Déclaration liminaire
Mesdames et messieurs les journalistes ;
Mesdames et messieurs les professionnels de la communication et des médias,
Mesdames et messieurs,
Je voudrais vous remercier, au nom du Parti, d’avoir répondu si nombreux, à notre invitation pour partager avec vous, notre vision et nos commentaires sur les récents événements de notre pays.
La présente conférence de presse vise à donner la position du Front Populaire Ivoirien sur l’actualité politique en Côte d’Ivoire et en dégager quelques perspectives.
Le jeudi 05 mars 2020, à Yamoussoukro, monsieur Alassane Ouattara, Chef de l’Etat en exercice et en fin de son second et dernier mandat, annoncé, devant le Parlement réuni en Congrès à sa demande, sa décision « de ne pas être candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 ».
Pour le Front Populaire Ivoirien, cette décision est un non-événement ; pour autant qu’au cours d’un combat de boxe, le jet d’éponge par un boxeur défiguré, acculé dans les cordes par son adversaire, ne peut être assimilé à un acte de bravoure, mais bien à une humiliante défaite.
C’est le lieu pour le FPI de féliciter solennellement tous les démocrates à travers les partis politiques et les organisations de la société civile, aussi bien sur le plan national qu’international, qui se sont battus avec courage et détermination pour faire plier l’échine à monsieur Ouattara.
Le chef de l’Etat sortant annonce qu’il a décidé « ne pas être candidat être à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 ». Ce n’est pas la première fois que M. Ouattara se prononce sur ce sujet. Ses déclarations se contredisent d’ailleurs.
A titre de rappel :
– En 2010, il a dit : « Donnez-moi 5 ans seulement » ;
– En 2015 il a dit « Je prendrai congé en 2020 » ;
– Durant la campagne référendaire de 2016, il avait promis de ne pas terminer son deuxième mandat au profit du vice-président de la République ;
– En 2017 il a dit : « À priori, je ne me présente pas » ;
– En 2018 il a dit : « La constitution me permet d’être candidat » ;
– Le 28 septembre 2019, il soumettait sa candidature à la décision de son parti, le RHDP Parti unifié : “Ça sera la décision de mon parti” ;
– À Dimbokro (chef-lieu de la région du N’Zi Comoé), le 30 novembre 2019, il menaçait d’être en lice si Bédié et Gbagbo, les hommes de sa génération, étaient candidats. “S’ils sont candidats, je serai candidat “.
Ces déclarations étaient d’autant plus surprenantes que, de l’avis de plusieurs juristes, dont le président du comité des experts pour la Constitution de 2016, M. Boniface Ouraga Obou, et des personnalités très proches de M. Ouattara (le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Sansan Kambilé, l’ancien porte-parole du gouvernement, Bruno Nabagné Koné, et son conseiller d’alors pour les Affaires juridiques et membres du comité des experts, Cissé Ibrahim dit Bacongo), M. Ouattara ne peut, constitutionnellement, briguer un troisième mandat. Car, il faut se souvenir que, bien avant l’élection présidentielle de 2010, en application de l’Accord de Pretoria, le président Gbagbo avait pris une décision qui autorisait la candidature de M. Ouattara pour une seule élection, celle qui s’est finalement tenue en 2010. On sait qu’en 2015, M. Ouattara ne s’est pas limité à cette seule candidature et qu’il a rempilé.
En tout état de cause, dans un cadre purement juridique, il faut regretter que M. Ouattara ne se soit pas référé aux dispositions constitutionnelles, qui interdisent de briguer un 3e mandat, pour fonder sa décision et qu’il la justifie par sa seule volonté de respecter ses propres engagements.
M. Ouattara a “décidé” de “transférer le pouvoir à une jeune génération”
Comment entend-il le faire ?
A défaut d’une révision des conditions d’éligibilité, les condamnations pénales seront elles utilisées pour écarter les candidatures éventuelles de ceux qui ne sont pas de la jeune génération au stade de l’examen des candidatures ?
