Il décida d’abord de se retirer du RHDP parce que son ex-allié ne reconnaissait pas lui avoir promis son soutien en 2020. Il menaça ensuite d’installer la chienlit dans le pays si le régime, au lieu de « lui coller la paix », continuait à le harceler, à lui chercher noise et s’acharner sur ses militants placés à des postes stratégiques et/ou juteux. Certains Ivoiriens, se basant sur l’adage « seuls les imbéciles ne changent pas d’avis », crurent alors que l’homme avait changé comme Saul de Tarse après sa rencontre avec Christ sur la route de Damas, qu’il était enfin sorti de son trop long sommeil et qu’il s’était mis debout, à la manière de la Négraille de Césaire (cf. « Cahier d’un retour au pays natal »), pour faire ce qu’il n’avait jamais fait auparavant: se préoccuper du sort des Ivoiriens; se battre pour eux; défendre la Côte d’Ivoire, bec et ongles; faire passer les intérêts du pays avant les siens. Mieux, il exigea, comme le FPI de Gbagbo et d’autres partis, la réforme de la commission électorale avant les élections municipales et régionales. Pas un jour ne passait sans que le président du PDCI ne fulminât contre cette CEI illégale, caduque et dirigée par un homme corrompu et manquant d’honneur et de dignité. Il ne s’arrêta pas là. Il autorisa sa jeunesse à prendre part au meeting de la jeunesse d’Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS) à Anono, le 15 septembre 2018. Le nouveau « patriote » devait toutefois franchir deux pas supplémentaires pour revenir complètement en grâce: le boycott des élections couplées et la constitution, avec les autres partis, d’une sorte d’union sacrée qui porterait l’estocade au régime sectaire et sanguinaire de Dramane Ouattara. Le pouvait-il et le voulait-il ? Non, puisque son parti ne se gêna pas pour participer à un scrutin dont tout le monde savait à l’avance qu’il serait émaillé de violences et de tricheries. L’homme préféra la compromission à la cohérence, fit primer les intérêts personnels sur l’intérêt général, parce que « le chien ne change jamais sa manière de s’asseoir », parce que « chassez le naturel, il revient au galop » comme le disait Lisette, la suivante d’un prétendant qui avait du mal à cacher son orgueil dans la comédie « Le Glorieux » du dramaturge français Philippe Néricault Destouches (1680-1754).

Je vais certainement déplaire à ses suiveurs en affirmant ceci : sauf miracle (à moins qu’il vive une expérience hors du commun comme celle qui transforma Saul de Tarse en Paul), Konan Bédié n’est pas près de changer de caractère. Il est vain d’attendre de lui qu’il se mouille ou se sacrifie pour la Côte d’Ivoire. Cet homme, qui n’a jamais exprimé de regret public pour tout ce qu’il a fait avec Ouattara et Soro Kigbafori contre les Ivoiriens de 2002 à 2018 (attaque du pays, destruction de biens privés et publics, assassinat des danseuses d’Adjanou, massacres de Guitrozon, Duékoué, Adébem, Ivoiriens exilés et emprisonnés pour avoir voté Laurent Gbagbo en 2010, gel des avoirs des proches de l’ancien président, kidnapping et transfèrement de Laurent Gbagbo à la Haye, familles vidées de leurs logements ici ou là, terres et plantations confisquées par des étrangers à l’Ouest du pays, etc.), il est faux de penser qu’il a rompu avec Ouattara parce qu’il a pris conscience que la Côte d’Ivoire ne doit pas échapper aux Ivoiriens. Bédié n’a pas quitté le navire RHDP parce qu’il en avait marre de voir Ouattara martyriser les Ivoiriens. Non, il est parti de la coalition parce que Ouattara a contrarié son diabolique désir de revenir au pouvoir. Pour moi, la question qu’on doit se poser maintenant est la suivante : la Côte d’Ivoire étant plus importante que ceux qui dirigent les partis, les adultes et jeunes du PDCI, qui refusent que l’Ivoirien devienne progressivement étranger chez lui, vont-ils continuer à suivre ce Bédié égoïste et méchant ?

Si on ne peut reprocher au FPI d’avoir boycotté ce simulacre d’élections où pas moins de 12 morts furent dénombrés, on peut au moins souhaiter qu’il tire les leçons des dernières municipales et régionales et qu’il prenne des initiatives susceptibles de mettre notre pays à l’abri de violences ultérieures. La violence dont usent et abusent les politiciens en panne d’arguments me semble une question centrale car il n’est pas normal que des gens perdent la vie au cours d’une élection qui, après tout, n’est qu’un jeu dont le vaincu devrait féliciter le vainqueur et chercher à comprendre pourquoi il a échoué. Dans notre pays, il n’y a pas 36 partis abonnés à la violence. Non seulement le RDR a introduit la violence dans notre politique mais il a toujours préféré « l’argument de la force à la force des arguments ». Si la petite élection municipale et régionale du 13 octobre 2018 a fait autant de victimes, ne risquons-nous pas d’avoir plus de morts et de blessés en 2020 ? Les autres questions sont bien entendu la réforme de la CEI, le découpage électoral, les listes électorales, la composition du Conseil constitutionnel, la sécurisation des candidats et des électeurs. Le RDR ne devrait pas fixer tout seul les règles du jeu. Toutes les formations politiques plus la société civile devraient plutôt se retrouver autour d’une table, avant 2020, pour parvenir à un consensus sur ces questions, si nous voulons avoir des élections justes et pacifiques. C’est maintenant, dans une transition, que le problème doit être pris à bras-le-corps. Car tous les contentieux doivent être vidés avant la prochaine présidentielle. Ce que je propose ici n’a donc rien à voir avec un quelconque attentisme qui consisterait à compter les coups (au sens propre et figuré) entre le RDR et le PDCI, à regarder les deux partis donner le coup de grâce à la Côte d’Ivoire et à attendre tranquillement que 2020 arrive. Non, il faut sauver la patrie aujourd’hui. Il faut la sauver et du RDR et du PDCI-tendance Konan Bédié. Le temps est venu, pour le FPI de Laurent Gbagbo, d’aller vers les patriotes du PDCI et du RDR (adultes et jeunes) pour parler avec eux et voir comment organiser cette transition.

Jean-Claude DJEREKE