Dépôt au Secrétariat Général le 06 septembre 2020

AFFI N’GUESSAN PASCAL Président du FPI

M. Le Président et Conseillers composant le Conseil Constitutionnel.​​​​​​​

Le FRONT POPULAIRE IVOIRIEN en abrégé FPI, Parti politique déclaré sous le récépissé N° 271 INT.AT.AG. 5 du 31 mai 1990, dont le siège social sis à Abidjan-Cocody, les deux-plateaux vallons, à la Fondation Memel Foté, 22 BP 302 Abidjan 22, Tel : 05.92.79.79 /40.32.37.26 ;

Agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal, Monsieur AFFI N’GUESSAN PASCAL, son Président, demeurant au siège susdit ;

A L’HONNEUR DE VOUS EXPOSER CE QUI SUIT :
DES FAITS

Le Conseil Constitutionnel a procédé le jeudi 03 septembre 2020 à 18 heures à l’affichage de la liste provisoire des candidats à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020.

Sur cette liste, figure le nom du candidat Alassane OUATTARA, investi par le Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP), par ailleurs Président en exercice ayant cumulé deux mandats présidentiels au terme des élections présidentielles de 2010 et 2015.

Or, ce dernier n’est pas éligible.

C’est pourquoi, au regard de l’analyse qui suit, après avoir déclaré le présent recours recevable, le Conseil Constitutionnel voudra bien déclarer inéligible monsieur Alassane OUATTARA et par conséquent rejeter sa candidature.

I – DE LA RECEVABILITE DE LA PRESENTE ACTION TIREE DE LA QUALITE ET DE L’INTERET A AGIR DU DEMANDEUR

Il résulte des dispositions de l’article 56 du Code électoral : « dès réception des candidatures, celle-ci sont publiées par le Conseil Constitutionnel. Les candidats ou les partis politiques les ayant investis éventuellement, adressent au Conseil Constitutionnel leurs réclamations ou observations dans les soixante-douze heures suivant la publication des candidatures.

Le Conseil Constitutionnel procède au contrôle de l’éligibilité des candidats et à la vérification des parrainages des électeurs, conformément aux dispositions du code électoral… ».

Pièce 1 : Article 56 du Code électoral

Le requérant est un parti politique régulièrement constitué, qui a procédé à l’investiture du candidat AFFI N’GUESSAN Pascal, tel que l’atteste la lettre d’investiture contenue dans le dossier de candidature, réceptionné à cette fin par la Commission Électorale Indépendante (CEI), le 27 août 2020.

Pièce 2 : Copie de la lettre d’investiture du candidat AFFI N’Guessan pascal

C’est donc ès qualité et sur le fondement des dispositions de l’article 56 précité, qu’il a toute qualité et intérêt à faire des réclamations et observations sur la régularité de la désignation des candidats devant figurer sur la liste définitive des candidats à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020, et solliciter par la présente, le retrait de toute candidature à ladite l’élection, présentée en flagrante violation des conditions et formes prévues par les textes en vigueur.

Ainsi, conformément à la publication de la liste provisoire des candidatures intervenue le jeudi 03 septembre 2020 à 18 heures suivant le communiqué du Conseil Constitutionnel, lequel communiqué fixe le terme du délai du dépôt des réclamations ou observations au dimanche 06 septembre 2020 à 18 heures, le présent recours est déposé ce dimanche 06 septembre 2020 au Secrétariat général du Conseil Constitutionnel.

Dès lors, la présente action initiée dans les forme et délai prévus par les textes en vigueur ne peut qu’être conformément à la loi, déclarée recevable.

La présente action sera par ailleurs déclarée bien fondée, conformément aux dispositions légales et règlementaires au regard de l’argumentaire qui suit.

II- DU BIEN FONDÉ DE L’ACTION

La candidature à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 de monsieur Alassane OUATTARA, encourt invalidation par la Juridiction de Céans du fait de son irrégularité manifeste, donc en contradiction flagrante avec les textes en vigueur ainsi que de l’orthodoxie juridique en la matière.