Mais surtout, est-ce à M. Ouattara de prendre une telle décision ? En quelle qualité peut-il s’attribuer un tel pouvoir ?
Monsieur Ouattara précise même, ce qui le rend plus suspect, « qu’il faut laisser la place à une jeune génération en qui nous devons faire confiance ; des jeunes ivoiriens honnêtes, compétents expérimentés qui ont appris à nos côtés ».
Il Convient, à cet égard de noter que, d’un côté, il ne revient pas au Chef de l’Etat de « transmettre le pouvoir à une jeune génération », parce que nous ne sommes pas dans un Etat monarchique, et de l’autre il précise qu’il s’agit de la jeune génération de son clan, car ceux qui ont appris à ses côtés sont exclusivement les militants du RHDP, à cause de la politique « du tabouret ».
Or, en définitive, cette décision appartient juridiquement aux électeurs ivoiriens, jeunes et moins jeunes, que ce soit à l’occasion d’un référendum ou d’une consultation électorale.
Au demeurant, il convient de rappeler à monsieur Ouattara, qu’en démocratie, c’est le peuple qui désigne souverainement, par le vote, son président et tous ses représentants.
La vérité est donc ailleurs que dans la décision spectaculaire prise par monsieur Ouattara. Il s’agit d’un effet d’annonce qui ne peut occulter les pressions énormes qu’il a reçues tant de l’intérieur que de l’extérieur, de ceux-là même qui l’ont soutenu et porté au pouvoir. Lâché par tous, il était donc condamné à quitter la scène. Ce qui explique cette mise en scène pour recevoir les honneurs de la République.
Mais par cette mise en scène, il ne faut pas perdre de vue que monsieur Ouattara veut donner l’illusion de partir mais en vérité sans partir ; puisqu’en voulant modifier la Constitution en profondeur, il entend pérenniser son système.
A preuve, au lieu d’un ticket élu, M. Ouattara propose que le Vice-président de la République soit choisi par le Président de la République, avec l’accord du Parlement.
Le ticket en vigueur avait l’avantage de conférer une légitimité populaire au vice- président, surtout dans l’hypothèse où il venait à succéder au président de la république. La formule proposée, même déjà mise en œuvre ne permet plus de garantir cette légitimité. Surtout, elle fait du vice- président un obligé du président de la république. Il faut ajouter que le premier ministre, lui aussi nommé, pourrait éventuellement succéder au vice-président en cas de vacance de la présidence de la république.
Entre 2016, date d’instauration de ce ticket, et 2020, qu’est ce qui a pu changer dans la société ivoirienne pour que la Constitution évolue dans ce sens ? La « seule expérience heureuse d’un Vice-président de la République nommé, après l’élection du Président de la République », suffit-elle pour justifier cette modification constitutionnelle ? Qu’est ce qui peut autoriser à penser que l’expérience d’un vice-président élu n’aurait pas pu connaître la même réussite ?
Bref, il s’agit d’une justification légère pour remplacer un ticket élu par une formule dans laquelle les éventuels prétendants à la vacance de la Présidence de la République ne sont pas des élus, et par ce fait même, monsieur Ouattara veut instaurer la pérennisation de son système despotique et anti-démocratique.
Or, c’est justement le système Ouattara qu’il faut combattre. L’éclipse de sa personne de la scène politique n’est qu’une pure distraction que les démocrates ne doivent aucunement perdre de vue.
Les contempteurs de monsieur Ouattara ont applaudi à tout rompre, d’autres, plus émotifs, en ont pleuré. D’autres encore, médusés, ont annoncé que monsieur Ouattara est entré dans l’histoire, sans préciser par quelle porte.
