La paix sociale dans une perspective prospective et durable passe par la mise en place des conditions d’une bonne gouvernance, d’une croissance structurelle plus dynamique, endogène, mais surtout inclusive et mieux distribuée, et l’enracinement de l”état de droit et d’une démocratie apaisée et mature.
En effet, l’injustice sociale, la désarticulation de l’économie, le chômage endémique, la mal gouvernance, l’absence d’une justice de qualité, équitable, accessible et performante, l’absence de repères moraux élevés et de modèles sociaux exemplaires, d’une organisation sociale rationnellement maitrisée, la chute des valeurs humaines et citoyennes, l’incivilité, l’analphabétisme, les inconduites sociales et politiques, le tribalisme et l’ethno-nationalisme créent les conditions potentielles d’une future conflictualité, d’une violence systémique nourrit par l’injustice, la pauvreté, la marginalité et l’exclusion; le désordre dominé par l’informel, l’indiscipline, l’insalubrité et la débrouillardise; l’insécurité intérieure sévissant dans les milieux urbains et sur les axes routiers; les discours inconsidérés et la manipulation politique des masses sur l’apparition de ces phénomènes caractérisant le sous-développement de notre pays , sa désarticulation et ses clivages contribuent à préparer de nouvelles crises.
Le Gouvernement comme l’opposition doivent être sincères, responsables, cohérents et impliqués dans la construction véritable de la paix en Côte d’Ivoire en travaillant sur ce chantier à partir des objectifs et contraintes précités. La réconciliation de la classe politique est une piste symbolique superficielle et démagogique, car elle nie l’opposition des intérêts partisans, la lutte des enjeux de pouvoirs et oblitère l’essentiel des aspirations du peuple. C’est une illusion. La preuve en est que ces acteurs, sont ceux-là même qui ont entrainé la division et la guerre en Côte d’Ivoire. On ne saurait résoudre un problème par les moyens qui les ont créés. Nous devons adopter une autre démarche pour parvenir à construire la paix publique, la cohésion sociale et à les conserver contre vents et marrées. L’Ivoirien a d’abord besoin de se réconcilier avec lui-même, de résoudre sa crise de valeurs et d’identité, d’adresser la construction de sa Nation, de se doter d’un système de références qu’il partage en commun avec tous ses frères et compatriotes scellant ainsi un nouveau pacte social.
La première approche consiste dans une bonne définition des objectifs recherchés et une bonne identification des moyens nous permettant de les atteindre. Je ne veux pas nier le rôle des hommes politiques dans cette entreprise, mais je fais davantage confiance à la réforme des mentalités, à l’analyse objective des faits par les acteurs du changement, à la révolution culturelle susceptible d’induire ce changement d’attitude, aux initiatives de l’entreprenariat privé et des acteurs de la société civile pour la diffusion du progrès et de la paix, à la force des conditions socio-économiques et des institutions pour nous y conduire, au -delà de nos désaccords et de nos différences, qu’aux leaders politiques et d’opinion qui sont en réalité des agents de la division du corps social, surtout lorsqu’ils ne sont pas porteurs de projets permettant une amélioration des conditions de vie du peuple sus-mentionnées en introduction. Nous sommes tous des acteurs de la réconciliation et de la cohésion sociale. C’est une erreur de penser que c’est un domaine réservé exclusivement aux politiques. Nous devons investir collectivement ce champ d’action, au quotidien et à une échelle individuelle, car notre crise porte la responsabilité d’un échec collectif. Nous y avons été entrainés certes par les politiques, mais non seulement nous avons soutenu et toléré leur action, mais nous avons préparé tous ensemble les conditions d’apparition de cette crise par nos compromissions, notre lâcheté, notre corruption, nos comportements, notre discours et notre passivité.
Pierre Aly SOUMAREY