Les irrégularités qui entachent la candidature querellée relèvent d’une part, de la Constitution et du Code électoral en leurs dispositions régissant l’élection présidentielle, et d’autre part de la jurisprudence constante du Conseil Constitutionnel qui participe de l’ordonnancement juridique ivoirien.

  • A- De l’irrégularité de la candidature querellée tirée des dispositions textuelles

Au titre des diverses conditions d’éligibilité à l’élection du Président de la République, l’article 55 de la Constitution dispose « Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois.

Il choisit un vice-président de la République, en accord avec le parlement… ».

L’article 43 du Code électoral dispose également : « Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois… Le candidat à l’élection présidentielle doit jouir de ses droits civils et politiques et doit être âgé de trente-cinq ans au moins… ».

Pièce 3 : Article 55 de la Constitution du 08 novembre 2016

Pièce 4 : Article 43 du Code électoral

Par ailleurs, il convient de rappeler que la défunte Constitution du 1er août 2000 avait également consacré le principe de la limitation des mandats présidentiels à deux, exprimé dans les dispositions susvisées, à travers son article 35 qui disposait expressément :

« Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois. Le candidat à l’élection présidentiel doit être âgé de quarante ans au moins et de soixante-quinze ans au plus… ».

Pièce 5 : Article 35 de la Constitution du 1er août 2000

Il s’induit de ces dispositions que le principe de la limitation des mandats présidentiels préexiste dans l’ordonnancement juridique ivoirien depuis la Constitution du 1er août 2000, toute chose qui a pour effet de rendre illégal tout mandat présidentiel au-delà du deuxième exercé, depuis l’entrée en vigueur de ladite Constitution.

Par conséquent, en Côte d’Ivoire le mandat du Président de la République est limité à deux (02) mandats.

Or, Monsieur Alassane OUATTARA est au terme de son deuxième mandat présidentiel. Il ne peut donc pas briguer un autre mandat.

Toutefois, l’avènement de la nouvelle Constitution du 8 novembre 2016, intervenu au cours de son second mandat a-t-il eu pour effet de remettre la comptabilité de ses deux précédents mandats présidentiels à zéro ?

La réponse à cette question est clairement NEGATIVE et ne souffre d’aucune ambiguïté.

En effet, l’article 55 alinéa 1er suscité de la Constitution de 2016 a simplement reconduit en des termes identiques, le principe de la limitation des mandats présidentiels.

Ainsi, la reconduction dudit principe dans le droit positif ivoirien, n’a nullement cessé de produire ses effets depuis 2000, et ce, de façon continue.

En conséquence, les deux mandats présidentiels du Candidat Alassane OUATTARA obtenus en 2010 et 2015 tombent sous le coup du principe de la limitation des mandats.

Le Candidat Alassane OUATTARA, ne peut prétexter d’une virginité de mandature, lui permettant de briguer un troisième mandat, faussement dénommé « le premier mandat de la troisième République ».

De toute évidence, il a poursuivi son deuxième mandat sous l’empire de la Constitution de 2016.

Il est par ailleurs incontestable que la Constitution de 2016 en vigueur en lieu et place de remettre les compteurs de son mandat présidentiel à zéro, a plutôt consacré son deuxième mandat.

A titre de preuve, conformément à l’article 179 de ladite Constitution, qui dispose :

« Le Président de la République en exercice à la date de la promulgation de la présente Constitution nomme le Vice-président de la République après vérification de ses conditions d’éligibilité par le Conseil constitutionnel. Le président de République met fin à ses fonctions.

Le Vice-président de la République ainsi nommé prête serment dans les conditions prévues par la loi devant le Conseil constitutionnel réuni en audience solennelle », le candidat Alassane OUATTARA dans l’exercice de ses fonctions présidentielles de son deuxième mandat, a effectivement nommé un Vice-Président en la personne de Monsieur Daniel Kablan Duncan et a promulgué l’actuelle Constitution.

Pièce 6 : Article 179 de la Constitution du 08 novembre 2016

En outre, les dispositions de l’article 183 de la Constitution de 2016 précisent avec clarté que « La législation actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire reste applicable, sauf l’intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution ».

