Le lundi 14 septembre 2020, le Conseil Constitutionnel s’est réuni en session extraordinaire en vue de rendre public les résultats des délibérations sur les dossiers de candidatures relatives à l’élection présidentielle d’octobre de la même année. Effet, Sur 44 dossiers de candidatures déposés à la Commission électorale indépendante et provisoirement validés par ledit Conseil, seuls 4 ont été retenus. Parmi les candidats officiels à l’élection présidentielle d’octobre 2020, figurent Pascal Affi N’Guessan (FPI), Kouadio Konan Bertin (indépendant), Henri Konan Bédié (PDCI-RDA) et Alassane Ouattara, président sortant et courant sous la bannière du RHDP.
Après la proclamation des candidatures, les candidats malheureux ont exprimé leur mécontentement invoquant chacun le manque de démocratie dans la décision du Conseil Constitutionnel.
Nous synthétisons puis analysons les différentes revendications de ces malheureux du jour à l’aune de ce que nous qualifions de stratégie grossière de conservation du pouvoir se déployant sur une période considérable pour ressortir la volonté manifeste du stratège Alassane Ouattara.
Les faits
– La majorité des recalés l’a été pour défaut de paiement de la caution de 50 millions de FCFA: Ahoua Stallone, Gohourou Ziallo, etc. Bref, les candidats pour la plupart inconnus.
– Les statuts intermédiaires ont été recalés pour défaut de parrainages citoyens: Mamadou Koulibaly, Mabri Toikeusse, Gnamien Konan, Amont Tanoh.
– Les statuts dits sérieux ont été recalés parce que rayés des listes électorales : Soro Guillaume, Laurent Gbagbo
De la stratégie de conservation du pouvoir d’Etat
Alassane Ouattara n’a jamais manifesté aucun désir de s’éloigner encore moins de lâcher le pouvoir d’État. Il a donc tout mis en œuvre pour se faire tous ses concurrents en leur attribuant des raisons valables de rejet de leurs candidatures. Une analyse chronologique de l’implémentation des mesures cruciales qui ont éliminé ces candidatures s’avère nécessaire pour comprendre la stratégie de conservation du pouvoir du clan Alassane Ouattara.
La mesure de la caution de 50 millions et l’institution des parrainages citoyens ont été rajoutées au Code électoral par la seule volonté du président Ouattara. En effet, à quelques mois du scrutin d’octobre 2020, précisément début avril 2020, le gouvernement de Côte d’Ivoire décide de la modification du Code électoral par ordonnance, invoquant la pandémie du coronavirus pour ne pas passer par le pouvoir législatif, encore moins par un référendum. Ouattara décide unilatéralement que la caution passerait désormais de 20 millions de FCA à 50 millions et qu’étaient institués des parrainages citoyens. Ces deux mesures règlent les cas des candidatures “fantaisistes” et éliminent ceux qui peuvent avoir les 50 millions mais ne sont pas suffisamment représentatifs sur le terrain politique afin de réunir les parrainages nécessaires. En fait, ce n’est qu’une stratégie de légitimation de sa stratégie.
Pour les gros bonnets, Alassane Ouattara et son régime ont eu recours à la stratégie Politico-juridique. La justice a été instrumentalisée pour coller des peines de 20 ans à Laurent Gbagbo et Soro Guillaume. Laurent Gbagbo a été condamné par contumace à 20 ans de prison avec une amende 329 milliards de FCFA en janvier 2018, sa radiation de la liste électorale n’intervenant que le 27 août 2020 après sa demande de passeport suite à son acquittement à la Cour Pénale Internationale où il était détenu depuis la crise post-électorale de 2010-2011. Il lui est reproché le braquage de la BCEAO lors de la crise post-électorale de 2010-2011. Soro Guillaume, quant à lui, prend 20 ans de prison par contumace avec une amende de 4,5 milliards en avril 2020 pour des faits de recel de deniers public détournés et de blanchiment de capitaux. Il sera radié de la liste électorale le 26-27 août 2020 après l’annonce de sa candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2020.
En somme, si la stratégie de Ouattara a été plus rapide à exclure du jeu électoral les deux premières catégories de personnes, il faut noter que les cas de Gbagbo Laurent et de Soro Guillaume ont demandé beaucoup d’ingéniosité. Ouattara Alassane a déployé sa stratégie sur deux axes en s’inscrivant dans une posture d’observateur des événements politiques. Ceci s’explique par l’écart entre la prononciation des condamnations et la radiation des listes électorales, qui, elle semble gagnée par la précipitation due à des externalités que seul le prince-stratège sera à même d’expliquer.
Alassane Ouattara a réussi son coup, pourrait-on dire ou le croire. Seulement la démocratie ne s’en porte pas mieux pour autant et la réconciliation entre les Ivoiriens prend manifestement un coup. Nous ne pouvons que souhaiter bonne chance aux candidats acceptés et que le jeu les élections se passe dans un élan démocratique.
Cependant, nombre d’observateurs s’interrogent sur ce qui pourrait constituer la 2e phase de la stratégie de conservation du pouvoir par le clan d’Alassane Ouattara. Les jours à venir nous situeront.
Charles TOALI
Analyste politique
Spécialité des discours et des nouvelles logiques de communication