“Il est essentiel d’inviter les intellectuels et intellectuelles de la diaspora ivoirienne à créer un Comité de Recherches et de Réflexion (Think Tank).”
Dans l’horizon tumultueux de l’histoire politique ivoirienne, peu de figures incarnent la discrétion et l’engagement comme Marcel Amondji. Décédé le 18 décembre 2021 à l’âge de 87 ans à Perpignan, cet homme, qui a su allier sagesse et résistance, mérite d’être célébré non seulement pour son parcours exceptionnel, mais aussi pour les réflexions profondes qu’il a laissées sur la Côte d’Ivoire et ses luttes.
Jean-Claude Djéréké, dans son hommage poignant, rappelle qu’Amondji, bien que physiquement éloigné de son pays depuis 1946, n’a jamais rompu le lien avec sa terre natale. Son départ à bord du navire “l’Aventure” marqua le début d’un long engagement, une vigilance constante face aux dérives politiques qui allaient affecter son pays, la Côte d’Ivoire. En tant que sentinelle, il a observé, réfléchi et critiqué le “système houphouéto-foccartien”, une expression qui résume la complexité des relations postcoloniales entre la France et la Côte d’Ivoire.
Amondji se distingue par son approche unique de l’engagement. Contrairement à d’autres qui choisissent le chemin de la militance active, il a opté pour un engagement plus subtil, mais tout aussi significatif. Djéréké souligne que “l’histoire des nations n’est pas faite que de batailles, de bruit et de fureur”, et Amondji en est un parfait exemple. Sa voix, bien que moins audible dans les manifestations de rue, a eu un impact indéniable sur la pensée politique de son pays.
Loin d’être un simple observateur, Amondji a produit une œuvre intellectuelle riche et nuancée. Dans ses écrits, il ne se contente pas de critiquer le colonialisme et ses séquelles ; il appelle à la prise de conscience et à la responsabilité collective des Ivoiriens et des Ivoiriennes. Son dernier ouvrage, “La Côte d’Ivoire & la France, telles Sisyphe & son rocher”, est une réflexion sur la dépendance persistante de la Côte d’Ivoire vis-à-vis de son ancien colonisateur. Il y dénonce une vérité dérangeante : la lutte pour la liberté ne peut se réduire à des compromis. Seul un véritable changement de mentalité et une volonté collective permettront de briser les chaînes de la dépendance.
Côte d’Ivoire | Jean-Claude DJEREKE : “Marcel Amondji, un grand combattant de la liberté mal récompensé”
Malheureusement, la reconnaissance d’Amondji par les institutions ivoiriennes a été tardive. Le manque d’hommages et de célébrations de sa mémoire soulève des questions sur la valorisation des figures intellectuelles qui ont façonné l’identité nationale. Pourquoi n’a-t-il pas été honoré par l’Académie des Sciences, des Arts, des Cultures d’Afrique et des diasporas africaines (ASCAD) ? Pourquoi le Front populaire ivoirien (FPI), lorsqu’il était au pouvoir, n’a-t-il pas pensé à lui rendre hommage ? Ces interrogations témoignent d’un besoin urgent de réévaluer notre rapport à l’histoire et aux hommes qui l’ont construite.
La vie d’Amondji est un exemple puissant de résilience. Comme il l’a lui-même exprimé dans ses échanges avec Djéréké, l’essentiel n’est pas d’avoir atteint tous ses objectifs, mais d’avoir maintenu vivante la flamme de l’engagement. Cette conviction résonne avec force dans un monde où le désenchantement et le cynisme semblent parfois dominer.
En conclusion, Marcel Amondji est bien plus qu’un simple nom dans les annales de l’histoire ivoirienne. Il est le symbole d’un engagement silencieux, mais déterminé, pour la liberté et la dignité. L’héritage d’Amondji, loin de s’éteindre avec lui, doit continuer à inspirer les générations futures à lutter pour un avenir meilleur, tout en honorant la mémoire de ceux qui ont pavé le chemin de la liberté. La Côte d’Ivoire ne peut se permettre d’oublier un de ses plus grands défenseurs. Célébrons Amondji, non seulement pour ses accomplissements, mais aussi pour ce qu’il continue d’incarner : l’espoir d’un pays libre et digne.
De plus, il est essentiel d’inviter les intellectuels et intellectuelles de la diaspora ivoirienne à créer un Comité de Recherches et de Réflexion (Think Tank) pour rendre visibles et approfondir les œuvres littéraires, culturelles et artistiques de nos compatriotes. Ensemble, nous devons poursuivre les luttes pour la liberté et la dignité humaine des peuples de Côte d’Ivoire, et plus largement, de l’Afrique.
Simplice ONGUI
Directeur de Publication
Afriqu’Essor Magazine
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