Le remède contre le covid-19 découvert au Bénin et à Madagascar, les Européens ne veulent pas en entendre parler parce qu’ils pensent que c’est toujours leur volonté qui doit compter, parce qu’ils n’ont jamais eu de considération pour nos choses (religions, institutions, lois, coutumes, résistants, etc.). Bref, pour eux, rien de bon ne peut venir ou sortir de l’Afrique. Ils sont convaincus d’être le seul continent à posséder et à offrir ce qui est bon, beau et vrai aux autres qui seraient arriérés et maudits. Ils sont persuadés d’être les seuls peuples à savoir et à décider qui mérite de vivre ou de mourir. Mais pour qui se prennent-ils à la fin ? Peut-être s’imaginent-ils qu’ils sont au-dessus de Dieu puisqu’ils ne croient plus en Lui depuis qu’un certain Nietzsche a décrété sa mort sans autre forme de procès. Sur notre dos, ils veulent une fois de plus gagner de l’argent, le seul dieu qu’ils adorent et respectent, nous vendre leur médicament contre le coronavirus, médicament qui forcément coûtera plus cher que l’Apivirine ou le Covid-Organics comme les voitures françaises nous reviennent plus cher que celles fabriquées par le Japon. Alors, ils essaient de nous empêcher de nous soigner avec le médicament que nos braves chercheurs ont trouvé.
Et pourtant, la sagesse et l’humilité devraient les conduire à comprendre que, quand on a été terrassé et humilié par un petit virus, il ne sert à rien de se prendre pour le centre du monde, d’imposer ses vues, de tourner en dérision les découvertes et solutions des autres, de s’identifier à une prétendue communauté internationale qui, pour les mêmes crimes, condamne les uns et absout les autres, de se gargariser de certitudes ou de jouer les humanistes alors que l’on a “trop longtemps rapetissé les droits de l’homme, en a eu, en a encore une conception étroite et parcellaire, partielle et partiale et, tout compte fait, sordidement raciste” (Aimé Césaire dans “Discours sur le colonialisme”).
Ces gens, qui souhaitaient une catastrophe sanitaire en Afrique et avaient hâte de voir le virus exterminer les Africains, sont incapables de réaliser que la fin de leur domination est proche et que l’Afrique est en train de se réveiller.
Mais se réveiller signifie se prendre désormais en charge au lieu de compter sur les autres, au lieu de dépendre éternellement de leur charité ou aide qui n’est jamais désintéressée et qui ne nous a pas fait avancer d’un iota. Autrement dit, le moment est venu de produire ce que nous consommons et de consommer ce que nous produisons, de valoriser nos cultures et langues car “si nous enterrons nos langues, dans le même cercueil, nous enfouissons à jamais nos valeurs culturelles, toutes nos valeurs culturelles d’autant plus profondément que n’ayant pas d’écriture, la langue reste l’unique archive” (Jean-Marie Adiaffi dans “La carte d’identité”).
Doivent prendre fin le ridicule complexe d’infériorité et le “mimétisme nauséabond” (Fanon) qui nous ont poussés à porter des noms ou prénoms étrangers, à embrasser des religions venues d’ailleurs ou à écrire des mémoires et thèses de doctorat sur des auteurs qui eux ont travaillé sur les problèmes de leur société et époque.
Que l’on me comprenne bien ici. Je ne demande pas aux Africains de se couper du monde. Lorsque Césaire déclare que “toute civilisation qui se replie sur elle-même s’étiole”, je ne suis pas en désaccord avec lui. Je ne souhaite donc pas que l’Afrique vive en autarcie. Je veux simplement dire que s’ouvrir aux autres pour prendre chez eux ce qui peut nous enrichir et nous faire avancer ne devrait pas nous empêcher de penser par nous-mêmes et pour nous-mêmes. Car comment les Africains faisaient-ils avant l’arrivée du Blanc ? Comment se nourrissaient-ils et se soignaient-ils ? Comment réglaient-ils leurs conflits ? Ils devaient certainement se servir de leur intelligence. Plutôt que d’importer les solutions des autres qui sont le fruit de leurs réflexions, pourquoi ne faisons-nous pas comme nos ancêtres ? Les solutions importées devraient d’autant moins nous intéresser que les réalités et besoins des Européens sont quelquefois différents des nôtres.
Lorsque le coronavirus commença à faire des victimes en France, on vit tel ou tel dirigeant de l’Afrique francophone adopter le confinement sans discernement juste pour faire comme Emmanuel Macron. C’est le même suivisme moutonnier qui nous faisait prendre des vacances de printemps en même temps que les élèves et étudiants de France alors qu’il n’y a ni hiver ni printemps en Afrique. J’ai donné ces deux exemples pour mieux défendre la thèse suivante : la crise du covid-19 doit être perçue par les Africains (chercheurs, dirigeants et populations) comme une opportunité à saisir pour penser et agir autrement que nous l’avons fait jusqu’ici ; elle doit nous permettre de répondre enfin à l’appel de Frantz Fanon : “Quittons cette Europe qui n’en finit pas de parler de l’homme tout en le massacrant partout où elle le rencontre, à tous les coins de ses propres rues, à tous les coins du monde… Voici des siècles qu’au nom d’une prétendue aventure spirituelle elle étouffe la quasi-totalité de l’humanité… Alors, frères, comment ne pas comprendre que nous avons mieux à faire que de suivre cette Europe-là… Allons, camarades, le jeu européen est définitivement terminé, il faut trouver autre chose. Nous pouvons tout faire aujourd’hui à condition de ne pas singer l’Europe, à condition de ne pas être obsédés par le désir de rattraper l’Europe. Camarades, ne payons pas de tribut à l’Europe en créant des états, des institutions qui s’en inspirent.” (Cf. “Les Damnés de la terre”)
Les Africains n’ont personne à rattraper. Il leur suffit d’être eux-mêmes sans s’enfermer sur eux-mêmes certes mais sans mépriser non plus ce que Dieu et la nature leur ont donné. Il leur suffit surtout de ne plus pactiser avec le non-sens qui consiste à donner des millions à des miss Beauté pendant que des centres de recherche et laboratoires ne bénéficient d’aucune aide de l’État.