« Notre Constitution »

Monsieur le Président,

Je dédie mon texte sous le haut patronage de la Cour Constitutionnelle à la célébration des soixante ans de l’indépendance. Monsieur le président, notre norme fondamentale est née de la conciliation et non de l’imposition de l’une ou l’autre faction politique et de cette manière, sa dignité juridique est soutenue par sa force morale dans la poursuite de la justice et de la paix.

Monsieur le président, l’indépendance permet de vous rappeler les réalisations très importantes et de regarder à l’horizon avec des sacoches pleines d’espoir, car son existence même justifie, notre capacité de coexistence jadis remise en question, soutenue par une idéologie éthique qui se reflète dans ses pages et dans nos vies, avant, le fait que la Constitution n’est pas une entité abstraite mais une ligne directrice de conduite que nous appliquons dans les événements quotidiens. De sa main nous avons appris à marcher ensemble, non pas malgré nos écarts, mais en fait grâce à eux, car ce qui nous unit, c’est précisément la différence, la rencontre avec l’autre, le respect de chaque être humain, qu’il n’y a pas de justice sans l’humanité ou si la solidarité fait défaut, conséquence de ce que les classiques appelaient l’amitié ou la fraternité.

Monsieur le président, cet anniversaire nous interpelle tous. Vous avez l’obligation d’être à la hauteur. Tout le travail humain est imparfait, la Constitution l’est aussi. Mais le fait qu’il soit n’est pas un obstacle à la reconnaissance de ses mérites incontestables et de sa générosité. Ainsi dans l’articulation même de l’Etat des autonomies, aujourd’hui en cause, surtout par des positions, protégées par la même norme que certains nient, un paradoxe qui nous montre pourtant sa grandeur. Monsieur le président, ce n’est pas un problème parmi tant d’autres. Le dialogue est nécessaire. Le dialogue n’est pas un renoncement mais un moyen de compréhension mutuelle. Les conflits font parfois rage, mais des voies ou canaux doivent être essayés pour les rendre supportables, sans dégénérer, comme c’est le cas, en une rupture de la coexistence qui menace l’essence de ces principes que nous disons le plus souvent partager. Pour cette raison, vous devez examiner votre conscience et noter qu’au-delà de l’idéologie de chaque individu, nous partageons des valeurs communes et un style de vie qui, après tout, comme l’a dit un philosophe, constitue l’essence d’une nation, au-delà de sa structure politique et administrative. Et donc l’opportunité du moment. La Constitution présente tout au long de ces soixante années une histoire de conciliation qui ne doit pas être interrompue,

Monsieur le président, un juriste avait soutenu à juste titre que notre Constitution accueille un « pactum libertatis » qui, selon la tradition constitutionnelle ivoirienne, garantit une « loi supérieure ». D’où le caractère essentiel du chapitre sur les droits fondamentaux qui soumet sa réforme aux mêmes exigences que l’édition d’une nouvelle Constitution. Et cette garantie, au-delà des considérations scientifiques, est essentielle pour notre vraie vie.

Monsieur le président, la reconnaissance et la préservation des droits fondamentaux dissipe toute critique fondée sur l’observation fallacieuse que le principe démocratique n’est rien de plus que l’introduction d’une procédure formelle sans contenu, au contraire, le principe démocratique est proprement substantiel et pas du tout étranger à l’idéal justice incarnée dans ces mêmes droits. Nul ne peut nier la justice, même s’il ne nous est pas possible de la réaliser dans son expression la plus absolue. Même pour ceux qui n’y croient pas ou qui la considèrent utopique, la confession du juriste américain Kelsen, demeure : « La justice pour moi se produit dans cet ordre social sous la protection duquel la recherche de la vérité peut progresser. Ma justice, en somme, est celle de la liberté, celle de la paix ; la Justice de la démocratie, celle de la tolérance ».

Monsieur le président, la forme démocratique est, parce qu’elle légitime son contenu, dans la mesure où elle fournit un canal de composition ou une procédure impartiale pour accueillir, selon les termes d’Habermas, la « raison communicative », c’est-à-dire opposer la revendication de validité des différentes options morales. Le droit positif cherche alors à fonder sa légitimité sur la légalité, mais sans tourner le dos aux jugements moraux.

En conclusion, monsieur le président, la foi publique remplit ainsi sa mission constitutionnelle d’offrir un espace sûr de liberté et de justice.  Vous êtes le garant de cette institution et le peuple vous regarde. Monsieur le président, rappelez vous de l’article 51 et 55 de constitution de 2016.

Que Dieu vous donne la sagesse comme celle de Salomon.

N’DRE SAM BEUGRE
Docteur en Philosophie et écrivain
Doctorant en droit international (CEDS)