Déclaration des Groupes parlementaires PDCI-RDA, RASSEMBLEMENT et VOX POPULI

Je ne comprends pas les arguments et l’attitude des groupes parlementaires de l’opposition de l’Assemblée Nationale. Ceux-ci s’inscrivent désormais résolument dans une logique de régression démocratique et de déstabilisation institutionnelle, en vue de soutenir un individu au mépris du fonctionnement régulier et de l’image de leur institution. Ils pourraient, au regard de leur attitude et pour la clarté du débat, s’ériger en un club de soutien au Président Guillaume Soro, ce qui est parfaitement leur droit, ou se transformer en un groupe parlementaire représentant la formation politique de ce dernier, ce qui lui serait plus utile dans le rapport de force qui s’exerce actuellement dans le champ politique, ou encore, en parti politique pour exprimer leur propre vision, si tant en est qu’ils en ont.

En réduisant à la plus simple expression la situation actuelle de l’Assemblée Nationale, nous pouvons observer deux réalités: 1) L’existence d’une majorité qui satisfait à une règle très simple qui consacre un principe démocratique: le résultat du vote populaire est la seule source du pouvoir dans un système démocratique bien élaboré et bien compris. Ce n’est ni aux statuts, ni aux lois de donner le pouvoir à un individu ou à un groupe d’individus ou de les y maintenir, au détriment de la légitimité du vote qui exprime une majorité dans la représentativité du peuple souverain. C’est cette perversion qui nous a fait tant de mal dans notre histoire. Je ne vois vraiment pas au nom de quel principe juridique l’on pourrait solliciter une autre légitimité. A supposer que peu importe qu’une minorité ou une majorité soit favorable ou hostile à un acte de décision, dans la mesure où la force des textes est telle, qu’un tel acte ne saurait suffire à la réduire ou à contraindre un quelconque sujet de droit à renoncer à s’y référer pour justifier son opposition. Cela poserait le problème du conflit qui peut surgir entre la légitimité et la légalité. Si la composition du Bureau de l’Assemblée Nationale est parfaitement légitime (logique de représentativité et loi du rapport de force démocratique), cependant, il ne serait pas légal de l’avis des oppositions (inapplication des règles de droit).

Dans une telle configuration qui dit la légalité ? L’opposition peut-elle se faire, de son propre chef, l’interprète de la Loi, sans la violer au regard de la séparation des pouvoirs constitutionnels et de leurs attributions respectives ? Le blocage volontaire du fonctionnement régulier d’une Institution de la République n’est-il pas, en lui-même, un acte illégal ? Les députés de la Nation, rémunérés avec l’argent de l’ensemble des contribuables quels que soient leurs bords politiques, ont-ils pour mission de défendre les intérêts personnels d’un individu, d’un parti politique ou de soutenir des ambitions partisanes dans des luttes de pouvoir ? Lorsqu’une alternance se produit au sommet d’une Institution, au regard des principes précités, doit-elle conduire à une fronde plutôt qu’à une amélioration du fonctionnement de celle-ci ?

Si la contestation attachée au principe de liberté devait être systématique, au regard de l’opposition des intérêts particuliers et de la concurrence des ambitions des personnes et groupes en présence, une telle “démocratie” serait manifestement invivable. Elle s’étoufferait très vite d’elle-même, rendant du coup impossible son développement. Il faut penser que nous comprenons mal le fonctionnement de la démocratie. Ce procédé qui met en évidence les origines et les modalités juridico-politiques de notre crise passée et traduit la conflictualité présente de notre société politique, marque aussi la dégradation des relations entre entrepreneurs politiques, et plus grave, entre ceux-ci et les institutions de la République. C’est notre passé, actualisé dans le présent, qui continue de produire du refus aux principes les plus simples de la démocratie et du droit, tout en remettant en cause nos Institutions.

