Par Jean-Claude DJEREKE

Ce qui ressemblait à une folle rumeur a fini par se confirmer: le maire du Plateau, Akossi Bendjo, a été révoqué. Pourquoi? “Fraternité Matin” du 2 août 2018 nous apprend qu’il aurait détourné des fonds publics. C’est à dessein que j’emploie ici le conditionnel car qui, dans la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui, peut sérieusement croire que Bendjo est le premier et unique détourneur de deniers publics sous le régime de Alassane Ouattara? Le directeur de “Frat Mat” accusé de mauvaise gestion par les agents du quotidien gouvernemental, Cissé Bacongo qui a empoché des milliards de F. CFA sans avoir construit, à l’université de Cocody, de nouveaux bureaux, terrains de sport, salles de classe, amphithéâtres, bibliothèques, laboratoires dignes de ce nom, ceux qui ont bâclé la construction des routes et ponts pour s’enrichir, ceux qui syphonnent quotidiennement les caisses du café-cacao ont-ils jamais été sanctionnés? Certes, nous refusons que les crimes économiques restent impunis et nous estimons que “les grilleurs d’arachide” ne devraient pas fanfaronner dans des voitures luxueuses polluant l’air de nos rues mais méditer sur leurs méfaits à la MACA. Nous ne croyons pas pour autant que Bendjo ait été débarqué pour “faux en écriture”. Cette fable-là, que Ouattara et ses suiveurs aillent la raconter aux gens de Sindou! Les Ivoiriens, eux, savent que, par cette sanction, le président de “la communauté internationale” veut faire payer à Bédié son refus de créer avec le RDR le parti unifié avant 2020.

Dans un précédent papier, j’avais averti que le président du PDCI devait s’attendre à des représailles de la part de son allié. Nous y sommes et ce n’est que le début du chemin de croix qui nous conduira, je l’espère, non pas au Golgotha, mais à la libération définitive de notre pays pris en otage depuis le 24 décembre 1999 par Ouattara et des Ivoiriens cupides et corrompus. J’ai entendu des femmes du PDCI s’indigner de la révocation de Bendjo et appeler Houphouët au secours. En réponse à leur cri du cœur, que je considère comme un aveu d’impuissance et de lâcheté, je leur dirais deux choses:

  • Laissez le “Vieux” tranquille dans sa tombe car ce n’est pas lui qui vous a demandé de faire alliance avec un individu qui, quelques années plus tôt, promettait de rendre notre pays ingouvernable si sa candidature était rejetée et semble animé par la volonté de nuire aux Ivoiriens accusés par certains affabulateurs de la CEDEAO d’avoir mal récompensé les Burkinabè qui auraient “construit” la Côte d’Ivoire;
  • Houphouët a mené les combats de son époque: mettre fin aux travaux forcés, défendre les agriculteurs ivoiriens dont le cacao était acheté à vil prix. Idem pour Marie Koré, Anne-Marie Raggi et les autres femmes patriotes qui marchèrent sur la prison civile de Grand-Bassam, le 24 décembre 1949. C’est votre tour de mouiller le maillot et de vous sacrifier pour le pays. À vous, et à vous seules, il revient de mener les combats de votre époque: chasser celui qui nous pourrit la vie depuis qu’il a foulé le sol de notre pays. Pour cela, demandez clairement à Bédié de rompre avec ce parti violent et tribaliste qu’est le RDR, de rencontrer les autres leaders politiques et de sonner la mobilisation de tous les Ivoiriens. Dites-lui qu’il a là l’occasion de terminer en beauté sa carrière politique et qu’il doit saisir cette chance de rentrer dans l’histoire de notre pays car “la grâce passe mais ne repasse pas”.

Après les années où chaque leader politique ivoirien pensait naïvement qu’il pouvait utiliser Ouattara pour faire du tort à son frère ivoirien, est venu le moment de se retrouver, de faire bloc, de parler d’une seule et même voix, afin de sauver la patrie en danger. C’est dans ce sens qu’il convient de comprendre la déclaration faite hier par Akossi Bendjo: “Maintenant que les masques sont tombés, nous prendrons nos responsabilités. Nous invitons tous les Ivoiriens, de tout bord politique et de la société civile, à se mettre en rang de bataille pour mettre fin à la dérive totalitaire qui s’installe dans notre pays.” Non, la dictature n’est pas en train de s’installer. Elle est déjà là, qui a placé les Ivoiriens sur écoute, qui se sert de R. Lakpé pour suspendre les journaux qui n’encensent pas Alassane Ouattara, qui arrête et emprisonne quiconque ose critiquer le régime pendant que les “Microbes” se livrent tranquillement à leur sale besogne comme s’ils étaient protégés et soutenus par ceux qui sont au pouvoir, pendant que ceux qui enlèvent et assassinent enfants et gendarmes circulent librement. Elle peut s’éterniser et faire de nous des étrangers dans notre propre pays si nous nous bornons à faire des discours, à prier ou à nous plaindre. C’est le lieu de rappeler que la Côte d’Ivoire n’a pas (et n’aura jamais) de problèmes avec les étrangers qui y entrent légalement, en respectent les lois, connaissent leur place et ne cherchent pas à y vivre sans les Ivoiriens. Cette Côte d’Ivoire, ouverte mais accordant les premières places aux Ivoiriens comme cela se fait partout ailleurs, “ne sera pas construit[e] par ceux qui restent à l’écart, les bras croisés, mais par ceux qui sont dans l’arène, les vêtements réduits en haillons par la tempête et le corps mutilé par les évènements [car] l’honneur appartient à ceux qui jamais ne s’éloignent de la vérité, même dans l’obscurité et la difficulté, ceux qui essayent toujours et qui ne se laissent pas décourager par les insultes, l’humiliation ou même la défaite” (Nelson Mandela, “Un long chemin vers la liberté”, Paris, LGF/Livre de Poche, 2008).