Pour le Front Populaire Ivoirien, ce n’est certainement pas par la grande porte. si monsieur Ouattara veut avoir des chances de sortir par celle-ci, il lui faut créer, ici et maintenant, les conditions d’élections justes, transparentes et apaisées, sujet d’une actualité brulante, sur lequel il a fait délibérément l’impasse dans son discours face au Congrès parlementaire réuni à Yamoussoukro. Pas un seul mot sur cette question. Pourtant, en justifiant sa décision de ne pas être candidat à la prochaine présidentielle, monsieur Ouattara a indiqué qu’il « veut aussi assurer les conditions d’une passation du pouvoir d’un président démocratiquement élu à un autre, pour la première fois dans l’histoire de notre pays ».Ce n’est certainement pas en organisant l’élection présidentielle avec une CEI aux ordres, un code et un listing électoral partisans, pour imposer aux ivoiriens un homme lige du RHDP comme Président de la République, qu’il peut atteindre son objectif. Tout simplement, parce que cette perfidie qu’il prépare ne peut pas prospérer et passer comme une lettre à la poste, et ne peut donc permettre une passation apaisée des charges présidentielles.
Le Front Populaire Ivoirien estime qu’il n’est pas politiquement sain de vouloir, en même temps, une chose et son contraire, comme le révèlent les actes posés par le pouvoir Ouattara.
A titre d’exemple, le 17 février 2020, le gouvernement de monsieur Alassane Ouattara a mis fin, de façon unilatérale, au dialogue politique qu’il avait engagé avec la classe politique ivoirienne, sur le cadre institutionnel et législatif des élections générales à venir. Dans le même temps, il a engagé le processus de production des cartes nationales d’identité, dans des conditions que l’opposition politique et des organisations sociales continuent de dénoncer.
Le Front Populaire Ivoirien tient à faire observer que la production des cartes nationales d’identité en Côte d’Ivoire, n’est pas un fait nouveau. Pour les élections générales de 2010, alors que le président Laurent Gbagbo était dans une position extrêmement difficile, avec un pays coupé en deux par la rébellion, le pillage des richesses nationales au profit de certains pays limitrophes, l’Etat a quand même décidé d’offrir gratuitement les cartes d’identité aux ivoiriens, en ouvrant 11.000 centres d’enrôlement pour une population cible estimée à près de 6 millions d’électeurs.
Depuis avril 2011, Monsieur Alassane Ouattara règne sur la totalité du territoire national. Il se targue même, à longueur de journée, de réaliser un taux de croissance de plus 8% qui ferait de l’économie de la Côte d’Ivoire, l’une des plus performantes du monde.
Le Front Populaire Ivoirien, considérant cette embellie économique dont se vante monsieur Ouattara, marque sa surprise face aux mesures prises par son gouvernement pour la production des cartes nationales d’identité ; à savoir la réduction drastique des centres d’enrôlement à seulement 118 pour une population cible estimée à 11 millions dont 8 millions d’électeurs et le coût élevé pour l’obtention de cette pièce administrative dont nul n’ignore l’importance.
Dans un effet d’annonce, selon le communiqué du Conseil des Ministres du 26 février le gouvernement dit vouloir corriger cette situation, en déployant, dans les jours à venir, des unités mobiles d’enrôleurs. Mais il ne fait pas de doute que l’opération, telle qu’enclenchée par le gouvernement pose plus de problèmes qu’elle n’en résout.
Pire, dans une démarche de rattrapage ethnique et de façon discriminatoire, certains présidents de Conseils Régionaux, dont celui de la région du Poro, ainsi que l’atteste un communiqué du député de Dikodougou, ont décidé, avec l’argent du contribuable ivoirien, de payer les frais de timbre de 5000 f pour les populations de leur région.
Le Front Populaire Ivoirien estime que, si des Conseils Régionaux d’une partie du territoire peuvent prendre de telles mesures au profit de leurs populations, la justice et l’équité commandent que cette mesure soit étendue à tous les Conseils Régionaux et l’on aboutirait ainsi à la gratuité de la carte nationale d’identité pour tous les ivoiriens comme nous la réclamons depuis le début.