2) – Une fronde parlementaire de nature personnelle et intéressée. Généralement l’opposition repose sur une divergence idéologique et programmatique, et non sur des questions de personnes et d’intérêts (financiers et politiques). En effet, une plus grande présence de l’opposition dans la composition de Bureau de l’Assemblée Nationale aurait-elle permis d’améliorer la gouvernance du pays et le bon fonctionnement de l’Institution ? Le changement de celui-ci à la circonstance de la démission (forcée ou volontaire) du Président Guillaume SORO n’avait-elle pas pour but d’éviter précisément un blocage de l’Institution et non le contraire ? En quoi l’opposition parlementaire ivoirienne est-t-elle concernée, par ricochet le peuple Ivoirien qu’elle représente et au nom duquel elle parle et agit, par une question de poste au sein de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie qui n’est qu’une simple association et non une Institution multilatérale ? Ce questionnement nous conduit à rappeler la double fonction du député : élaborer la Loi et contrôler l’action gouvernementale. Il n’a pas pour rôle de soutenir un individu ou de s’opposer à la représentation de son pays à l’extérieur. C’est méconnaître sa mission ou la détourner de son objet, plus grave, c’est ignorer une réalité fondamentale, pourtant très simple, comme nous l’avons vu : dans l’esprit de nos institutions, le gouvernement dispose des moyens juridiques prévus par nos textes, lui permettant d’imposer sa volonté (initiative des lois, vote majoritaire), car il dispose d’une majorité forte au parlement pour le soutenir. Dès lors, l’opposition n’a pas pour vocation de bloquer le bon fonctionnement de l’institution, de dénigrer son propre pays vis à vis de l’extérieur ( attitude anti-patriotique et anti-républicain), mais de veiller à ce que cette majorité ne trahisse pas les intérêts du peuple ou ne gaspille pas les ressources financières de la Nation dans des actions inutiles ou peu efficaces pour le bien-être collectif et la transparence de l’action publique.

Conclusion : Les modalités d’expression de l’opposition sont prévues par les textes. En choisissant le sensationnel, le spectaculaire et l’obstruction systématique et mécanique, notre opposition, notamment celle représentée par les groupes les plus minoritaires que sont Vox Populi et Rassemblement (qui sont en réalité des clubs de soutien), recherche davantage un impact médiatique pour accroître leur propre popularité. Il s’agit d’un dévoiement de la mission parlementaire et des techniques juridiques de l’expression d’une opposition légaliste. Le député participe aux débats sur les textes et les questions mis à l’ordre du jour dans le cadre des activités parlementaires, mais pas aux débats purement politiciens de la vie publique qui, eux, appartiennes aux partis politiques et non aux groupes parlementaires. Il faut éviter la confusion des rôles. Par ailleurs, il faut prendre en considération un phénomène politique majeur voulu par notre Constitution, à l’instar de la Vème République Française, qui traverse les Institutions et domine toute la vie Nationale, c’est celui de la force de la majorité qualifiée dans notre système démocratique. Enfin, le député représente à l’Assemblée Nationale la voix du peuple et y défend ses intérêts, non pas celui d’un individu ou d’un groupe politique.

Tout député dispose de la liberté d’expression tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’institution parlementaire, sous réserve que cette liberté ne dégénère pas en abus de droit. L’exercice de celui-ci doit être en relation étroite avec la nature des activités parlementaires à accomplir par le député proportionnellement au but recherché. Quel est celui-ci dans la candidature du Président SORO à la présidence de l’AFP ? Le prestige d’un individu? Le triomphe du droit au bénéfice de qui ? L’amélioration des conditions de vie des citoyens ivoiriens ou de l’évaluation et du suivi des politiques publiques du Gouvernement ? On mesure tout de suite la vacuité de cette déclaration. En revanche, l’abus de ce droit pourrait être caractérisé ici par une série d’éléments ( cadre d’intervention violant l’obligation de réserve qu’un responsable politique doit avoir vis à vis de l’extérieur quant à l’image et les intérêts de son pays, propos diffamatoires ou injurieux vis à vis des plus hautes autorités de l’Etat, etc.). Un droit n’est jamais absolu, et il ne faut pas confondre critique et dénigrement, intérêt public et intérêt privé, opposition et remise en cause des institutions républicaines. Je déplore ce qui se passe. J’aurai préféré qu’il en soit autrement, cela ne m’autorise pas pour autant d’outrepasser les limites de ma fonction, d’autant plus que les règles sont simples en matière d’organisation internationale : respect de la souveraineté interne des états membres, adhésion des états et non des individus à l’organisation. Dès lors, toutes les autres règles et principes découlent de ces deux fondamentaux (statut, désignation, mandat, représentation, participation, élection, etc.), les règles d’autonomie y prévalent très rarement. Preuve, il suffit que la Côte d’Ivoire décide de se retirer momentanément de l’AFP pour que les mandats de la section ivoirienne s’éteignent et la candidature du Président Guillaume SORO tombe. II n’y a que des intérêts d’Etat qui y prévalent. L’intérêt et l’unité du pays doivent y être conservés, quels que soient nos querelles internes et nos clivages politiques. Ils s’imposent aux intérêts personnels, qui n’ont aucun sens à ce niveau, sinon celui de l’égo. La Côte d’Ivoire mérite mieux que cela. Pierre Aly SOUMAREY