M. Patrice Nganang et M. Jean-Pierre Djemba (à droite sur la photo)

Par Jean-Pierre Djemba

Monsieur Meuma Veun, bonsoir. Non, ce n’est pas une question de “se laisser marcher dessus”, il s’agit de tout autre chose qui me semble plutôt aller dans le sens de la mission que chaque génération devrait découvrir dans une relative opacité, puis assumer ou trahir. Le contexte dans notre pays actuellement, nous renvoie objectivement dans une relative opacité. Désormais sur ce point, tout le monde est d’accord. Il faut un homme ou un groupe qui se lève, rassemble largement autour de lui le plus grand nombre et montre la direction du combat dans lequel il doit bien entendu participer aux avant-postes comme meneur des troupes. C’est donc de cet homme ou de ce groupe qu’il est question et pas d’autre chose. Personne parmi les Camerounais qui ont l’intelligence de discerner, ne peut vouloir “marcher sur les Bamileke” dans notre pays. Le vrai problème qui se pose, il me semble, est d’une part le fait que les Bamileke ne se soient pas encore véritablement rendu compte du rôle historique qu’ils sont appelés à jouer dans la politique, au-delà de ce qu’ils font déjà relativement bien dans le commerce, dans notre pays.

En effet, l’harmonie du développement d’un pays sur le plan politique, peut dépendre d’une, de deux ou de trois de ses composantes nationales qui se craignent et se respectent réciproquement tout en comprenant que les intérêts des uns et des autres dépendent de l’entité qu’ils constituent. On pourrait, pour étayer cette thèse, prendre entre autres cas, les exemples de l’Ethiopie et de l’Inde. Dans le premier de ces deux pays, qui compte un grand nombre de nationalités, cet équilibre semble depuis le retrait des Erythréens, reposer sur une sorte de socle dont les principales pierres angulaires sont les Oromos, les Tigréens et les Afars dans une moindre mesure puisque ces derniers se retrouvent également à Djibouti. En Inde, ce socle est constitué par les Parsis et les Sikhs qui ici aussi sont parvenus à trouver un dénominateur commun. Pour qu’une telle architecture soit possible dans la mosaïque camerounaise qui comporte plus de 250 nationalités, il faut que non seulement il s’en dégage deux, trois ou quatre nationalités dont l’influence soit historiquement reconnue par les faits, mais surtout qu’au sein de ces nationalités leaders, il y ait de véritables élites résolues, ayant d’une part une claire conscience de l’enjeu d’unité pour le progrès de tous, et d’autre part un savoir-faire politique et organisationnel qui puisse rassembler les centaine d’autres nationalités autour de cet idéal.

Monsieur Meuma Veun, une fois ce décor posé théoriquement, la question pratique qui vient à l’esprit est naturellement celle-ci : Indépendamment des autres nationalités fortes qui doivent nécessairement émerger si l’on veut construire un Cameroun qui prenne en mains son destin, les Bamileke ont-ils pris conscience de la place qu’ils occupent déjà dans ce dispositif et sont-ils prêts a assumer pleinement de manière responsable leur rôle historique ?