Depuis la mort de notre premier président Felix Houphouët Boigny, notre pays va très mal. La première menace de notre unité nationale était le coup d’Etat contre le pouvoir du président Henri Konan Bédié. Un groupe de soldats se révolte le 23 décembre 1999. Refusant de démissionner à la demande des soldats, Henri Konan Bédié est renversé par un coup d’État le lendemain. L’ancien commandant de l’armée, en retraite, Robert Guei, est appelé en tant que chef d’un Comité National de Salut Public et joue le « Père Noël en treillis ». Ce dernier organise les élections en 2000. A cette élection, les principaux candidats de l’opposition, à l’exception du président Laurent Gbagbo sont empêchés d’y participer. Robert Guei est battu à cette élection par Laurent Gbagbo mais refuse de reconnaître ce résultat. Les manifestations de rue éclatent, ce qui porte Laurent Gbagbo au pouvoir. Mais une crise politico-militaire éclate le 19 septembre 2002 et plonge le pays dans une période d’incertitude. La solution de cette crise était l’organisation d’une élection présidentielle ouverte à tous, en 2010. Ce qui était considéré comme une bouée de sauvetage se transforme en cauchemar avec une violente crise postélectorale qui fait plus de 3.000 morts dans le pays. Et depuis 2011, cette période sombre de l’histoire de notre pays a jeté un discrédit sur la Côte d’Ivoire. Les élections de 2015 ont enregistré la victoire du président Ouattara mais pas un plébiscite car sans enjeu. Désormais, les Ivoiriens se tournent vers l’élection présidentielle de 2020. Peut-on encore se payer le luxe de ternir une fois de plus l’image de notre pays ? La réponse est évidente, la Côte d’Ivoire doit revenir à l’ère d’Houphouët où le pays était vivable. Cependant, les préconditions des futures élections dans notre pays, ne présagent pas de beaux jours. La première pomme de discorde est la liste électorale et la composition de la commission électorale indépendante (CEI). Cette présente réflexion a pour objectif d’interpeller la communauté nationale et internationale sur une possible crise qui pointe à l’horizon, en Côte d’Ivoire.
Des irrégularités lors de l’enrôlement
La révision des listes électorales, qui s’est déroulée du 18 au 24 juin, a abouti à l’enregistrement de 428 233 personnes nouvellement inscrites. Elles s’ajoutent aux 6 318 311 personnes déjà présentes sur les listes électorales. Dans un communiqué du 29 juin 2020, le président de la CEI, Ibrahime Coulibaly-Kuibert, a annoncé une nouvelle prorogation jusqu’au 05 juillet 2020 à 12h. Nous sommes le 7 juillet 2020, la période de révision est théoriquement arrivée à son terme. Mais le fait marquant reste les nombreuses irrégularités constatées, partout, en Côte d’Ivoire. Le secrétaire général du FPI, Dr Assoa Adou, a révélé des difficultés dans la conduite de l’opération d’inscription sur le listing électoral. Il a fait cas de l’enrôlement « frauduleux » sur le fichier électoral, de ressortissants de la sous-région ouest-africaine, notamment dans les localités de Bamo à Yamoussoukro et de Wassolonka à Divo. Le FPI fait également mention de graves défaillances dans la conduite même de l’opération d’enrôlement et cite entre autres l’érection de certains domiciles de cadres du RHDP, en lieu d’enrôlement pour certaines catégories de citoyens. De son côté, le président Bédié a affirmé sans détour, que les non-nationaux ont été enrôlés pour servir de bétail électoral.
De la nécessité d’un audit de la liste électorale
Des soupçons de fraudes sur la liste électorale se font jour et les choses doivent évoluer. Mais malgré les critiques et dénonciations de l’opposition, le pouvoir actuel, qui a bénéficié hier de l’appui de la communauté internationale pour nettoyer la liste électorale, n’en a cure. Ce pouvoir est tellement amnésique qu’il n’a retenu aucune leçon de l’histoire récente de notre pays suite à des élections contestées. Il est désormais admis que l’instabilité politique en Afrique provient, en grande partie, des élections mal organisées. Tout d’abord, les fraudes se passent au niveau institutionnel et administratif. Le fraudeur dissimule ses intentions dans les opérations de recensement général de la population en procédant au rétrécissement du fief électoral de l’adversaire (charcutage électoral). Ensuite, le fraudeur dissimule ses intentions dans la loi électorale. Par exemple, on peut durcir les conditions d’éligibilité ou de vote dans le but d’exclure tout ou partie des adversaires ou de l’électorat. Enfin, dans l’organisation des élections, on relève une composition partisane de la commission électorale et du corps électoral qui demeure en faveur du pouvoir en place. Les citoyens identifiés comme faisant partie des partisans de l’opposition ne sont pas toujours inscrits sur les listes électorales ou encore, ils sont détournés de leurs lieux de résidence habituelle dans le but de les décourager d’aller voter. La pire des fraudes est l’enrôlement des étrangers et des morts sur la liste électorale, le tout, au profit du pouvoir en place. Nous pouvons citer l’exemple de la Guinée. Dans ce pays, 10 jours d’audit auront suffi à un cabinet de trois experts de la CEDEAO (Communiqué Économique des États de l’Afrique de l’Ouest) pour découvrir que plus de 2,4 millions d’électeurs douteux figurent sur la liste électorale. Ces 2,4 millions de personnes sont sur le fichier électoral sans pièces justificatives. Toujours selon l’audit sur les 11,6 millions de personnes inscrites sur la liste électorale, 3,5 millions « doublons » sont révélés, 164 000 décès et près de 59 000 mineurs des anomalies qui ont amené les autorités guinéennes à reporter les élections. Il s’agissait du double scrutin couplant élections législatives et le référendum constitutionnel.
Au regard des signes avant-coureurs d’une crise postélectorale future, nous appelons la communauté nationale et internationale à soutenir l’idée d’un audit pour assurer la transparence et la crédibilité des futures élections en Côte d’Ivoire. Si l’opposition ne mène pas ce combat, alors qu’elle se taise et accepte le braquage électoral qui se dessine.