Propos liminaire
Chers amis de la presse nationale et internationale
Suite au discours du chef d’Etat, Alassane Ouattara, du 31 décembre 2015 à la nation, lequel discours annonçant la libération de 3100 prisonniers relativement à la grâce présidentielle, nombreuses sont les femmes des détenus, que nous sommes, qui ont nourri l’espoir de voir leurs époux humer l’air frais de la liberté. Hélas, nous avons été témoins d’une manœuvre dilatoire car selon le gouvernement cette grâce ne concernait que des prisonniers de droit commun. Pour rappel, Un prisonnier de droit commun est une personne emprisonnée par un tribunal pour avoir commis des gestes ou actions punis par une ou plusieurs lois ou règlement étatique. Si tant est que nos époux ne sont pas des prisonniers politiques mais des personnes qui ont attaqué des commissariats et des gendarmeries comme le chef de l’Etat a tenté de le faire croire le 1er mai dernier, cela signifie qu’ils sont des prisonniers de droit commun pour avoir commis des actions punies par les lois du pays. Dans ce cas, pourquoi tous ces prisonniers taxés d’être des partisans de Laurent Gbagbo ne bénéficient pas à l’instar des 3100 personnes de la grâce présidentielle ?
Trois années après cette annonce aux allures de fanfaronnade médiatique, c’est la croix et la bannière pour nos époux et parents détenus. A ce jour, KOFFI NDRI BONIFACE, PEKOULA JOEL, ASSEMIEN MARTIN, KOUYA GNEPA ERIC, DJEKOURI AIMEE, KOUATCHI ASSIE JEAN et BOYO JEAN PAUL tous détenus de la crise post-électorale sont morts en prison. Quant à, GOULIA TOHOUA ALPHONSE, SERY JOSEPH, DODO ELIAZAR SERY ZOKO, KAPHET GNAKO AIME, DJIHO JEAN, N’GUESSAN N’GUESSAN VICTORIEN, MAHAN GAHE BASIL, ils ont succombé aux traitements inhumains qu’ils y ont connus quelques mois suite à leur libération. En ce qui révèle des assises qui ont repris depuis avril 2017, aucun rapport n’a été produit. Ce qui fait que les autorités carcérales refusent de délivrer des documents administratifs tels que les attestations de détentions parce que ne voulant prendre aucune responsabilité. En ce qui relève aussi des arrestations arbitraires, elles sont monnaie courante. Ainsi, Madou Zadi Yadé, Kouamé Kessé Jean Paul et Natoua Taudoua Rodrigue ont été arrêtés les 25 et 27 avril 2018 par la Direction de la Surveillance du Territoire (DST). Torturés, ils ont été placés sous mandat de dépôt le 4 mai dernier.
Par ailleurs, quand est-il de la présomption d’innocence de ces nombreux détenus qui n’ont jusqu’à ce jour pas eu le privilège de passer devant un juge ? Présomption d’innocence chère au gouvernement ivoirien quand il s’agit de l’inculpation des ex-chefs de guerre proches du Président Ouattara.
Au chef de l’Etat, nous lançons cet appel. M. Le Président, nous attendons toujours de voir votre slogan de campagne ‘‘Vivre ensemble’’ devenir une réalité car les Ivoiriens vivent côte à côté. Il n’est jamais tard pour vous ressaisir et reconnaître l’existence des prisonniers politiques. Face à votre négation de l’existence des prisonniers politiques, la réaction des Ivoiriens lors de votre discours du 1er mai dernier illustre que seuls vous ne savez pas qu’il existe des prisonniers politiques en Côte d’Ivoire. Le cas de Jean Gervais Tcheidé, incarcéré pour troubles à l’ordre public en 2018, puis maintenu en prison pour un mandat d’arrêt fantaisiste datant de 2013 suffit pour comprendre la volonté de museler l’opposition politique.
M. Le Président, qu’est-ce qui vous fait tant peur ? (x3). Nos époux et parents, détenus politiques ne représentent nullement une menace pour la paix à côté de votre armée mexicaine gréviste devenue trop bavarde pour des primes. Au contraire, la libération des prisonniers politiques vous fera entrer dans l’histoire. N’est-ce pas le discours du 2 février 1990 du Président Sud-Africain Frédérik De Klerk annonçant la libération de Nelson Mandela au bout de vingt-sept années de détention qui a bouleversé le destin de son pays et l’a fait entrer royalement dans l’histoire avec le prix Nobel de la paix le 15 octobre 1993 ? M. Le Président, vous n’aurez hélas pas vingt-sept années pour réfléchir. Il vous reste deux années pour entrer dans l’histoire.
Si les morts des …détenus anonymes peuvent vous sembler indifférentes, n’ayez pas M. Le Président la mort de Simone Gbagbo sur la conscience. N’ayez pas la mort de Laurent Gbagbo sur la conscience. N’ayez pas la mort de Lida Kouassi Moise, Assoa Adou, Samba David… sur la conscience. Humblement, nous vous demandons de libérer nos 300 époux pour qu’ensemble, les fils et filles de ce pays participent à sa construction. Pour une réconciliation véritable, une paix vraie entre deux ex-belligérants et non une paix sous couveuse conditionnée par l’adhésion au parti unifié. Nous pensons que si nos parents sont libérés la cote d’ivoire se retrouvera grandie et la réconciliation nationale tant ressassée par vous le chef de l’Etat aura afin un visage. Car tant que les 300 ivoiriens seront détenus sans jugement pour certains, dans les conditions inhumaines, très malades et empêchés de voir un médecin pour d’autres, les ivoiriens continueront à se regarder en chiens de faïence. Vive la justice pour tous !
Je vous remercie.
Simone Datté
Présidente du Collectif Des Femmes et Parents des Détenus de la Crise Post-électorale (Cofed)