de la scission avec la formation de Gbagbo (le PPA-CI). Il s’agit d’une main tendue, mais aussi d’une mise en demeure implicite : si Gbagbo refuse de fédérer l’opposition, il portera la responsabilité d’un nouvel échec électoral.

4.2. Un Appel à la Mobilisation du Peuple

En conclusion, Pascal Affi N’Guessan exhorte les citoyens à ne pas être des spectateurs passifs, mais des acteurs engagés. Il insiste sur la nécessité pour les Ivoiriens de :

  • Refuser la confiscation du pouvoir,
  • Se battre pour l’alternance démocratique,
  • S’approprier leur destin politique.

Cet appel à la mobilisation citoyenne est une stratégie électorale classique qui vise à stimuler l’adhésion populaire et à responsabiliser chaque citoyen dans le processus électoral.

5. Un Discours Ambitieux, mais des Limites Stratégiques

5.1. Une Opposition Fragilisée et Divisée

La principale difficulté de l’opposition reste son manque de leadership unifié : Laurent Gbagbo, bien qu’influent, hésite à fédérer toutes les forces, tandis que le PDCI peine à trouver un nouveau souffle après la disparition de Bédié.

L’incapacité des différents leaders à s’unir pourrait compromettre les chances d’alternance.

5.2. Une Confrontation avec un Pouvoir Solide

  • Le RHDP contrôle les institutions clés, dont la CEI.
  • Le gouvernement peut manœuvrer pour diviser davantage l’opposition.
  • Le régime de Ouattara bénéficie d’une assise économique qui lui permet de maintenir une stabilité apparente.

Cela signifie que l’opposition doit aller au-delà des discours et construire une véritable stratégie électorale pour espérer l’alternance.

6. Conclusion : Un Discours Offensif, mais un Chemin Semé d’Embûches

Le discours de Pascal Affi N’Guessan est une charge virulente contre le régime d’Alassane Ouattara, qui insiste sur la fatigue et l’exaspération du peuple ivoirien. Il articule une exigence d’élections libres et transparentes, tout en appelant à l’unité de l’opposition pour maximiser les chances de victoire en 2025.

Le discours a trois principaux mérites :

  • Il met en lumière les failles du régime Ouattara en insistant sur les inégalités, la corruption et le déficit démocratique.
  • Il met la pression sur le gouvernement pour garantir une élection transparente.
  • Il appelle à l’unité de l’opposition et à une mobilisation citoyenne massive.

Cependant, son discours présente aussi des risques stratégiques :

  • Un ton très virulent contre AlassaneOuattara qui pourrait radicaliser le camp du pouvoir et entraîner des tensions.
  • Un appel à l’unité de l’opposition qui dépend fortement de la volonté de Laurent Gbagbo, dont les ambitions restent floues.
  • Une absence de propositions concrètes pour résoudre les problèmes du pays : il critique la situation actuelle mais ne détaille pas assez un programme alternatif.

En somme, ce discours marque le début d’une année électorale décisive où chaque camp devra affiner sa stratégie pour convaincre les Ivoiriens. Le FPI joue son va-tout, et son avenir dépendra de sa capacité à construire une opposition unie et crédible face au RHDP. Le pouvoir en place exploitera-t-il les dissensions au sein de l’opposition pour diviser davantage ses adversaires et s’assurer une victoire sans contestation majeure ?

Toutefois, plusieurs défis restent à relever :

  • Convaincre Laurent Gbagbo et les autres leaders de l’opposition d’unir leurs forces.
  • Dépasser le simple constat d’injustice et proposer une alternative politique crédible.
  • Mobiliser les électeurs pour faire face à un appareil d’État bien rodé.

Si le FPI parvient à surmonter ces obstacles, il pourrait effectivement incarner une alternative viable en 2025. Dans le cas contraire, le pouvoir en place risque de prolonger son emprise sur le pays pour plusieurs années encore.

Simplice ONGUI
Directeur de Publication
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