Depuis plusieurs années, le quotidien des Ivoiriens rime avec la cherté de la vie et la paupérisation devenue endémique. Et ce, malgré l’embellie économique du pays dont se vantent les tenants du pouvoir. En plus de ce triste décor, s’y ajoute les détournements de deniers publics imputés à plusieurs directeurs généraux d’entreprises publiques et parapubliques du pays.
L’actualité ces derniers temps en Côte d’Ivoire, est dominée par une autre affaire de détournement de fonds à hauteur d’un peu plus de 500 millions de francs CFA à l’Autorité de régulation de télécommunications de Côte d’Ivoire (ARTCI). En attendant les résultats d’une enquête qui serait en cours, on en viendrait à désespérer de la Côte d’Ivoire « émergente » si cet autre scandale était avéré et cela confirmerait ce que l’actuel chef de l’État soutenait au lendemain de son accession au pouvoir en 2011, à savoir ” la Côte d’Ivoire va étonner le monde’’.
Il est de notoriété que depuis l’avènement de la 3ème République, les Ivoiriens assistent impuissants à la récurrence des détournements de deniers publics et autres malversations au sein de certaines entreprises publiques et parapubliques. Si bien qu’ils sont convaincus que ces actes délictueux sont de toute évidence encouragés et tolérés par la « toute » puissance publique.
Pour cause, la seule sanction qui est infligée aux mis en cause, est de céder leurs fauteuils à d’autres personnes, les nommer à d’autres postes sans plus et les résultats des enquêtes diligentées son toujours attendus.
Ces crimes économiques impunis de la 3ème République
Autant on est sidéré par la célérité avec laquelle la Justice enquête, juge et condamne quand il s’agit d’affaires politiques impliquant les opposants politiques, autant on est abasourdi par la lenteur que met cette même justice pour boucler les enquêtes liées à aux détournements de deniers publics avérés. Les exemples sont légion.
De fait, il y a quelques années, les ivoiriens ont été témoins de détournements de dizaines de milliards de francs CFA au Guichet unique. L’épaisse fumée qui a enveloppé cette affaire ne s’est jusqu’à présent pas dissipée. Les résultats de l’enquête diligentée, ne sont toujours pas connus. C’est un silence de cimetière assourdissant qu’il est donné d’entendre.
Outre le guichet unique, un autre détournement a défrayé la chronique. Il s’agit de la disparition de 500 milliards de francs CFA, fruits de la sueur de planteurs, au Conseil Café-Cacao. Comme sanction, le gouvernement a juste relevé le directeur général de ses fonctions, sans poursuite judiciaire. Et comme si cela ne suffisait pas, l’État de Côte d’Ivoire est allé sur le marché financier emprunter 300 milliards de francs CFA, pour combler le ’’trou’’ creusé.
Quelle sanction pour les directeurs généraux mis en cause ?
Tout porte à croire que la sanction suprême qu’on inflige à ceux qui sont convaincus de malversations et de détournements de deniers publics, c’est le limogeage. Les cas les plus médiatisés dans cette course aux détournements sont ceux de certains directeurs généraux d’entreprises publiques et parapubliques, limogés suite à un audit commandité par l’Etat.
Ainsi, Diaby Lanciné du Fond d’entretien routier (FER), Yapi Ange Désiré de la nouvelle pharmacie de la Santé publique (NPSP), Bilé Diéméléou de l’ARTCI et Coulibaly Lamine de l’AGEF, épinglés par l’audit comme ayant opéré des malversations dans la gestion des entreprises dont ils avaient la charge, ont juste libéré le « tabouret ». Pour le moment, hormis Coulibaly Lamine qui séjourne actuellement à la MACA, aucun d’entre eux ne connaîtra les délices de l’univers carcéral.
Par ailleurs, on ne saurait oublier les malversations à la SPDC devenue Société nationale de gestion du patrimoine immobilier de l’Etat (SONAPIE), à l’Agence de gestion et de développement des infrastructures industrielles (AGEDI), à la Société immobilière de construction de Côte d’Ivoire (SICOGI) , à l’Agence de gestion foncière (AGEF), à la Petroci et à la Gestoci, avec à la clé, la disparition de 17 000 tonnes de gaz, sans qu’aucune explication ne soit donnée au peuple ivoirien.
Alors, l’on pourrait soutenir sans aucun risque de se tromper que relever simplement de leurs fonctions des directeurs généraux convaincus de détournements et de malversations, qui se sont enrichis sur le dos du contribuable ivoirien, et les laisser jouir en toute quiétude de leurs fortunes, malhonnêtement amassées, est le symbole achevé de l’impunité qui sévit sous la troisième République. Cela ne peut qu’être un exemple que d’autres personnes seront bien tentées d’imiter, sûres que le ciel ne leur tombera pas sur la tête.
A en croire certains observateurs de la scène politique ivoirienne, les audits des entreprises où toutes ces malversations ont été commises, ont été faits sous la pression des partenaires bilatéraux et les bailleurs de fonds. Vrai ou faux. Toujours est-il que certains partisans du régime d’Abidjan n’hésitent pas à affirmer que sous le régime de la Refondation, il y avait aussi des détournements.
Mais objectivement, qu’y a-t-il à se comparer à un pouvoir qu’on a traité de tous les noms, et combattu huit années durant, au travers d’une rébellion armée ? Pourquoi tomber dans les mêmes travers qu’on lui reprochait ?
Tous les analystes et observateurs sont unanimes à dire qu’il est vraiment temps que soit mis un terme à l’impunité dont semblent bénéficier, tous ceux qui jusque-là sont accusés de détournement de deniers publics, pour donner une chance à un développement économique et social réel et inclusif.
B. Shonin (Correspondant)