Le 21 décembre 2024, Mahamat Idriss Déby a été officiellement élevé au rang de Maréchal du Tchad lors d’une cérémonie solennelle au palais présidentiel de N’Djamena. À seulement 40 ans, le fils de l’ancien président Idriss Déby, décédé en avril 2021, revêt l’uniforme de la plus haute distinction militaire du pays. Ce geste hautement symbolique suscite de nombreuses interrogations sur l’avenir politique et sécuritaire du Tchad.
Mahamat Idriss Déby est arrivé au pouvoir dans des circonstances exceptionnelles, succédant à son père après trois décennies de règne. Sa promotion au rang de Maréchal est largement perçue comme un moyen de consolider son autorité et de renforcer son image de chef militaire dans un contexte de transition politique délicat. Alors que les élections législatives prévues pour le 29 décembre approchent, cette décision pourrait également servir à galvaniser le soutien des forces armées et à influencer le climat électoral.
Cependant, cette accumulation de pouvoirs militaires et politiques soulève des inquiétudes. Les partis d’opposition et les organisations de la société civile pourraient interpréter cette promotion comme une continuité de l’autoritarisme qui a souvent caractérisé le régime tchadien. Ce geste, bien qu’il vise à asseoir l’autorité du président, risque d’alimenter davantage les tensions internes et d’éloigner encore le pays d’un processus démocratique véritable.
Un facteur déterminant dans cette dynamique est le retrait des troupes françaises du Tchad, décidé unilatéralement par le gouvernement tchadien. La France, alliée stratégique de longue date, avait soutenu le régime d’Idriss Déby père dans ses efforts pour lutter contre le terrorisme et maintenir la stabilité régionale. Ce départ crée un vide sécuritaire préoccupant à un moment où le Tchad est confronté à une recrudescence des menaces djihadistes dans la région du Sahel.
Si ce retrait peut être perçu comme une affirmation de souveraineté nationale, il pose néanmoins la question de la capacité du régime de Mahamat Idriss Déby à assurer la sécurité sans ce soutien. En se proclamant Maréchal, Déby cherche probablement à se positionner comme le garant ultime de la sécurité nationale. Cependant, cette stratégie comporte des risques importants, notamment si le gouvernement échoue à répondre aux défis sécuritaires de manière autonome.
L’élévation de Mahamat Déby au rang de Maréchal intervient dans un contexte socio-économique marqué par de profondes difficultés. Le Tchad reste confronté à des défis structurels majeurs : pauvreté persistante, chômage endémique et insécurité alimentaire chronique. Dans ce contexte, la promotion militaire pourrait être perçue comme une distraction des priorités urgentes auxquelles fait face la population.
Les attentes des citoyens sont élevées en matière de développement économique et de gouvernance démocratique. Or, le risque est grand que cette promotion soit interprétée comme une tentative de détourner l’attention des véritables problèmes du pays.
De plus, la décision cavalière du retrait des troupes françaises a exacerbé les tensions dans les relations bilatérales avec Paris, remettant en question le soutien international au régime. Si ce changement de cap ouvre potentiellement la voie à de nouveaux partenariats stratégiques, il reste à voir si ces alliances contribueront effectivement à la stabilité du pays.
La promotion de Mahamat Idriss Déby au rang de Maréchal s’inscrit dans un contexte complexe de redéfinition des rapports de force politiques et sécuritaires au Tchad. Alors que le pays se prépare à des élections législatives cruciales, le régime devra faire preuve de leadership pour naviguer entre des défis sécuritaires accrus, une légitimité politique contestée et des attentes socio-économiques pressantes.
Le Tchad se trouve à une croisée des chemins. L’avenir de son leadership dépendra de sa capacité à maintenir la stabilité tout en amorçant des réformes profondes, essentielles pour répondre aux aspirations de la population et restaurer la confiance des acteurs internationaux.
Simplice Ongui
Directeur de Publication
Afriqu’Essor Magazine
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