L’Appel du Roi de Tiapoum à ses détracteurs

Intronisé Roi des Adouvlais Sohé, sous-groupe des N’Zima de Côte d’Ivoire à la frontière Est du pays, sous le nom de règne de Awoula Kroutchi IV, Kouassi N’Daffo, cadre dans l’industrie hôtelière en Belgique, explique dans l’interview ci-dessous la tâche qui est la sienne. C’était samedi 27 Mai 2017, quelques heures après cet important évènement pour les populations du département de Tiapoum, dans la région du Sud-Comoé.

Majesté, félicitations pour cette intronisation qui s’est faite sans heurts, on pourrait dire au grand dam de quelques uns d’entre vos sujets qui vous attribuent la nationalité Ghanéenne. Alors, pourriez-vous vous présenter, s’il vous plaît ?

Je me nomme  Kouassi N’Daffo,  intronisé  comme le Roi Kroutchi IV, après la longue maladie du roi Kroutchi III du peuple Adouvlais Sohé, dans le département de Tiapoum. La famille ayant bien voulu me mettre sur le trône, il était de mon devoir de répondre à l’appel du peuple. Je suis100 % Ivoirien. J’ai fait mes études primaires,   secondaires  et universitaires respectivement à Tiapoum, Aboisso et Abidjan. J’ai occupé plusieurs fonctions, ici, en Côte d’Ivoire, avant de me rendre en Belgique où je suis depuis 19 ans. Ce trône appartient  à la famille N’Douafo,  de la descendance  de Kroutchi, commençant par Kroutchi I, puis Kroutchi II et III. Je suis  Kroutchi IV, de la nouvelle génération, et c’est ainsi que la famille va continuer pendant, encore, des décennies.  Je tiens à informer les ivoiriens  que, en ce qui me concerne, je refuse de tomber dans des vaines polémiques, et que ce qui compte, c’est que nous voulons le développement  du  Royaume Adouvlais Sohé. Et grâce au décret  présidentiel qui donne pouvoir  aux Rois et chefs traditionnels, je crois que je vais bien travailler avec ce pouvoir en place pour le développement de notre royaume. Parce que, dans le  passé  les Rois n’avaient pas assez de pouvoirs, donc, ils avaient des  fonctions limitées. Mais maintenant, s’il y a un décret qui donne  une autonomie aux Rois, le peuple Adouvlais va en profiter, surtout pour développer notre département, Tiapoum, dans le Sud-Comoé.

Vous accédez au trône des Adouvlais Sohé dans un climat totalement conflictuel. En avez-vous conscience ?

Le Royaume Adouvlais Sohé  couvre 43 villages. Ce n’est pas facile, mais il faut collaborer avec les populations, les différents chefs de village, il faut rassembler. Comme mes prédécesseurs, qui ont beaucoup fait, avec la démocratie, c’est tout à fait normal qu’il y ait des contestataires. Je suis venu continuer  ce qu’ils ont entamé. J’essayerai de regrouper tout le peuple  Adouvlais Sohé, dans la communion et la bonne entente, pour le développement de notre localité  qui accuse un énorme  retard. Nos routes ne sont  pas  bitumées, alors qu’ici nous avons de grandes sociétés, telle que la Palm-CI, installées dans notre région  depuis des décennies, et dont la région  ne profite pas. Je suis arrivé au trône grâce  à tout le  peuple Adouvlais Sohé. Nous allons travailler, main dans la main, pour développer notre région. Nous allons débuter par les routes de Tiapoum, dans les autres petits villages aussi, puis mettre sur les rails les projets d’emplois afin de réduire le taux de  chômage des jeunes qui a  atteint une proportion inquiétante dans notre département.

Il y a eu des tractations souterraines avant votre intronisation, ce qui a provoqué une léthargie avant et pendant le long voyage sans retour de Sa Majesté Awoula Kroutchi III. Des personnalités du département de Tiapoum se sont opposées, sous prétexte que vous ne faites pas partie de la lignée des Rois. Qu’en est-il véritablement ?

Dans le passé, il y a eu des confrères, et des frères, qui ont toujours essayé de s’accaparer ce trône. Ce trône-ci, ils ne l’auront jamais, parce qu’il appartient aux Kroutchi, issus de  la descendance de Kroutchi I, qui sont la descendance des Sohé, qui restera jusqu’à  des décennies. Il y a eu, certes des tractations, mais il faut  aller dans le bon sens, parce qu’on ne peut pas  se permettre  de leur donner le pouvoir qui ne leur appartient pas. Sinon pour ma nomination, il ya eu pas mal de réactions. Mais, c’est  une  succession, et c’est une descendance, le choix ne se fait pas par hasard. Les familles regardent dans la lignée afin de choisir celui des descendants dont c’est le tour.

