Par Samuel BEUGRE
L’action de Dieu est permanente dans l’humanité et dans le cosmos par sa Parole et son Esprit. Dieu dirige et conduit ainsi l’histoire de l’humanité vers l’achèvement qu’il lui a prévu, que les hommes soient conscients ou pas. L’Eglise qui est le sacrement du salut a un rôle prophétique dans le monde. Le prophétisme de l’Eglise serait d’unir la fidélité à la Parole de Dieu reçue et le goût de la justice. En d’autres termes, l’Eglise doit travailler pour la libération du mal sous toutes ses formes. Pour cela le lieu propre du prophétisme est la rencontre de l’espace religieux et de l’espace social ; l’intégration du projet des hommes dans le plan de Dieu. Ce qui revient à dire que le prophétisme de l’Eglise est d’être présent dans le monde, être le serviteur d’une présence aimée et reconnue comme un appel libérateur au cœur du monde.
a / La Côte d’Ivoire : un pays sous la puissance de la dictature et de la corruption.
La Côte d’Ivoire est un petit pays de 322 462 km2 avec une population estimée à 26 594 750 habitants. Cette population a au moins 60 % de chrétiens. Tout comme la plupart des pays de l’Afrique noire, la Côte d’Ivoire a eu son indépendance politique le 7 août 1960 avec un système politique de multipartisme. Très vite, la Côte d’ivoire connaît une histoire très mouvementée avec deux coups d’état après l’indépendance. Le coup d’État de 1999 en Côte d’Ivoire a lieu le 24 décembre 1999. C’est le premier coup d’État dans ce pays depuis l’indépendance de la Côte d’Ivoire.
Le 7 novembre 1990, il est nommé par le président de la République, Félix Houphouët-Boigny, à la fonction de Premier ministre de Côte d’Ivoire, qui a été créée à la suite d’une modification de la Constitution. Quelques jours plus tard, se tiennent les premières élections législatives multipartites, qui sont remportées par le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), ancien parti unique dont est membre Alassane Ouattara, a pris le pouvoir et relie ainsi l’histoire politique ivoirienne avec le pouvoir militaire pour lequel la légitimité démocratique n’a aucune importance. Monsieur Alassane Ouattara a instauré le système du parti unique (RHDP) qui se convertira en dictature.
Les structures et les institutions du pays sont au service du maintien du pouvoir dictatorial. Le système politique a développé un imaginaire social qui démobilise les intelligences et les imaginations, favorisent des attitudes de mensonge, de médisance, de corruption et d’intérêt personnel. Tout cela est couronné par des dénonciations, des arrestations arbitraires voire des assassinats politiques. Sont considérés ennemis de l’état tous ceux qui ne pensent pas en faveur du système politique en place. Le service administratif n’est pas exercé en matière de compétence et pour le bien commun mais par pure sympathie.
Le parti unique vise moins le développement du pays que le renforcement du pouvoir du président de la république. Le pouvoir politique a construit une culture portée sur le culte de la personnalité. Tout est orienté vers l’exaltation du président. La force vive de tout le peuple s’est mise au service d’une personne et le peuple s’est retrouvé aliéner de ses capacités de prendre des options pour construire une civilisation de valeur, d’amour, d’innovation, de compétition et de progrès.
En 2010, quand est venu le vent du Nord qui excite les pays de l’Afrique noire à la démocratisation, l’ivoirien (ne) n’y a pas échappé. L’insurrection du peuple a obligé le régime dictatorial à créer une commission nationale d’enquête en 2011. Malheureusement l’espoir du peuple s’est vite transformé en une illusion. La démocratisation du régime Ouattara s’est tournée à un chaos sanglant et à sa restauration grâce, d’une part, au pouvoir militaire et, d’autre part, à l’incroyable division et aux erreurs de stratégie de l’opposition. L’histoire de l’opposition depuis 1991 y est faite de la superposition de deux logiques contradictoires : celle de l’amitié et celle de la rivalité. La première traduit la volonté des partis d’opposition de combattre ensemble la dictature. La deuxième correspond au désir de chacun d’être le remplaçant des tenants actuels du pouvoir. Mais le mal est que la rivalité prend le dessus sur l’amitié.
