Pour réguler la vie politique et assainir l’horizon électoral de 2020, l’opposition extra-parlementaire doit désormais se préoccuper de rentrer dans la République et de normaliser sa situation juridique, en commençant par avoir une existence légale. Les alliances et les plates-formes doivent également obéir à cet impératif de légalité, car nous sommes encore dans un état de droit, en dépit de ses insuffisances et de ses manquements. Le régime d’exception post-crise a pris fin, et on ne compte qu’avec ce qui existe en politique. Certaines chapelles politiques qui s’expriment ici et là, sur la légitimité, l’équilibre, l’indépendance de la CEI réaménagée et leur éventuelle participation à celle-ci, n’ont toujours pas une organisation constituée ou reconnue légalement. Même si l’État et les Pouvoirs Constitutionnels ne doivent pas intervenir dans la vie et le fonctionnement internes des partis politiques, sauf à la requête expresse des intéressés pour régler leur conflictualité interne, ceux-ci ne demeurent pas moins des sujets de droit soumis à la Loi, aux décisions de justice et aux règles administratives.
Oui, comme disent les militaires : c’est le terrain qui commande, autrement dit les assises sociales et la taille du capital sympathie (vivier électoral potentiel), mais dans un système démocratique et pour le fonctionnement des institutions, c’est la légalité qui commande. Les électeurs importent puisque, pour les partis politiques, ils constituent l’élément le plus essentiel permettant d’exprimer leur force sociale et la mesure de leur poids politique, plus encore que leurs adhérents encartés et à jour statutairement, notamment de leurs cotisations. Cet encrage social et ce soutien populaire ne suffisent pas pour autant à leur conférer des droits républicains et démocratiques. La compétition électorale de 2020 doit se dérouler dans la légalité. Aucun autre rapport de force ne saurait s’exercer en dehors de ce cadre constitutionnel. N’oublions jamais que nos crises proviennent de notre refus de respecter le droit. A chaque fois que nous avons voulu nous en affranchir, nous avons connu le conflit, la violence, le désordre, la guerre civile. Nous le savons tous. Il convient donc que tous les acteurs et les structures de la vie politique régularisent leur situation juridique maintenant et tout de suite, pour éviter une situation de crise plus tard. Le COJEP s’est logiquement constitué en parti politique sans problème aucun. Preuve que rien n’empêche les autres obédiences d’en faire autant, sauf leur propre volonté.
Comment peut-on siéger dans une institution de la République sans existence légale? Le PDCI devrait réévaluer sa position et ses associations en fonction de ce paramètre. Lui qui a lourdement insisté avec raison, pour introduire dans la Constitution l’obligation du respect de la légalité constitutionnelle, au regard de notre histoire depuis le putsch militaire de1999. Comment ester en justice ou former un contrat ou un accord politique, lorsqu’on n’existe pas légalement ? Comment participer à une compétition sans exister légalement ? Le FPI-Canal historique et ses partis alliés ou satellites devraient y réfléchir sérieusement et honnêtement. Ils ne doivent pas s’écarter eux-mêmes du jeu démocratique et du processus électoral pour ensuite transférer au Gouvernement actuel, la responsabilité de ce choix extrêmement dangereux pour la paix sociale, privant de fait des millions de citoyens d’une représentation légale. C’est une question de responsabilité et non de volonté ou de calcul.
En effet, il peut exister un FPI-Canal historique, un FPI-Rénovation à côté du FPI, comme il existe un PDCI-Renaissance et un PDCI-Sur les traces d’Houphouët-Boigny. Il y a de la place pour tous et une clarification juridique de la situation de tous s’impose à tous les acteurs et compétiteurs de 2020. De la même manière, les organes et les acteurs du processus électoral sont soumis à la légalité constitutionnelle et doivent se conformer à l’ordre juridique et judiciaire. La modification de la CEI a besoin du bénéfice d’un large consensus pour acquérir une légitimité politique et populaire, et de se conformer aux textes et aux décisions de justices pour posséder la force de la légalité. C’est en soumettant l’ensemble des acteurs et des structures à la légalité, que nous réduirons les tensions, les frustrations, les crispations, les contestations, les réticences, les tentations, etc….Donc, les risques d’une nouvelle crise.
Conclusion et rappel : D’un point de vue historique et évolutif, l’existence des partis politiques est consubstantielle à la légalité représentative et à l’état de droit, car ” l’apparition des partis politiques est solidaire du développement du parlementarisme et de l’extension du droit de suffrage qui caractérise les régimes représentatifs et démocratiques.” D’ailleurs, dans “Le Savant et le Politique” (1919), Max Weber écrit que “les partis politiques sont les enfants de la démocratie, du suffrage universel, de la nécessité de recruter et d’organiser les masses”. ” Leur existence est donc solidaire de tous ces éléments, et plus particulièrement de l’extension du suffrage universel.” Dans “Economie et société” (1922), il estime également que c’est “dans l’Etat légal à constitutions représentatives que les partis prennent leur physionomie moderne”. Cela signifie que le développement des partis doit beaucoup au parlementarisme, mais aussi à l’état de droit. Ce sont les partis qui vont donner un sens à la démocratie, contribuer à l’expression du suffrage populaire, présenter des candidats, des projets et des programmes aux citoyens. Les parlementaires élus grâce à leur soutien vont ensuite élaborer des normes, contrôler l’administration centrale et soutenir l’action du gouvernement, voire tenter de le renverser par des voies légales et pacifiques.
Hélas, en Côte d’Ivoire nous avons affaire pour l’essentiel à une opposition extra-parlementaire centrée sur des personnes, et agissant en dehors des cadres conventionnels de la légalité. Il est temps pour nous de renouer avec l’esprit des institutions et la légalité républicaine/ C’est aux partis, acteurs majeurs de la vie politique, de le faire. Les partis de masse doivent sortir du populisme et de la contradiction. On ne peut exiger la légalité et la légitimité, en étant soi-même dans l’illégalité. L’enjeu ici est la paix sociale et la stabilité institutionnelle du pays, et non tel ou tel parti, ou encore l’avenir politique de telle ou telle personne.