11 avril 2011-11 avril 2020, il y a neuf ans le Président Laurent Gbagbo, déclaré élu par le Conseil constitutionnel ivoirien, seule institution habilitée à proclamer le résultat définitif de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, était renversé par la France après d’intenses bombardements de sa résidence officielle de chef d’État.
Le chef de l’État ivoirien fut ensuite remis aux rebelles à la solde de son adversaire Alassane Ouattara qui, depuis le 19 septembre 2002, avaient coupé la Côte d’Ivoire en deux à la suite d’une tentative de coup d’état qui avait échoué.
Ce 11 avril 2011, la France de Nicolas Sarkozy s’est donc substituée aux rebelles d’Alassane Ouattara pour ” faire le travail ” elle-même, pour reprendre l’expression du Président Gbagbo qui sera déporté par la force de l’ONU en Côte d’Ivoire le 13 avril 2011 à Korhogo, au nord du pays, où il fut remis au chef rebelle Fofié Kouakou . Il faut noter que ce chef rebelle était pourtant sous sanctions de l’ONU pour des ” exécutions extra-judiciaires”.
Le Président Gbagbo, après huit mois de détention, sera ensuite déporté le 29 novembre 2011 en Hollande à la Haye. Le 03 juin 2013, les charges pesant sur lui sont déclarées insuffisantes mais il ne sera pas pour autant libéré. Il sera finalement jugé du 28 janvier 2016 au 15 janvier 2019, dans un procès surréaliste, par une Cour Pénale dite Internationale mais qui ne juge que les Africains. Une cour coloniale donc qui, devant ” la faiblesse exceptionnelle des preuves du procureur” sera bien obligée de l’acquitter ce 15 janvier 2019 avec le ministre Charles Blé Goudé extradé du Ghana, détenu au secret pendant 14 mois puis déporté lui aussi à la Haye pour y être jugé en même temps que le Président Gbagbo. Ils sont aujourd’hui tous les deux en liberté sous conditions malgré leur acquittement. Une situation inédite et évidemment inacceptable.
Cela dit, et pour rester dans la commémoration du 11 avril 2011, au-delà du choc des images en mondovision qui restent gravées dans la mémoire collective, que faut-il retenir en définitive de ce dénouement d’une rare violence ?
Pour ma part, je retiens surtout la victoire d’un homme sur la peur. Accroché à ses convictions, le Président Laurent Gbagbo n’a pas voulu laisser à la postérité l’image d’un homme en fuite, d’un fuyard, lui qui avait dit en 2004 alors que déjà cette année-là, les militaires français tiraient sur la résidence présidentielle : ” Il ne sera jamais dit que j’étais en fuite quand j’ai été abattu ou capturé”.
Une année plus tôt, recevant les peuples Abbey et Krobou en audience le 17 octobre 2003 au Palais présidentiel, il déclarait ceci :
« On ne peut pas dire de moi qu’il est mort dans la peur. Chez nous, on ne peut pas dire cela d’un homme ; d’un «garçon». Là où meurt un «garçon», il y a toujours des traces de lutte pour édifier la postérité. Quand, sur le lieu d’un combat, les arbres sont tombés, les herbes sont en vrac et que le terrain est jonché de feuilles, on dit : «Ici est mort un garçon». Ce n’est pas devant les fusils que Gbagbo fuira. Ce n’est pas devant les fusils que Gbagbo abandonnera. Non, non et non ! Je ne laisserai jamais dissoudre ma nation. Je ne vendrai pas mon pays. Je ferai toujours face à l’adversité».
Le Président ivoirien est donc resté, fidèle à sa parole, là où le peuple de Côte d’Ivoire, en l’élisant, l’a mis pour qu’il porte sa voix et défende ses intérêts. Le Président Laurent Gbagbo aura donc ainsi défendu jusqu’au bout le vote des ivoiriens, malgré les menaces, les injonctions visant à l’humilier, les tentatives de corruption et finalement les bombardements français. Et c’est cela que l’histoire retiendra. Car si nous nous battons encore aujourd’hui, et si nous sommes autant déterminés à mener jusqu’au bout le combat pour sa libération totale, aussi longtemps qu’il sera en déportation en Europe, c’est aussi et surtout parce qu’il aura donné à la Côte d’Ivoire et à l’Afrique une grande leçon de courage et de dignité. Parce qu’il n’a pas fui devant la violence du colon français. Parce qu’il a dit NON AU COLON FRANÇAIS. Et ces propos de Simone Gbagbo, cette héroïne qui a elle aussi enduré cette violence à ses côtés, tenus lors de son procès en 2016, résument parfaitement l’état d’esprit qui était le leur :
« Le choix d’abandonner et fuir aurait été plus grave quand on nous bombardait. Je n’aurais pas laissé ma nation dans les mains de la France et de ses alliés. » avait-elle dit et ce refus de la capitulation fait finalement de ce 11 avril 2011 un jour de résistance contre le néocolonialisme français.