Maintenant que vous êtes sur le trône, que comptez-vous faire pour attirer vers vous les dissidents, pour la réconciliation du peuple Adouvlais ?

C’est un travail de longue haleine. Quoi qu’on dise et qu’on fasse, nous sommes tous de la même  descendance. Mais dans l’histoire, il ya eu beaucoup de choses qui se sont passées, ce qui a eu pour conséquence de provoquer une séparation artificielle de la famille. Alors, si nous sommes de la même famille, nous devons  tous respecter ses droits et devoirs. Il ne faut pas aller contre l’idée de toute la grande famille et prendre un petit  groupe pour combattre la grande majorité. C’est impossible, parce que nous avons des ainés qui, eux aussi, connaissent  l’histoire de la  famille. C’est un travail qui a été entamé par nos grands-parents. C’est même un impératif de se réconcilier, et on se met tous main dans la main. Mais certains essayent, toujours, d’envoyer la division.   Comme Kroutchi était un réconciliateur, sa descendance, nous tendons toujours la main afin de rester dans la même  famille. Mais si d’autres veulent persister dans la division, nous sommes au regret de dire que nous ne sommes pas prêts à leur céder ce pouvoir.  Nous serons obligés de nous opposer afin de garder notre tradition, de conserver notre autonomie, notre souveraineté, notre royaume  digne des noms de Kroutchi I, II et III.

Il y a des anecdotes qui se racontent sur votre arrivée au trône. Il se dit que vous auriez été ‘’capturé’’ à Nouamou où vous étiez à des obsèques. D’autres racontent qu’on vous aurait ‘’attrapé’’ à Abidjan. Tout ceci pour expliquer que vous auriez refusé de monter sur le trône, au profit de votre situation sociale actuelle ?

(Rires) Ce sont des choses décidées par la grande famille. Il ya toujours des pourparlers avant la montée au trône. Il fallait qu’on se mette tous ensemble, parce que la royauté, c’est une fierté pour la grande famille. Et  donc, on ne peut pas se permettre de mettre n’importe qui sur le trône. Il faut mettre quelqu’un  qui puisse rassembler toute la famille, tout le peuple.   Ils ne sont pas allés me chercher à Abidjan ni à Nouamou ? Cela a été un travail de longue haleine,  qui a duré deux ans. Dans la descendance de Kroutchi I, on essaye de voir, toujours, quelqu’un qui peut se mettre sur le trône longtemps à l’avance. La famille étant composée de différentes grand-mères, on ne peut pas se permettre de prendre  uniquement  le  fils  d’une seule d’entre elles, ou bien le petit-fils d’une seule grand-mère. On distribue le trône à toute la famille.   C’est ainsi que se fait la succession chez nous. Aujourd’hui, je suis sur le trône, mais après moi, ce ne sera pas quelqu’un de ma famille biologique, descendant de ma grand-mère, ni un autre petit fils de ma grand-mère, encore moins un autre fils de ma mère. Ce sera le fils d’une autre mère de la famille. C’est comme ça que nous procédons. Mes parents ont dit qu’ils ont étudié toutes les propositions,  et leur choix s’est porté sur moi. Car pour eux, je suis celui qui est capable de rassembler la famille et tout le peuple Adouvlais Sohé.

Pour terminer cet entretien, quel est votre message à l’endroit de tous les ivoiriens en général, et du peuple Adouvlais en particulier ?

Ce qui me tient le plus à cœur, c’est le développement de  mon royaume, à  commencer par Tiapoum.  Ce qu’il faut faire, c’est de rassembler tous les cadres du  royaume, tous les élus et la population. Il faut créer des activités génératrices de revenus  afin d’éviter l’exode rural des jeunes. Je sollicite l’aide du gouvernement  dans cette tâche. Ma priorité est d’aider la jeunesse à trouver du travail. Je veux travailler avec tous les cadres et les élus de la région afin que le peuple Adouvlais Sohé soit heureux dans le futur.

Interview réalisée à Tiapoum par

Laurent Nahounou

laurentmadoun@gmail.com