De plus, dans le cadre du projet du Registre National des Personnes Physiques (RNPP) pris en charge par la Banque Mondiale à hauteur de 30 milliards, le ministre de l’Administration du Territoire, M. Sidiki DIAKITE, lors du lancement dudit projet, le mercredi 7 décembre 2019 avait affirmé que « la phase opérationnelle du RNPP débute par le renouvellement des cartes nationales d’identité en voie d’expiration (…) ».
Il y a donc lieu de s’interroger sur le fondement et les motivations du régime à faire payer aux ivoiriens la somme de 5.000 f au titre des frais de timbre pour l’établissement de la carte nation d’identité, alors que cette opération est prise en charge par la Banque Mondiale.
Le Front Populaire Ivoirien pense qu’il est politiquement malsain de gérer la question de la carte nationale d’identité à des fins politiciennes pour organiser des fraudes électorales.
La carte nationale d’identité est une question purement d’état civil, donc une pièce administrative et non une question de chapelle politique. Elle doit donc être sereinement et scientifiquement gérée, en raison de son impact social et économique sur la vie d’une nation. D’autant plus que l’état civil actuel de la Côte d’Ivoire est dans une situation obsolète, désorganisée et très peu fiable.
Le document d’action du Fonds fiduciaire de l’Union Européenne, concernant la Côte d’Ivoire, fait à cet égard, un constant alarmant dans son annexe 4.
« En effet, révèle-t-il, sur une population totale 22.671.331 habitants, plus d’une naissance sur deux n’est pas déclarée dans le délai légal (3 mois après la naissance) et une naissance sur trois jamais déclarée (…) Tel qu’il existe actuellement, le système ivoirien d’état civil ne garantit donc pas un pilotage efficient des politiques publiques, ne permet pas à la population ivoirienne d’exercer ses droits fondamentaux ni de s’insérer socialement et économiquement. Sans acte de naissance, il n’est pas possible d’obtenir une carte d’identité et donc de voter, d’être propriétaire, de bénéficier des prestations sociales».
Comme on le voit, la problématique de la Carte Nationale d’Identité est donc une question sérieuse qui doit être traitée, de façon consensuelle et dans un cadre apaisé, en dehors des considérations politiciennes.
Cela, parce que le Front Populaire Ivoirien est en ce moment convaincu que l’opération de production des cartes d’identité biométriques en cours ne peut être achevée avant la tenue de l’élection présidentielle d’octobre 2020. Le régime lui-même en est conscient ; d’autant plus qu’il se prépare à proroger les cartes nationales d’identité existantes, pendant qu’il en distribue frauduleusement à profusion à ses partisans, comme l’avait déjà avoué monsieur Kouassi Adjoumani, porte-parole du RHDP.
C’est pourquoi, le Front Populaire Ivoirien demande instamment à tous les ivoiriens d’envahir tous les centres d’enrôlement afin d’obtenir leur carte nationale d’identité pendant que nous nous battons ensemble pour obtenir sa gratuité.
S’agissant de son bilan de neuf ans de gestion de notre pays, monsieur Ouattara, passant en revue les plans social, sécuritaire et infrastructurel, nous a abreuvé à la fois de chiffres et de très nombreuses contrevérités.
Sur le plan social, il se félicite d’avoir installé la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation (CDVR) qui a, dit-il, « œuvré pour nous permettre de comprendre les causes de la crise et en tirer les leçons pour l’avenir de notre pays ». Et pourtant tout le monde sait, jusqu’à ce jour, que monsieur Ouattara refuse de rendre public le rapport de cette commission, parce que les résultats ne lui sont pas certainement favorables.
Monsieur Ouattara se réjouit aussi d’avoir « identifié et indemnisé la grande majorité des victimes de la crise postélectorale grâce aux actions de la CONARIV (…) et d’être allé plus loin en amnistiant les prisonniers civils (…) en favorisant le retour des compatriotes refugiés dans les pays voisins, dont la grande majorité est rentrée ».
Sur tous ces chapitres : indemnisation des victimes, libération des prisonniers et retour des exilés, le bilan de monsieur Ouattara est très sélectif et très éloigné de la vérité.
