Dans une époque où la tendance chez la femme noire est au blanchiment, à la lactification voire au déni de soi par des artifices tels que la perruque ou les mèches brésiliennes , Lupita Nyang’o en impose par sa présence en revendiquant une image plus éloquente de la femme noire, négresse, majuscule au port altier et vertical ; assumant son capillaire crépu et rebelle, sa peau d’un mat scintillant qui ne cadre pas avec les formats à nous imposés par la publicité et les images photoshoppées de nos magazines. Comment ne pas la remarquer en effet ? Elle ne paraît pas, elle apparaît, belle, resplendissante, illustre, avec une tête bien faite et bien pleine de surcroît. On en redemande tellement elle dénote des critères de beauté dits conventionnels. Hollywood n’avait d’autres choix que de s’en emparer, révisant ses critères du coup. Lupita symbolise, à elle seule, ma mère qui se rebelle, épuisée du carcan dans lequel on la maintenait, ma sœur qui se revendique, prête à faire reconnaître sa féline et gracieuse sveltesse, ma fille enfin qui s’impose, prête à tous les combats de son temps. Toutes sublimes femmes noires, debout et fières. A travers Lupita, et bien d’autres encore, car des émules en sortent, les attributs de la femme noire sont reconnus dans une industrie cinématographique qui jusqu’alors avait tendance à les nier, à les négativiser. En cela, elle est délicieusement belle. Pour le reste, les goûts et les couleurs ne se discutant pas, on est libre d’apprécier relativement sa beauté en sachant toutefois que nos goûts sont souvent le produit de nos passions mais aussi, et surtout, comme disait Frantz Fanon, le fruit de nos frustrations. Pour ma part, permettez qu’à travers cette femme, d’un cardinal ébène, j’en fasse une icône. Souffrez que je partage mes goûts et m’en délecte. Almamy Faciné Sylla
Pierre Aly SOUMAREY : « Hors des cadres conventionnels est née la talentueuse Lupita Nyang’o ou la singularité nègre. »
Très beau panégyrique de mon frère et ami Almamy Faciné Sylla à l’actrice réalisatrice, et manequin mexico-kenyane, LUPITA NYANG’O, qui sublime, non seulement à travers elle, la beauté noire, mais touche, ici, à la problématique ethno-sociologique des processus de racialisation et de la production des imaginaires, par les moyens de la capillarité, pris comme instruments politiques de la domination des noirs durant des siècles. C’est une nouvelle porte qui s’ouvre dans l’industrie de l’image et de l’esthétique, qui alimente une révolution culturelle et permet aussi au niveau scientifique, d’encourager les nouvelles orientations des sciences sociales, qui se développent autour de la déconstruction d’un processus historique qui a été préjudiciable au statut de l’homme noir dans le monde, tel qu’il a été universalisé par la volonté dominatrice et raciale de l’occident esclavagiste et colonial, qui avait besoin d’un support culturel pour construire, justifier et légitimer sa domination. L’une des conséquences négatives les plus remarquables de celle-ci, est la poursuite inconsciente de ces modèles et complexes dans le monde noir de la post-colonialité et de la modernité, que la réappropriation des caractéristiques de notre africanité combat. Oui, il est bon de célébrer la femme noire, pour sa beauté, sa richesse, son humanité et l’importance de son rôle et de sa place dans la civilisation négro-africaine. On le lui doit encore plus, lorsqu’elle est elle-même, enfin réconciliée avec son identité “nègre”.