Légèreté et naïveté : Si nous n’avions pas été nourris à ces deux mamelles, nous aurions compris que Ouattara ne “part” pas de son propre chef et que, en démocratie, le pouvoir n’est pas transféré par un criminel à un autre criminel mais qu’il est délégué pendant un temps limité (4, 5 ou 7 ans) par le peuple à celui ou à celle dont le projet de société a été le plus convaincant lors de la campagne électorale. Ce peuple, s’il est digne et sérieux, n’applaudit pas le criminel qui part avec les valises pleines mais trouve les voies et moyens de lui faire payer, tôt ou tard, ses crimes et forfaits.
Une fois de plus, certains d’entre nous se sont laissés rouler dans la farine par un homme qui n’a jamais respecté ses engagements et qui ne s’est montré constant que dans la violation des lois ivoiriennes. Car le discours de Ouattara a proprement éludé les vraies questions qui sont : la gratuité de la carte nationale d’identité (CNI), la nécessité d’ouvrir davantage de centres d’enrôlement pour les CNI, la refonte de la commission électorale, la révision du découpage électoral et des listes électorales, la revue à la baisse de la caution que doivent verser les candidats à l’élection présidentielle, le retour sécurisé des exilés, le dégel des avoirs des opposants, l’ouverture des médias d’État à l’opposition, etc.
Pour aller plus loin, on peut affirmer que l’annonce de Ouattara n’est rien d’autre qu’une diversion. Le RHDP a été récemment accusé par Maurice Guikahué d’avoir gardé par devers lui les 30 milliards que la Banque mondiale a accordés au gouvernement ivoirien pour l’établissement des CNI. Le fait que Bictogo ait fui le débat où l’on attendait qu’il apporte un démenti aux accusations de Guikahué a accru la colère et le ressentiment des Ivoiriens contre le régime Ouattara. Ce scandale de 30 milliards détournés par Ouattara et sa bande est une vraie bombe à retardement. C’est pour la désamorcer et faire baisser la tension que M. Ouattara a jugé bon d’annoncer, en mars plutôt qu’en juillet 2020, qu’il n’est pas candidat en octobre 2020. Il a momentanément réussi à faire oublier les 30 milliards volés mais le peuple restera-t-il longtemps sans réaction ?
Le rôle de l’opposition, des mouvements de la société civile et des journaux non inféodés au pouvoir consiste précisément à ouvrir les yeux du peuple pour qu’il puisse prendre ses responsabilités, à démonter les discours creux et lénifiants, à relancer le problème des 30 milliards jusqu’à ce que les voleurs rendent gorge, à revenir encore et toujours sur les questions non résolues, à acculer le gouvernement quand il biaise ou ne joue pas franc jeu, à remettre au centre les problématiques essentielles.
Pour finir, je voudrais rappeler qu’Affi N’Guessan avait promis, le 26 janvier 2020, que l’opposition prendrait la rue si Ouattara voulait imposer Gon Coulibaly sans avoir pris en considération les justes revendications des partis de l’opposition et de la société civile.
La rue n’est pas une option mais un devoir face à un individu qui veut endormir les Ivoiriens en annonçant qu’il ne sera pas candidat en octobre 2020.
Jean-Claude DJEREKE