Pièce 7 : Article 183 de la Constitution du 08 novembre 2016

Alors qu’il est constant que par application du principe de la continuité législative susmentionné, il y a lieu de se référer aux dispositions de l’article 51 de la Constitution de 2016 qui précise les textes concourant à la définition des conditions et modalités de désignation du Président de la République.

« Le peuple exerce sa souveraineté par la voie du référendum et par ses représentants élus.

Les conditions du recours au référendum ainsi que les modalités de l’élection du Président de la République et des membres du Parlement sont déterminées par la Constitution et précisées par une loi organique ».

Pièce 8 : Article 51 de la Constitution du 08 novembre 2016

Or, il n’existe pas de loi organique précisant les modalités de l’élection du Président de la République, lesquelles modalités prennent en compte les conditions d’éligibilité, dont notamment la durée du mandat.

A défaut d’une loi organique, il convient de s’en remettre au Code électoral du 1er août 2000, qui dispose sans aucune ambiguïté en son article 43 alinéa 1er :

« Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois ».

Dès lors que le même principe de la limitation des mandats prévaut dans le Code électoral depuis son entrée en vigueur en 2000 sans aucune interruption, il est illusoire d’alléguer que ce principe aurait disparu à l’avènement de l’actuelle constitution de 2016, qui d’ailleurs l’a elle-même reconduit.

En tout état de cause, outre les pertinentes dispositions constitutionnelles et législatives qui établissent la vacuité des arguties qui tenteraient de conférer un soupçon de légalité à la candidature de monsieur Alassane Ouattara, il convient de rappeler la constance jurisprudence du Conseil Constitutionnel qui de façon explicite abonde dans le sens du requérant, relativement à la survivance des dispositions et principes de la Constitution du 1er août 2000.

  • B – De l’irrégularité de la candidature contestée tirée de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel

La candidature de monsieur Alassane OUATTARA, non seulement se trouve être aux antipodes de la légalité textuelle ivoirienne au regard de ses deux mandats successifs de 2010 et 2015, mais en outre, elle se trouve en totale désaccord avec la jurisprudence constante et solidement établie du Conseil Constitutionnel.

En effet, à l’occasion de sa saisine le 08 août 2018 par le Président de l’assemblée nationale relativement à l’examen de la conformité du règlement de ladite Assemblée avec la Constitution, le Conseil Constitutionnel a eu à préciser son interprétation des dispositions de l’article 183 de la Constitution de 2016, résultant de la rédaction primitive de l’article 134 alinéa 1 de ladite Constitution.

Ainsi, au travers des 4ème et 5ème « considérant » de sa décision N°CI 2018-008/DCC/23-08/CC/SG, la Juridiction de Céans énonçait :

« Considérant, cependant, que l’article 183 de la Constitution prescrit que « la législation actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire reste applicable, sauf l’intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution » ;

« Considérant que la législation actuellement en vigueur en cette matière est l’article 95 de la Constitution du 1er août 2000 qui énonce que : « les engagements internationaux visés à l’article 84 avant leur ratification, les lois organiques avant leur promulgation, les règlements de l’Assemblée nationale avant leur mise en application, doivent être déférés par le Président de la République ou le Président de l’Assemblée nationale au Conseil constitutionnel qui se prononce sur leur conformité à la Constitution… » ;

Pièce 9 : Copie de la décision N°CI 2018-008/DCC/23-08/CC/SG

Il s’infère que, pour s’assurer de la recevabilité de la requête du Président de l’assemblée nationale, le Conseil Constitutionnel a dû faire prévaloir les dispositions de l’article 95 de la défunte Constitution de 2000, non sans préciser, qu’elle participait conformément à l’article 183 de la Constitution, de la législation en vigueur.

Pièce 10 : Article 95 de la Constitution du 1er août 2000

En conséquence de ce qui précède, loin de priver d’effets les principes et prescriptions de la Constitution du 1er août 2000, les sages du Conseil Constitutionnel les ont maintenus dans l’ordonnancement juridique ivoirien, dès lors que ces derniers ne sont nullement contraires à l’actuelle Constitution.