Appliquant sa politique de rattrapage ethnique, il n’a vu de victimes que dans son camp, parmi ses partisans, alors que les familles des 30.000 morts identifiés dans le pays Wê, considérés comme des pro-Gbagbo, n’ont pas été prises en compte. Il en est de même sur l’ensemble du territoire national des familles des victimes ensevelies dans des fosses communes à Adebèm (Sassandra), à Okrouyo (Soubré), des 60 gendarmes tués, des femmes en grossesse éventrées à Bouaké, des danseuses d’adjanou massacrées à bout portant à Sakassou.
Quant aux prisonniers politiques que M. Ouattara appelle civils, il convient de lui rappeler que de nombreux militaires et civils croupissent encore dans les geôles de son régime, et qu’ils sont nombreux les ivoiriens qui sont retenus en exil, craignant pour leur vie.
Le dernier en date est Guillaume Soro, l’ex-président de l’Assemblée Nationale, contraint à l’exil pour avoir commis les crimes de lèse-majesté, en refusant de militer au RHDP et en osant annoncer sa candidature à l’élection présidentielle d’octobre 2020.
C’est pour réparer toutes ces injustices que le président Laurent Gbagbo n’a de cesse d’appeler à la vraie réconciliation nationale, seule gage de la paix par l’effacement de toutes les rancœurs et rancunes.
Monsieur Ouattara qui a trop à se reprocher s’y oppose de toutes ses forces depuis toujours.
Sur le plan social, monsieur Ouattara se réjouit également d’avoir réalisé sa promesse de créer la Couverture Maladie Universelle (CMU) qui, selon lui, « est opérationnelle depuis le 1er octobre 2010 et près de trois millions de personnes ont été enrôlées ».
La vérité sur ce dossier est que cette CMU mort née est loin d’être opérationnelle pour son mauvais arrimage à la MUGEFCI, pour la faiblesse ou le défaut d’expertise de ses concepteurs.
Mais la plus énorme des contrevérités de monsieur Ouattara est à venir. Il prétend avoir enrichi les producteurs agricoles quand il affirme : « J’avais promis un revenu minimum garanti aux producteurs. Aujourd’hui, nos parents paysans bénéficient d’une meilleure rétribution pour leur labeur ».
Tout simplement stupéfiant ! Sous la gouvernance du président Laurent Gbagbo, le prix bord champ du cacao a toujours été au-dessus de 1000 FCFA/ KG et celui de l’hévéa à plus de 1200 FCFA/ KG.
Sous le régime Ouattara, le cacao s’est en moyenne acheté à 800 FCFA et l’hévéa s’achète à environ 300F voire 200 FCFA ou moins par KG. Entre ces deux présidents, lequel a enrichi les paysans ?
Toute la classe paysanne est aujourd’hui unanime en Côte d’Ivoire à dire qu’elle vit le calvaire sous monsieur Ouattara, et avait un train de vie bien meilleur sous la gouvernance du président Laurent Gbagbo.
Comment dans ces conditions, monsieur Ouattara peut-il dire, sans sourciller, « qu’aujourd’hui en 2020 le taux de pauvreté qui était, selon lui, à 51% en 2011 sous la gouvernance du président Laurent Gbagbo, est descendu grâce à lui à 35% » ?
Tout porte à croire que monsieur Ouattara vit dans une bulle, coupé des vraies réalités de la Côte d’Ivoire. Son discours bilan ne concerne nullement la Côte d’Ivoire dont les réalités palpables au quotidien par tout le monde n’ont rien à voir avec ce qu’il dit.
Cela d’autant plus que sur les autres plans, sécuritaire et économique qu’il a abordé, le constat est le même.
Sur le plan sécuritaire, les populations vivent dans la crainte des exactions des milices, enfants soldats pudiquement appelés « enfants en conflit avec la loi » qui sévissent impunément partout où bon leur semble.