Dans ce processus de démocratisation, l’Eglise aussi a été présente. Le peuple a fait confiance à son autorité morale et spirituelle, c’est pourquoi, il est resté dans silence total. Si aujourd’hui l’effort démocratique reste entier, la ligne est irréversible. C’est pourquoi le rôle de l’Eglise reste toujours actuel et même capital.
b / L’Eglise : espace de vérité et de liberté.
La crise socio-politique de l’Afrique a suscité des réflexions sur la mission de l’Eglise par les évêques, soit au cours du synode pour l’Afrique ou après celui-ci. Concernant le synode, Mgr Robert SARAH dit que son but principal est la gloire de Dieu et le service de la vérité de l’homme, au Nom de Jésus Christ, notre Rédempteur. Or la gloire de Dieu c’est l’homme vivant. Ainsi l’homme est la première route que l’Eglise doit parcourir.[1] Il s’agit pour l’Eglise de montrer que la raison d’être de ses structures et de sa mission est le service de l’homme sous tous les cieux ; un service qui est une exigence de vérité, de justice et d’amour.
Et les évêques de la conférence épiscopale régionale des Eglises de l’Afrique de l’Ouest dans l’application de la préoccupation du synode explicitent le service de l’Eglise. Ils soulignent qu’en matière de vérité, l’Eglise doit être signe et le sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine et elle doit s’efforcer de projeter sur la vie publique la lumière de la foi. En matière de justice, elle doit former l’homme à la liberté et le rendre capable d’assurer pleinement sa dignité d’homme à tous les niveaux de son existence pour transformer qualitativement sa vie et son environnement. Enfin en matière d’amour, elle doit promouvoir, dans chaque être humain, la restauration de l’image divine qui habite en lui et l’aider à vivre en enfant de Dieu.[2]
L’axe fondamental et autour duquel il serait nécessaire de puiser la force de ce défi de l’Eglise, de devenir au sein des Etats africains un artisan de la diaconie existentielle, est le Christ. Mais en tant que le Christ est un dynamique inévitable dans la conscience de l’humanité et de ses exigences d’humanisation, de ses structures d’être et d’existence. La pertinence de la référence au Christ est dû à la cohérence éthique de son être et de sa parole, de sa pensée et de son action, de sa vie et de sa mort, de sa présence dans l’histoire et de l’horizon qu’elle a ouvert. C’est en cela que le Christ devient une grille de lecture pour comprendre l’humain et pour le vivre. Le problème pour l’Eglise n’est pas la proclamation des affirmations dogmatiques du christianisme ; mais l’attention à l’homme comme enjeu de la destinée. Cela sort de l’utopie pour prendre une forme de réalité si tout homme, toute société ont à se construire autour des valeurs profondes qui se concentrent dans la réalité de l’amour assumée de manière radicale, manifestée dans sa cohérence absolue et formulée dans ses conséquences les plus décisives. Or la réalité de l’amour qui ne se déploie que dans une radicale vérité et une totale liberté, donne au Christ un caractère de créateur de nouvel humain dont on peut faire référence sans être intégré dans un système religieux donné. En tant qu’amour, en tant que manifestation de l’amour, en tant que cohérence parfaite de l’amour qui se donne comme création nouvelle de l’humanité dans son sens vrai le plus profond. Le Christ engage chaque être humain dans un processus de débat intérieur, de relations avec le monde dans une énergie de transformation radicale de soi, de la société et de la réalité entière. Comment peut-on appliquer ce défi de l’Eglise pour le cas concret de la Côte d’Ivoire ?
c / Le rôle prophétique de l’Eglise pour la conscientisation de la valeur de la parole.
Dans l’histoire, le prophète discerne une force de libération qui rend le présent porteur d’un avenir. Il doit, sans attendre, parler, admonester, secouer et agir. Dans la perspective prophétique, la religion et l’éthique sont inséparables, la conduite morale est l’acte religieux suprême. Et Martin Luther parlait de l’Eglise en ces termes : « L’Eglise doit se souvenir qu’elle ne domine ni ne sert l’Etat, mais qu’elle en est la conscience. Elle doit être guide et critique, jamais instrument de l’Etat. Si elle ne retrouve pas son ardeur prophétique, elle deviendra un club social, sans autorité morale ni spirituelle. Si elle ne participe pas activement à la lutte pour la paix et pour la justice économique et radicale, elle trahira la fidélité des millions d’hommes et les poussera partout à dire qu’elle a laissé s’atrophier sa volonté. Mais si elle se libère des chaînes d’un mortel statu quo et que, retrouvant sa grande mission historique, elle parle et agit avec courage et persévérance en termes de justice et de paix, elle enflammera l’imagination de l’humanité et embrasera les âmes des hommes, leur inculquant un amour ardent pour la vérité, la justice et la paix »[3]. C’est cette figure que les évêques veulent donner à l’Eglise de Côte d’ivoire.
