« Monsieur le Président, autant il se trouve de mauvais médecins, l’on peut aussi avoir de mauvais juristes. »

Discours liminaire de la conférence de presse du mercredi 18 mars 2020

Au cours du meeting de l’opposition ivoirienne tenu, à Yamoussoukro, le dimanche 15 mars 2020, j’ai cité le protocole a/sp1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance, additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlements des conflits, de maintien de la paix et de la stabilité de la CEDEAO qui dispose en son article 2: « Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques.

Les élections à tous les niveaux doivent avoir lieu aux dates ou périodes fixées par la constitution ou les lois électorales » et dénoncé la modification hors délai de la constitution par le Président de la République qui était de ce fait forclos dans sa tentative de révision de la constitution, en ce mois de mars 2020.

Lors de la conférence de presse de clôture des travaux du congrès du Parlement ivoirien, le mardi 17 mars 2020, le Président du Sénat, Me AHOUSSOU KOUADIO Jeannot, en réponse à la question d’un journaliste relative à la forclusion du Président de la République pour changer la constitution, a avancé entre autres : « Vous savez on peut s’improviser menuisier, mécanicien et tout mais on ne peut pas s’improviser juriste. Le droit c’est le droit, je suis désolé……

Monsieur le Président du Sénat, je suis plus désolé que vous car vous confondez le droit politique (constitution, code et loi électorale) et le droit des affaires ou droit pénal que je ne maîtrise pas, mais excusez-moi, d’abord à formation de médecin (médecine légale et organisation de la République enseignées à la Faculté de Médecine) et ensuite de syndicaliste et homme politique auprès des grands de ce pays ont forgé mon analyse des textes qui concernent la République.

La Loi n° 2016-886 du 08 novembre 2016, portant Constitution de la République de Côte d’Ivoire, en son article 134 dispose et je cite:

« Les engagements internationaux visés à l’article 120 avant leur ratification, les lois constitutionnelles adoptées par voie parlementaire, les lois organiques avant leur promulgation, les règlements des assemblées parlementaires avant leur mise en application, doivent être déférés au Conseil constitutionnel, qui se prononce sur leur conformité à la Constitution.

La saisine du Conseil constitutionnel suspend le délai de promulgation ou de mise en application ».

Lors des échanges que nous avons eus le lundi 09 mars 2020, à l’ouverture du Congrès, vous avez reconnu que la résolution organisant le congrès serait soumise au Conseil constitutionnel avec tous les travaux du congrès pour vérifier leur constitutionnalité, alors que le dernier alinéa de l’article 134 sus- cité est clair : « La saisine du Conseil constitutionnel suspend le délai de promulgation ou de mise en application ». C’est écrit noir sur blanc que c’est avant et non après.

Que disent les dispositions de la loi n° 2000 – 514 du 1er août 2000 portant code électoral telle que modifiée par les lois n° 2012 -1130 du 13 décembre 2012, n°2012 – 1193 du 27 décembre 2012 et n°2015 – 216 du 02 avril 2015, en ce qui concerne l’élection présidentielle :

Art. 11. – La période d’établissement de la liste électorale ainsi que les modalités pratiques de son exécution sont fixées par décret en Conseil des ministres sur proposition de la Commission chargée des élections.

Dans tous les cas, la liste électorale doit être publiée trois mois au plus tard avant les élections, par voie d’affichage dans tous les lieux de vote, afin de permettre sa consultation par les électeurs…….

Quinze jours avant le premier tour du scrutin, les listes électorales sont définitivement arrêtées. Passé ce délai aucune inscription ni radiation n’est possible.

En français facile, le vote ayant lieu le 31 octobre 2020, la date limite d’affichage de la liste électorale est pour le 31 juillet 2020.

Art. 46. – Si, dans les sept jours précédant la date limite du dépôt de présentation des candidatures, une des personnes ayant, moins de trente jours avant cette date, annoncé publiquement sa décision d’être candidat, décède ou se trouve empêchée, le Conseil constitutionnel saisi par la Commission chargée des élections, peut décider le report de l’élection

Si avant le premier tour, un des candidats décède ou se trouve empêché, le Conseil constitutionnel prononce le report de l’élection……

En cas de décès ou d’empêchement de l’un des deux candidats arrivés en tête à l’issue du premier tour, le Conseil constitutionnel saisi par la Commission chargée des élections décide de la reprise de l’ensemble des opérations électorales.

Comme on peut le constater l’élection n’est pas seulement le 31 octobre 2020 mais avant et le texte parle de l’ensemble des opérations électorales.

Art. 52. – Les candidatures à l’élection du président de la République sont reçues par la Commission chargée des élections qui les transmet, dans les quarante-huit heures, au Conseil constitutionnel. Le délai de réception des candidatures expire trente jours avant le scrutin.

Si l’on se réfère à l’article précédent dont le premier alinéa dispose que si dans les sept jours précédant la date limite du dépôt de présentation des candidatures, une des personnes ayant, moins de trente jours avant cette date, annoncé publiquement sa décision d’être candidat, décède ou se trouve empêchée, le Conseil constitutionnel saisi par la Commission chargée des élections, peut décider le report de l’élection.

Cela veut dire que si une personne qui a déclaré sa candidature à 60 jours du vote décède une semaine avant la clôture du dépôt des candidatures, le conseil constitutionnel peut reporter l’élection.

De tout ce qui précède, l’élection ne se résume pas au jour du vote.

D’ailleurs, le Président de la République prend toujours un décret pour convoquer le collège électoral avant le jour du vote.

Monsieur le Président, autant il se trouve de mauvais médecins, l’on peut aussi avoir de mauvais juristes et ma qualité de pédiatre m’a enseigné dans l’exercice de ma profession que les mamans par leur expérience orientent parfois le diagnostic du médecin.

En toute chose, il faut non seulement être de bonne foi mais surtout être libre de ses opinions.

Tout est une question d’humilité car la prétention et l’orgueil, sont les chemins de la perdition.

Fait à Abidjan, le 18 mars 2020.

Pr. Maurice KAKOU GUIKAHUÉ
Secrétaire Exécutif du PDCI-RDA.