Ce constat est d’autant plus décevant lorsqu’il provient d’intellectuels qui se limitent à une description purement critique ou une pétition de principes sans y préfigurer l’avenir. Lorsqu’ils s’essayent à cet exercice où l’esthétique disparait au profit de l’action, ils nous trouvent, avec un angélisme déconcertant, des personnages doués de toutes les vertus (héros, hommes providentiels, et que sais-je). Consternant. C’est ici que nait le culte de la personnalité, qui conduit à une conscience surdimensionnée de l’humble humanité de ces personnages. Conséquence, on se fabrique des demi-dieux qui écrasent tout sur leur passage (conquête et exercice du pouvoir) et auxquels nous nous offrons volontairement en servitude.
On ne cherche pas des valeurs sur un mode progressif (intérêt général) et communautariste (projet de société), mais sur un mode profondément individualiste (ambition et intérêts personnels) et dégradé (absolu), alors que sous ce rapport, tous ces personnages ont une personnalité à la fois négative et positive. Dès lors, il devient par la suite difficile de souligner ces traits négatifs, sans recevoir en retour une assignation identitaire (traite, dissident, ennemi et que sais-je encore). Je suis triste que ce soit des “plumitifs” comme aimait à les appeler Sembène Ousmane, qui en premier, jouent ce rôle de mystification des masses contre les libertés et l’exigence (efficacité, bien commun, progrès). Si l’on échappait au piège de ces enflures et de cette imposture intellectuelle, beaucoup de choses iraient mieux dans notre pays.