La première mission de l’Eglise en côte d’ivoire est d’être éclaireur de la conscience nationale en travaillant pour la redécouverte de la valeur de la parole. En effet le ivoirien (ne), particulièrement la génération d’après l’indépendance, a évolué dans une situation de duplicité et de mensonge. Si la situation de crise de la côte d’ivoire perdure, c’est en grande partie dû au manque de référence et de confiance. La jeunesse n’a plus de repère parce qu’elle a été trop manipulée et a eu des promesses démagogiques. En effet, elle manifeste son besoin vital. Aujourd’hui, l’on assiste à une course aux divers moyens de communication : radios de proximité, les chaînes de télévision, l’Internet. Ce phénomène qui semble être de la modernité exprime, d’après une analyse sérieuse, une quête de la valeur de la parole. L’Eglise, dans ce signe du temps est appelée à bien orienter le peuple vers la véritable matière de sa soif. Elle, qui croit en la libération du monde par l’incarnation de la Parole, doit proclamer la valeur de la parole.
La parole n’est pas un simple son qu’on émet et qui n’a rien à voir avec l’émetteur. Elle est essentiellement la révélation de la personne. Parler à un autre, c’est d’abord manifester sa présence, affirmer d’être-là, non pas comme une existence quelconque, mais comme une existence qui cherche à se situer et à se déterminer. En cela nous pouvons dire que la parole est créatrice de situation. Communiquer avec autrui, c’est aussi s’ouvrir pour se découvrir sujet humain et chercher à connaître l’autre dans la profondeur de son être. C’est être pour l’interlocuteur un « tu », c’est-à-dire être avec lui et devenir un des siens. Ainsi se présente la double dimension de la parole : elle permet d’être-soi et d’être-avec-l’autre. Etre avec l’autre, c’est se reconnaître d’abord comme un « Moi » en contact avec un « alter », tous deux ouverts et disponibles au dialogue ; se manifestent dès lors l’égale dignité et l’interdépendance. Le dialogue unit et ouvre à la communication sincère ; purifie nos visions et nos préjugés. La sincérité suppose qu’on peut accorder crédibilité à ce que nous disons. Ce qui veut dire qu’il y a de la part de chacun un désir d’accéder à la vérité et au bien commun.[4]
La véritable communication demande aux interlocuteurs de mourir à leur esprit de domination, de même qu’à leur esprit de supériorité et de puissance. Comprendre que la parole est la vie de relation avec autrui, l’école de maturité humaine et la valeur primordiale de sociabilité. La parole qui permet à l’homme de se révéler et de se découvrir, est aussi le lieu où il doit décider, vouloir et aimer. Toutes ces opérations, l’homme ne peut les accomplir que grâce à sa liberté et à son intelligence. Par la liberté, l’homme est convaincu d’être un don à soi et qu’il n’existe pas par lui-même. La liberté humaine n’a de sens que si elle se rapporte à la transcendance : la Vérité.
La mission de l’Eglise est de conscientiser chaque ivoirien (ne) sur la valeur de la parole et ainsi chacun découvrira à l’intérieur de soi « la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir »[5] et dans l’autre qui est en face de lui « la voix qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal »[6]. Si ce message est bien perçu et vécu en côte d’ivoire, n’a besoin d’une seule chose pour sortir de sa crise : faire l’expérience de la parole vraie. Car le système dictatorial s’écroulera de lui-même et le dialogue ouvrira la voie du véritable multipartisme.
d / La voie de la libération intérieure pour le salut de la Côte d’Ivoire.
