En Côte d’Ivoire, la tension politique monte depuis l’annonce par Alassane Ouattara de sa candidature à un 3e mandat présidentiel début août. Des manifestations sporadiques émaillées de violences ont fait 15 morts le mois dernier. Ce dimanche 20 septembre, l’opposition a appelé à la mobilisation de ses partisans en vue de prochaines manifestations contre cette candidature. L’opposition, dont le doyen Henri Konan Bédié appelle à la « désobéissance civile », exige un nouveau Conseil constitutionnel et une nouvelle Commission électorale avant l’organisation de toute élection. « L’opposition est irresponsable. Il n’est pas question de revenir en arrière », répond le RHDP, bien décidé à aller aux élections le 31 octobre comme prévu. Adama Bictogo est directeur exécutif du RHDP (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix), la coalition des partis politiques qui soutiennent la candidature d’Alassane Ouattara. Il répond aux questions de Pierre Pinto.
RFI: Adama Bictogo, l’opposition appelle à la mobilisation de ses partisans contre la candidature d’Alassane Ouattara et contre les conditions dans lesquelles se déroule le processus électoral en vue de la présidentielle du 31 octobre. Henri Konan Bédié a même appelé à la désobéissance civile. Quelle est votre réaction ?
Adama Bictogo : L’opposition excelle dans son incohérence ! On ne peut pas, en même temps, avoir déposé ses dossiers à la Commission électorale, avoir donc accepté que ces dossiers soient transmis au Conseil constitutionnel, acceptant ainsi les principes que nous impose le processus électoral… On ne peut pas, en même temps, vouloir la chose et son contraire ! Parce qu’à la vérité, l’opposition n’a pas préparé cette élection. L’opposition, qui brille par son incapacité à faire une offre politique, est en train d’organiser les Ivoiriens autour de sujets qui ont déjà divisé. Le président Bédié porte pour l’opposition un message de désobéissance, qui n’a pas été suivi par les Ivoiriens, parce qu’il est inaudible.
Cette opposition n’est pas capable de mobiliser sur le terrain massivement, contrairement au RHDP ? C’est ce que vous dites ?
Tout à fait. C’est une opposition aux abois, qui a du mal à mobiliser pour deux raisons. La Côte d’Ivoire, aujourd’hui, par ses performances économiques, a permis à une grande majorité des Ivoiriens d’en tirer profit, mais de pouvoir se projeter. Et donc les Ivoiriens, dans leur majorité, sont jaloux d’aujourd’hui, des performances que nous avons et de la stabilité que connaît notre pays. Ce qui est un frein pour l’opposition ! L’opposition n’a qu’un seul élément. C’est toujours de parler de réconciliation… De quelle réconciliation parlent-t-ils ?
Les Ivoiriens, dans leur grande majorité, se sentent bien. Mais ce qu’ils utilisent, à la vérité, c’est d’organiser des oppositions intercommunautaires pour pouvoir donner l’impression que les Ivoiriens ne s’entendent pas. Donc aujourd’hui, pour nous – le RHDP -, devant cette désobéissance, nous avons demandé à nos gens de rester mobilisés, parce que ce que nous ne pouvons pas accepter, c’est que l’on installe la chienlit. Donc nous invitons l’oppositions à plus de responsabilité. Si l’opposition est réellement sure d’elle-même, cohérente – comme ils parlent, aujourd’hui, d’être unis -, dès lors que le président Bédié a été retenu, que le Premier ministre Affi N’Guessan a été retenu… Ils peuvent porter le flambeau de l’opposition. C’est parce qu’ils ont peur, à la vérité !
Le représentant de l’ONU en Afrique de l’Ouest, Mohamed Ibn Chambas, est à Abidjan en ce moment. Lundi, il a appelé les acteurs politiques à la concertation. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
La concertation a toujours existé. Il y a eu le dialogue politique… Quand les partis d’opposition ont saisi la Commission électorale à effet de prolonger la période de révision de la liste électorale, nous avons tous adhéré. Le RHDP a adhéré, parce que nous tirions tous profit, donc c’est né d’une concertation. On a l’impression que l’opposition veut aller à ce match en ayant l’arbitre avec eux – issu de leur camp -, en nous demandant de sortir le meilleur attaquant, c’est-à-dire notre candidat, et que le processus soit conforme à leur organisation. A la limite, l’opposition est en train de nous demander sans compétir de leur donner le pouvoir. D’ailleurs, ce n’est pas surprenant, parce que le président Bédié – s’il s’en souvient, en 1995 -, a éliminé tout le monde pour se retrouver tout seul.
Pour vous, il n’est pas question de discuter pour aplanir un peu les tensions ?
On ne peut pas en même temps vouloir engager une discussion, quand certains membres de l’opposition – de l’extérieur -, se permettent de dire que l’élection n’aura pas lieu, et que, si l’élection avait lieu, le président Ouattara ne sera plus président.
Vous faites allusion à Guillaume Soro…
Je trouve cela irresponsable, prétentieux… Et nous ne pouvons pas l’accepter, ce n’est pas le mode à utiliser pour aller à une concertation. Le président Alassane Ouattara et le RHDP, ont toujours prôné le rassemblement et la concertation. Ceci étant, la concertation doit se tenir dans un cadre légal avec des points précis. On ne peut plus revenir sur la Commission centrale électorale. Il n’en est pas question ! On ne peut pas revenir sur la décision du Conseil constitutionnel.
Pas question d’un report du scrutin…
Il n’y a pas de raison de reporter les élections. D’abord, la date est constitutionnelle – d’une part -, et deuxièmement, jusque-là, la Commission électorale a fait un parcours sans faute. La révision électorale s’est bien passée, les parrainages – ceux qui ont respecté les normes – ont pu avoir leur parrainage…
Beaucoup contestent…
Si vous regardez ceux qui contestent, ce sont ceux qui en réalité n’ont aucun poids politique. Dans tous les cas, ils auraient contesté. Donc je pense qu’il n’y a rien, aujourd’hui, qui puisse justifier un report des élections. Nous, nous sommes en ordre de bataille, parce que ce qui compte, c’est de gagner les élections, et nous – le RHDP -, nous nous sommes organisés pour gagner cette élection.
Si l’opposition appelle au boycott, est-ce que vous ne craignez pas une crise post-électorale grave ?
La crédibilité d’une élection ne se juge pas en nombre de participants. La crédibilité d’une élection se juge par la qualité du processus et très souvent par le taux de participation à l’élection. Si les Ivoiriens ne boudent pas l’élection et que des candidats refusent d’y aller, l’élection demeure crédible et légitime.
SOURCE : rfi.fr