Si donc l’article 95 de la Constitution du 1er août 2000 continue à déployer ses effets de droit, pour être utilisé en 2018, soit deux ans après l’entrée en vigueur de la Constitution de 2016, il ne peut être valablement objecté que l’article 35 de la Constitution de 2000 relatif au principe de la limitation des mandats, pourtant reconduit à l’article 55 de l’actuelle Constitution de 2016, ne puisse produire d’effet.

Il est constant et il ne peut être contesté que monsieur Alassane OUATTARA a épuisé ses deux mandats présidentiels.

Le principe de la limitation des mandats doit lui être opposé.

D’ailleurs la prestation de serment des trois nouveaux Conseillers de la Juridiction de Céans, intervenue le 1er septembre 2020 en remplacement des conseillers nommés en 2014 sous l’empire de la constitution de 2000, atteste du caractère inopérant du moyen tiré de la remise à zéro des mandats constitutionnels débutés sous la deuxième République.

Si donc, le principe de la limitation du mandat unique de six ans des Conseillers du Conseil Constitutionnel, énoncé à l’article 91 de la Constitution du 1er août 2000 et reconduit à l’article 130 de la Constitution du 8 novembre 2016, n’a pas eu pour effet de remettre à zéro le mandat des Conseillers nommés en 2014, la même solution s’impose au candidat Alassane OUATTARA, qui achève son deuxième et dernier mandat présidentiel.

Pièce 11 : Article 91 de la Constitution du 1er août 2000

Pièce12 : Article 130 de la Constitution du 08 novembre 2016

Monsieur Alassane OUATTARA ne peut donc sans trahir son serment, par lequel il a juré solennellement et sur l’honneur de respecter et de défendre fidèlement la Constitution, se porter candidat à un troisième mandat présidentiel, au risque de perdre la confiance du peuple et subir la rigueur de la loi, tel qu’il résulte de la formule du serment présidentiel, prescrit à l’article 58 de la Constitution qui dispose :

« Devant le peuple souverain de Côte d’Ivoire, je jure solennellement et sur l’honneur de respecter et de défendre fidèlement la Constitution, d’incarner l’unité nationale, d’assurer la continuité de l’Etat et de défendre son intégrité territoriale, de protéger les Droits et Libertés des citoyens, de remplir consciencieusement les devoirs de ma charge dans l’intérêt supérieur de la Nation. Que le peuple me retire sa confiance et que je subisse la rigueur des lois, si je trahis mon serment ».

Pièce 13 : Article 58 de la Constitution du 08 novembre 2016

C’est donc sous le bénéfice de tout ce qui précède que le FRONT POPULAIRE IVOIRIEN sollicite très respectueusement, qu’il plaise au Conseil Constitutionnel, dans sa mission de contrôle et de vérification de l’éligibilité des candidats à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020, bien vouloir déclarer monsieur Alassane OUATTARA inéligible et rejeter sa candidature à la suite du présent recours.

ET CE SERA JUSTICE.

POUR RESPECTUEUSE REQUÊTE​

Présentée à Abidjan le 05 septembre 2020

POUR LE FRONT POPULAIRE IVOIRIEN
AFFI N’GUESSAN PASCAL

BORDEREAU DES PIECES

  1. Copie de l’article 56 du Code électoral
  2. Copie de la lettre d’investiture du candidat AFFI N’Guessan pascal
  3. Copie de l’article 55 de la Constitution du 08 novembre 2016
  4. Copie de l’article 43 du Code électoral
  5. Copie de l’article 35 de la Constitution du 1er août 2000
  6. Copie de l’article 179 de la Constitution du 08 novembre 2016
  7. Copie de l’article 183 de la Constitution du 08 novembre 2016
  8. Copie de l’article 51 de la Constitution du 08 novembre 2016
  9. Copie de la décision N°CI 2018-008/DCC/23-08/CC/SG
  10. Copie de l’article 95 de la Constitution du 1er août 2000
  11. Copie de l’article 91 de la Constitution du 1er août 2000
  12. Copie de l’article 130 de la Constitution du 08 novembre 2016
  13. Copie de l’article 58 de la Constitution du 08 novembre 2016