La présence de cette transcendance intérieure qui nous parle est mise en lumière par la religion. Une société sans religion est vouée à la violence. Mais comme pour la plupart des pays, la Côte d’ivoire connaît un problème de la pratique religieuse. La religion et particulièrement le christianisme est compris comme une pratique préparant la situation de l’au-delà. Ainsi naît un divorce entre l’organisation sociale et l’expression de la foi. Celle-ci se trouve désincarner dans l’histoire. L’expression de la foi est limitée à la vie privée. Dieu est écarté du domaine socio-politique et la religion devient apolitique. Il reste vrai que Jésus n’a pas été un homme politique, et que son attitude aboutit, par conséquent, à une sécularisation du pouvoir politique. C’est pour dire qu’il a montré clairement que le pouvoir n’a pas besoin d’une justification religieuse pour exercer son action. Mais en même temps il nous donne le chemin d’être libres et nous invite à rendre le monde tel. Dieu, en Jésus Christ, nous révèle notre destinée. Cette connaissance libère notre liberté pour que nous accomplissions les tâches qui sont les nôtres. Jésus nous révèle la vérité de notre existence : le rapport à Dieu qui est au cœur de l’existence humaine. C’est Dieu qui donne sens à notre vie. En Jésus nous découvrons les différentes sphères de la vie par rapport à celui qui les fonde et sans qui elles n’ont pas leur raison d’être. Le domaine socio-politique est déterminant dans les sociétés humaines, mais, comme secteur de l’activité de l’homme, il n’est pas ce qui lui donne son sens. L’activité politique vise à rendre la meilleure possible la vie en société, mais elle ne se donne pas à elle-même les finalités de son action. Les finalités de l’action politique ne peuvent être définies qu’en référence au sens de l’existence et à Dieu qui la fonde. La vie politique est un des lieux où se lit le rapport à Dieu dont le visage nous est manifesté en Jésus-Christ. Elle ne peut donc être elle-même son propre absolu, sous peine d’absolutiser une finitude. La vie humaine pour laquelle la vie politique est au service, est un développement progressif de ce qui a été inscrit dans l’humanité par le Verbe incarné. On n’attend pas que la vie politique fasse apparaître de l’inattendu. Le neuf n’est pas dans le changement des personnes mais dans la conversion de celles-ci. Le chrétien voit dans l’activité politique une invention continue. Entrant volontier dans ce dynamique, il reconnaît un besoin de dépassement de toute forme historique de société.
C’est ce message que l’Eglise doit annoncer à son peuple aujourd’hui. Si le message est compris, il doit se traduire dans le concret par des actions. La première consiste à la pratique authentique du système pluraliste commencé avec la démocratisation. Quand on sait qu’aucun système politique n’est pas définitif, mais plutôt relatif, on se tait sur les conflits rivaux et des ambitions personnelles pour chercher des perspectives qui trouvent leur valeur dans la vérité. Seule la vérité juge la politique.
Le pluralisme n’est pas un moyen pour assouvir sa soif de gouverner mais il signifie qu’aucune pensée politique ne peut se prétendre adéquate à la vérité. Il invite à un remembrement de la vérité dans une expérience qui est à la fois connaissance et praxis. Le pluralisme résulte de la transcendance et de l’universalité de la vérité. Celle-ci est transcendante, en ce sens qu’elle dépasse la connaissance et l’expérience d’une pensée politique dont le combat ne pourra donc jamais aboutir à un état des sociétés absolument réussies. La vérité est universelle, en ce sens que les autres pensées et pratiques politiques sont des auxiliaires et des témoins dans une quête qui ne permet jamais de dire que l’état pleinement réussi des sociétés est ici ou qu’il est là.
La politique ivoirienne doit revenir au sens vrai de compromis qui est essentiel dans un système pluraliste. Depuis une décennie, la Côte d’ivoire passe de compromis en compromis qui ne sont que des conciliations dissimulant momentanément les volontés propres de chaque parti politique. Or le compromis est la voie, un armistice dans les luttes fixant provisoirement le rapport des forces entre des adversaires. Le compromis marque parfois une pause pendant laquelle mûriront de nouvelles idées. Le compromis, c’est l’anticipation de la réconciliation.
