Les membres du bureau régional JVP du Bafing avec le parrain, les autorités administratives, politiques, et le président national de l’association.

Des journalistes Ivoiriens, regroupés au sein de l’association Journalistes Volontaires pour la Paix et la cohésion sociale (JVP), ont récemment contribué à une démarche de recherches de solutions aux conflits dans le pays. A Touba, capitale de la région du Bafing, dans le Nord-ouest du pays, ils ont, à la faveur de l’installation du comité régional, organisé une table-ronde en marge de la cérémonie d’investiture du bureau régional. En l’absence des conférenciers Sénoufo (du groupe Gur) et Akan, le chef El Hadj Moustapha Fadiga, membre influent de la chefferie traditionnelle Mahouka (du groupe Mandé du Nord) de Touba, a entretenu le public, en présence du Maire Sylla Youssouf d’Adjamé et le Maire Bamba Lamine de Touba, sur le thème ‘’les processus de règlement des conflits chez les Mahou’’.

Après la cérémonie d’investiture qui s’est déroulée dans la cours du foyer des jeunes de la ville dans la matinée, une causerie-débat a eu lieu sous le préau d’un hôtel de la ville de 21 h à 23 h 30. Le sage a d’abord esquissé la typologie des conflits dans la région du Bafing, avant d’en dégager les origines et enfin, proposer des pistes de résolution. Selon Moustapha Fadiga, les conflits qui existent dans le Bafing vont des conflits fonciers aux querelles politiques, en passant par les crises récurrentes entre éleveurs et agriculteurs.

Pour le conférencier, la région est régulièrement secouée par des mésententes suite à l’introduction récente de la nouvelle culture du cacao. Cette culture, pratiquée par des étrangers d’origine Burkinabè et allogènes Baoulé, provoque des grincements de dents à cause de la manière ‘’anarchique’’ dont ils s’installent sur les terres. Ils négocient les parcelles de façon illégale, avec des jeunes gens ou des personnes âgées, sans accord préalable fondé sur des documents administratifs. Les chefs de village et de terre ne sont pas associés à leurs transactions dans la plupart des cas. Pis, les ‘’marchés’’ sont généralement conclus avec à la clé des sommes ou objets dérisoires. Aussi, ajoute le notable, ‘’les installateurs autochtones vendent parfois des terres qui ne leur appartiennent pas. De même, les acheteurs, s’ils sont installés, outrepassent souvent leur limite pour empiéter sur les parcelles d’autrui. D’où l’éclatement de conflits difficiles à maîtriser, vu la complexité du problème’’, indique le conférencier.

Quant aux conflits éleveurs-agriculteurs, ils partent également de l’installation anarchique des éleveurs, venus des pays de l’hinterland en général. Ce type d’élevage, appelé au départ ‘’transhumance’’, se sédentarise, provoquant des dégâts de cultures des populations autochtones, essentiellement agriculteurs. Ces conflits existent depuis le milieu des années 70, à la faveur de la sécheresse dans les pays sahéliens.

Le dernier type de crise existant dans le Bafing se trouve être celle opposant différents camps politiques. Ce type de conflits a toujours existé dans la région, à cause des ambitions politiques des cadres. Il s’agit, selon Fadiga Moustapha, du positionnement politique pour être Maire, Député ou Président du Conseil général, hier, et régional depuis 2013. Malheureusement, déplore-t-il, ‘’ce sont les jeunes qui sont utilisés et manipulés. Du coup, cela provoque des tensions et des affrontements, parfois dangereux pour la cohésion sociale’’, note-t-il. Il a également fait remarquer que ‘’les jeunes manquent d’éducation et de repères sociétaux. L’humilité est devenue une denrée rare chez les jeunes de notre région’’, signale le principal conférencier.

Des mécanismes de règlement des conflits

Au titre de gestion des crises sociales, El Hadj Moustapha Fadiga a d’abord rendu hommage aux journalistes et communicateurs en général, et ceux de la région du Bafing en particulier. ‘’Vous êtes les premiers à organiser une table-ronde autour d’une problématique concernant les conflits sociaux dans notre région. Espérons que d’autres structures ou bonnes volontés en fasse autant’’, s’est-il réjouit. Avant de demander un peu plus de responsabilité aux parents dans l’éducation des enfants. ‘’Tant que les jeunes manqueront de respect aux aînés, il n’y aura pas de paix, d’autant que cela deviendra un cycle infernal’’, fait-il remarquer. Concernant les conflits agriculteurs-éleveurs, le sage a souligné que les installations se fassent conformément aux règles de cohabitation, et en tenant compte des intérêts des agriculteurs.

Pour ce qui est des conflits relatifs au foncier, il a demandé à la jeunesse de se mettre au travail. ‘’Si les terres restent en friche, les tentations de les vendre aux étrangers seront toujours grandes’’, conseille-t-il.

Le président régional  Journalistes Volontaires pour la Paix et la cohésion sociale du Bafing, qui venait d’être investi quelques heures plus tôt, a salué la disponibilité du conférencier et des autorités. Il a promis de faire de cette structure un creuset de rapprochement des positions et antagonismes dans la région.

Les invités venus nombreux au nombre desquels le 1er adjoint au Maire de Touba et Directeur administratif et financier de la Mairie d’Adjamé, Doumbia Adama dit ‘’Doum’fils’’ et Laurent Nahounou, président national de JVP, se sont dit disponibles pour accompagner les journalistes de la région dans leur recherche de cohésion sociale. Le Maire d’Adjamé, Sylla Youssouf, parrain de la journée d’investiture du bureau régional JVP, a mis fin à la cérémonie en saluant l’esprit pacifique de ce débat.

Ici, le président national de JVP s’est dit heureux de voir autour d’une même table autorités coutumières, administratives et politiques pour échanger sur des pistes de solutions aux conflits qui minent la Côte d’Ivoire depuis plus de deux décennies.

Laurent Nahounou

laurentmadoun@gmail.com