Ce phénomène appelé « Microbes » que n’arrive pas à sécuriser les forces de défense, hante les jours et les nuits des population..
Sur le plan économique, il est de notoriété publique que la Côte d’Ivoire est surendettée, qu’elle vit très nettement au-dessus de ses moyens dont une grande partie est engloutie dans des budgets de souveraineté faramineux avec, en regard, une paupérisation croissante des populations.
Dans son bilan, monsieur Ouattara a oublié de mentionner que l’atteinte du point d’achèvement du processus PPTE (Pays Pauvres Très Endettés) lui offrait 600 milliards de FCFA par an, somme que le Président Laurent Gbagbo était obligé de payer chaque année au titre du remboursement de la dette imposée au peuple ivoirien par ses prédécesseurs. En dix ans, il a donc bénéficié de 6 000 milliards de disponibilités qui ne l’ont pas empêché de surendetter la Côte d’Ivoire.
A l’exception de monsieur Ouattara qui se gargarise de ses prétendus succès, tout le monde en Côte d’Ivoire sait qu’il a échoué à conduire le peuple ivoirien vers les rivages heureux promis. En lieu et place, il a semé, durant neuf ans, misère et frustrations de toute sorte.
Monsieur Ouattara a fini par se décidé à sortir de la scène politique parce qu’il sait que pour avoir forcé sa main pour le gouverner, le peuple ivoirien (y compris ceux qui avaient cru en lui) n’est plus prêt à le garder au pouvoir, en raison des très nombreuses tâches qu’il a laissée dans la mémoire collective.
C’est bien cela la raison de sa sortie inopinée de la scène politique sur la pointe des pieds. C’est aussi pour ces mêmes raisons que monsieur Ouattara a volontairement omis dans son discours de faire son bilan politique.
La politique ce ne sont pas les chiffres, bien souvent tronqués pour les besoins de la cause. La politique c’est la gestion de la cité, c’est-à-dire une nation avec toutes ses composantes humaines. C’est donc la saine gestion des hommes et des femmes pour leur prospérité et épanouissement. Cet épanouissement des citoyens passe d’abord et avant tout par la reconnaissance de leurs droits et libertés.
Monsieur Ouattara a décidé, durant ses neuf ans de gouvernance, de dénier au peuple ivoirien l’exercice de tous ses droits et liberté, en dépit des dispositions de la Constitution, la loi fondamentale de notre pays dont il viole à souhait les règles. Il a mis en place un régime liberticide, où toutes les libertés sont confisquées.
A commencer par la liberté d’association, en s’immisçant dans le fonctionnement des partis politiques d’opposition. Il les a tous divisé en plaçant à leur tête des hommes à sa solde, comme dirigeants légaux pendant qu’il emprisonne les présidents légitimes pour les contraindre au silence.
Les médias publics sont réservés aux seuls tenants du pouvoir.
Monsieur Ouattara n’a pas fait le bilan politique de sa gouvernance parce qu’il a échoué sur toute la ligne à faire de la Côte d’Ivoire un Etat de droit. Or, sans l’instauration d’un Etat de droit, aucun développement n’est possible. De là résulte aussi l’échec de l’émergence tant proclamée qui restera indéfiniment un mirage.
Si monsieur Ouattara veut rentrer par la grande porte de l’histoire, il ne s’offre à lui qu’une seule issue : renouer le dialogue politique qu’il a rompu avec l’opposition et discuter lui-même avec toutes les parties prenantes, afin d’aboutir à des conditions consensuelles d’un scrutin présidentiel transparent, inclusif et apaisé.
Pour le Front Populaire Ivoirien, tous les protagonistes de la crise ivoirienne qui n’a que trop duré, à savoir les présidents Gbagbo, Ouattara, Bédié, le Premier ministre Soro, les partis politiques, les organisations de la société civile, doivent absolument et urgemment se retrouver pour définir les conditions d’une paix durable et définitive en Côte d’Ivoire.
Je vous remercie.