La seconde action est l’éducation à une civilisation d’amour, d’autant plus que la vérité et l’amour vont ensemble. Dans ce sens l’Eglise doit soutenir l’association « Rameau de Jessé », créée il y a dix ans pour cette finalité. Elle a pris comme lieu d’engagement la culture. Elle veut interroger l’homme ivoirien dans toutes ses dimensions et lui faire voir qu’il est acteur de l’avènement de la nouvelle société, celle à laquelle il aspire.
Jésus nous libère de la misère morale. Non pas en nous écrasant sous le poids de nos fautes mais en ouvrant nos yeux d’aveugles, en nous montrant un autre chemin pour nos relations entre hommes : celui de l’amour, celui d’hommes qui traduisent dans leurs actes cette bienveillance de Dieu qu’ils ont d’abord éprouvée pour eux-mêmes. La vérité existentielle ne suit pas une méthode de procès. Celui-ci l’aveugle par sa méthode de défense. C’est cela le péché du processus de démocratisation lancé. Au lieu d’emprunter la voie d’auto-critique, l’opposition et le gouvernement jouent tous le jeu d’accusation mutuelle. Jésus nous libère du cercle vicieux de la vengeance et de la violence, de tout emprisonnement par les sympathies et les attentes populaires. Jésus nous libère de notre dureté de cœur et de notre suffisance.
Avec Jésus, le secret de la vie est de connaître Dieu. Cette connaissance de Dieu signifie justement accueillir un amour qui nous libère pour l’amour des autres. C’est se nourrir auprès de Dieu, s’imprégner de son regard, de ses sentiments, de ses réactions envers les hommes, pour les aborder à notre tour dans le même Esprit de bienveillance. Et inversement, vivre dans une attitude d’amour envers les autres est le seul moyen de connaître et de rencontrer Dieu. Si la vérité se trouve dans l’ouverture bienveillante envers Dieu et envers les autres, cela implique aussi nécessairement une nouvelle attitude envers soi-même, ses propres intérêts, ses propres sentiments et projets.
Conclusion
Ce que l’Eglise doit proclamer est que la libération de l’homme et de son milieu social exige de lui la découverte dans la réalité terrestre le signe de Dieu. Le point de départ de ce processus est la parole. Celle-ci se trouve dans tous les peuples et est pour tous les peuples. Elle est le ciment d’unité de la société et la voie d’un développement intégrale si elle est l’expression de la vérité. Pour cela la liberté d’expression a une importance capitale pour la sortie de crise en Côte d’Ivoire. Ce pays qui vit depuis des décennies dans une politique avec une structure de péché organisée ne retrouvera sa vraie identité d’une société libre que si ses fils découvrent la dimension transcendantale et inviolable du dialogue : la vérité. Seule la vérité nous rendra libres. La liberté du peuple ivoirien consisterait à reconnaître la nécessité et l’urgence, d’une part, d’un pluralisme politique et d’autre part, d’un changement du rapport social. Ce rapport doit passer d’une mentalité d’accusation et de condamnation à celle de compréhension et d’amour.
Aujourd’hui la mission de l’Eglise en Côte d’Ivoire est de conscientiser chaque ivoirien (ne) sur les attributs christologiques tels que la Vérité et la Parole. Ce devoir lui incombe d’autant plus que celui qui est la source de son essence et de son existence : « le Christ, le communicateur par excellence, à ceux qui croient en lui, transmet la vérité, la vie et l’amour qu’il partage avec le Père des cieux et l’Esprit Saint ».[7]
[1] Cf. Mgr R. SARAH, Une mission pour l’Eglise qui est en Afrique, in Documentation Catholique n°2091 (1994), 337.
[2] Cf. Démocratie et promotion humaine, Lettre pastorale de la CERAO, in Documentation Catholique n°2128 (1995), 1084-1092.
[3] M. LUTHER KING, Combats pour la liberté, in B. CHENU, L’urgence prophétique : Dieu au défi de l’histoire, Paris : Centurion 1997, 177.
[4] Cf. M. BALELA, De la communication avec l’autre à la réalisation de soi, Rome : Remi Ambrosini, 1995, 53-55.
[5] Jean-Paul II, La splendeur de la vérité Encyclique, Paris : Cerf, 1993, n°54, 88.
[6] Jean-Paul II, La splendeur de la vérité, n°54
[7] Jean-Paul II, L’Eglise en Afrique, n°122, 128.