Rarement une élection présidentielle n’aura présenté autant d’enjeux. Le contexte actuel de crise pandémique, conjugué à de nombreuses tensions internationales, rend cet événement quinquénaire d’autant plus important à suivre.
Depuis la fin du mandat de François Hollande, le paradigme partisan du système politique français est sinon remis en question, du moins mis à mal. Par là-même, l’époque où la distinction gauche/droite (qu’on doit d’ailleurs aux tribunes des révolutionnaires français) était limpide paraît bien lointaine.
Le fractionnement est légion. Le dialogue est rompu, ou tendu entre certaines factions qui semblent pourtant partager les mêmes orientations politiques. C’est en partie lié à la manière dont l’actuel président à voulu « dépolariser » le débat. Ancien ministre d’un gouvernement socialiste, et donc de gauche selon l’acception traditionnelle, il s’est vite imposé comme un candidat centriste durant la campagne de 2017.
À l’heure du bilan, nombreuses sont les critiques qui perçoivent en ses décisions une orientation vers la droite. Pour cette raison, Valérie Pécresse, l’une des figures politiques ambitionnant l’accès au poste de chef(fe) d’État, est parfois décrit comme le pendant féminin du président sortant (ou restant ; l’avenir nous le dira).
Acclamée par certains, conspuée par d’autres, elle ne laisse en tout cas pas indifférent. Dans les lignes à venir, nous vous livrons notre analyse sur la campagne de cette candidate, en nous concentrant particulièrement sur son discours du 13 février.
Le discours de Valérie Pécresse du 13 février 2022 : pour beaucoup, un fiasco
Nous n’avons pas pour ambition de prendre position. Il ne s’agit pas pour nous de valoriser particulièrement Valérie Pécresse ou, au contraire, d’attiser une quelconque haine envers elle.
En revanche, et en restant parfaitement objectifs, nous pouvons constater que l’allocution de la candidate a été particulièrement mal reçue, parfois férocement critiquée, que ce soit au sein des médias officiels, parmi les politiques ou sur les réseaux sociaux.
Mais qu’est-ce qui lui a été reproché, concrètement ?
Un manque de naturel
Les railleries sur le fameux réseau Twitter n’ont pas cessé de pleuvoir durant le discours. Les habitués de cette plateforme le savent : les twittos se montrent rarement tendres, et c’est un doux euphémisme. En l’occurrence, c’est un manque de naturel qui a été souligné.
L’indépendant, à travers l’un de ses articles, revient justement sur les commentaires formulés par les internautes (source). On y découvre notamment le tweet d’un certain Jean-Louis, qui considère que « la forme est absolument catastrophique ». Un autre intervenant va jusqu’à dire que « ça serait drôle si ça n’était pas si grave ».
Vous vous demandez peut-être pourquoi nous insistons autant sur ces piques lancées contre l’éloquence de Madame Pécresse.
C’est qu’en réalité, la politique ne gravite pas uniquement autour des contenus et des idées, particulièrement dans un système politique comme celui de la Ve République, où la figure centrale du pouvoir incarne la posture de la nation – lui donne en partie forme, pour ainsi dire.
Lorsque les internautes se moquent de la performance oratoire livrée par la candidate, ils semblent soupçonner un manque d’authenticité ; la mise en scène ratée d’une intervention guindée. Encore une fois, nous n’endossons pas ces propos. Mais ils montrent l’importance que l’art et la manière prennent quand il s’agit de conférer une certaine crédibilité à ceux qui briguent le poste tant convoité.
Des propos ambigus
Dans le climat de confusion idéologique qu’on a décrit tout à l’heure, les Français peinent à trouver leurs repères.
Ainsi, l’utilisation du terme « grand remplacement » lui a été vivement reprochée. Pour rappel, c’est un concept largement rattaché à l’extrême-droite. Ses théoriciens et relayeurs considèrent que de nombreuses villes, voire régions de la France sont progressivement privées de la culture française « traditionnelle », et que la place y est faite à d’autres pratiques, d’autres modes de vie, principalement ceux de la communauté musulmane.
L’expression est notamment mobilisée par Monsieur Eric Zemmour. Il a d’ailleurs tout récemment affirmé, à l’occasion d’une interview sur la chaîne CNews, qu’à son avis Madame Valérie Pécresse « essayait de parler comme [lui] », pour rallier une partie des électeurs de droite (source).
La candidate a d’ailleurs dû s’en expliquer (source). Elle a rejeté toute corrélation entre le terme « grand remplacement » et sa véritable idéologie. Selon ses explications, elle a eu ces paroles dans une logique de dénonciation ; elle a pris l’expression à contre-pied, et ne s’en veut absolument pas le chantre.
Mais le problème est plus profond. Madame Pécresse pourrait publier un livre complet pour livrer ses arguments : la machine est déjà lancée. Certains électeurs potentiels se montrent très dubitatifs, parce qu’ils craignent un flirt avec l’extrême-droite. Ses détracteurs profitent de l’occasion pour saper la campagne.
Le discours de Madame Valérie Pécresse au Zénith : a-t-il été rédhibitoire ?
Soyons clairs avant tout : nous n’avons aucun pouvoir divinatoire. À ce stade, il est difficile de mesurer clairement l’impact du discours tenu par la candidate sur l’issue des votes en avril 2022.
Toutefois, certains se sont montrés très durs et n’ont pas hésité à parler d’un naufrage, un parlementaire ayant été jusqu’à dire que c’était « le Titanic » (source).
Triste vérité ? Exagération ? Récupération par les adversaires pour torpiller le travail de Valérie Pécresse ? Il est difficile de trancher.
Ce qui est sûr, c’est que l’allocution n’a pas fait l’unanimité. À demi-mot, la concernée elle-même semble reconnaître une certaine forme d’échec. Lors de son passage à Cannes le 18 février 2022, elle a tenu à préciser qu’un « meeting ne [faisait] pas l’élection » (source) en s’adressant à une citoyenne visiblement déçue.
Cela ne l’empêche pas de « tracer sa route », comme elle le dit elle-même ; autrement dit de poursuivre son effort sans se laisser abattre par les événements au Zénith et surtout par le déferlement de haine, de colère ou d’indignation qui a suivi.
Il faut continuer à suivre l’actualité de près pour savoir si ce meeting n’était qu’un accident de parcours, ou s’il a marqué la fin du rêve présidentiel pour Madame Pécresse.
Ongui Simplice
onguisimplice@afriquessor.co.uk